“Prony-Pernod”: ce que savaient Ligeard et Frogier

Cynthia Ligeard était informée des irrégularités liées au protocole d’accord conclu avec Vale-NC et Eramet concernant l’attribution des sites miniers de Prony et Pernod. Rédigée par un proche de Pierre Frogier, une note interne démontre que l’ex-présidente de la province a agi en toute connaissance de cause. Vicissitudes.

Ancien collaborateur de Pierre Frogier lorsque celui-ci était président du congrès, Yoann Toubhans l’a suivi au cabinet de la présidence de la province. Fidèle parmi les fidèles, celui-ci s’est vu nommer directeur juridique et de l’administration générale de l’institution par le président du RUMP dans le courant de l’année 2009. Une position qui lui a permis de suivre au jour le jour les étapes de l’élaboration du protocole signé entre la collectivité et les groupes Vale-NC et Eramet quant à l’attribution des deux derniers grands gisements de nickel de Nouvelle-Calédonie : Prony-Ouest et Creek-Pernod. Dans cette note que nous nous sommes procurés, rédigée après le vote de la délibération du 2 avril 2014, le haut-fonctionnaire met en lumière les « illégalités manifestes » du protocole signé ainsi que les procédures « précipitées et incomplètes » qui ont été engagées. Comment Cynthia Ligeard aurait-elle pu les ignorer ?

Un dossier complètement pourri

En une demi-douzaine de pages, une grande quantité d’arguments sont mis en avant afin de prouver qu’en aucun cas un tel protocole accord aurait été à l’avantage de la collectivité, mais surtout qu’il était entaché de nombreuses malversations.

La mise en place d’un tel accord serait fortement préjudiciable pour la collectivité tant sur le plan juridique, économique et social, impliquant par conséquent que la province Sud prenne, dans les meilleurs délais, les mesures adéquates afin d’empêcher la réalisation de cet accord. 

Dès les premières pages, le haut-fonctionnaire, qui en tant qu’ancien collaborateur du sénateur Frogier ne peut être taxé de subjectivité, étaye les arguments selon lesquels la province n’aurait rien eu à gagner de l’attribution de ces gisements. Très critique vis-à-vis des méthodes employées – notamment par des membres du cabinet Ligeard – l’auteur affirme que les élus ont été sciemment trompés lors du vote de la délibération.

Les élus provinciaux n’ayant reçu que des informations parcellaires sur le contenu et les incidences de ce protocole d’accord (…) absence d’un document explicatif complet (…) et d’avis d’experts techniques dans le domaine minier ou d’organismes consultatifs extérieurs (…) l’information n’a pas été transmise aux élus dans des délais suffisants(…) la signature, trois jours plus tard par la présidente de la province Sud de ce protocole général d’accord (…) apparait frappée du même vice

Rappelant que Philippe Michel pour Calédonie Ensemble, Roch Wamytan pour le FLNKS et Pierre Brétégnier pour le Mouvement Populaire Calédonien ont contesté le manque d’informations et les délais « restreints » permettant l’étude du projet, selon le directeur de la DJA :

Le consentement exprimé par l’assemblée de province concernant ce protocole d’accord apparait donc véritablement avoir été vicié

Un opaque cabinet d’avocat parisien

A l’instar de ce que nous évoquions dans ces colonnes dans notre précédent article, l’auteur met en avant le travail « opaque » d’un cabinet d’avocats qui aurait eu la charge d’élaborer le protocole d’accord. Selon nos informations, celui-ci aurait été choisi par Alban Tremblier, l’actuel conseiller de la présidente Cynthia Ligeard dans une certaine opacité. Les frais – ce chiffrant à plusieurs dizaines de millions de francs – n’ayant pas suivi la voie légale des procédures d’appel d’offre.

Il a été opté pour que le projet soit élaboré et suivi par un cabinet d’avocats parisien depuis le mois de novembre 2013. La DJA de la province n’a en effet été consultée qu’épisodiquement et de façon parcellaire

Plus grave, les remarques des services juridiques ont été purement et simplement ignorées tout comme les consultations obligatoires des organismes spécialisés tel que la DIMENC ou le BRGM.

Les remarques juridiques (…) concernant l’illégalité de la clause compromissoire, ou les demandes de précisions concernant certaines dispositions du protocole ont été écartées par le cabinet d’avocats » de plus « le défaut de consultation apparaît dès lors de nature à constituer, en lui-même, un vice de procédure

La suite du document démontre également que les contraintes imposées par les industriels à la collectivité étaient « injustifiées » et que l’appréciation de la quantité des réserves de nickel était « déraisonnables », la province « cédant » des gisements de trois millions de tonnes de minerai alors que les sites en question en comporteraient deux fois plus, c’est-à-dire six millions de tonnes brutes.

Et Cynthia Ligeard se refuse à tout commentaire…

Pressée de question par les médias depuis l’annulation de « son » protocole d’accord, l’actuelle présidente du gouvernement a choisi de ne pas s’exprimer. Naturellement, face à la presse, Cynthia Ligeard aurait beaucoup de difficultés à faire croire qu’elle n’était pas au courant des dessous « irréguliers » de ce dossier d’autant plus que ses propres services l’avaient mise en garde sur le caractère « vicié » de la procédure. Le sénateur Pierre Frogier, qui aurait pris connaissance du document de son ancien collaborateur depuis le mois dernier, a bien essayé hier midi de rassurer ses militants au micro de RRB. Trouvant cette affaire « indigne et odieuse », le président du Rassemblement-UMP n’aura cité qu’une seule fois le nom de Cynthia Ligeard en une heure d’interview pour assurer « qu’elle était quelqu’un d’honnête ». Un soutien du bout des lèvres qui démontre l’ambiance quelque peu délétère qui règne au sein de l’ex-RPCR…

Retrouvez ci-dessous en exclusivité l’intégralité de la note confidentielle rédigée par un proche de Pierre Frogier:

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