POUR NOEL

C’est la trêve des confiseurs, comme on dit, et, peut-être, une fois n’est pas coutume, pourrait-on honorer la mémoire d’un de ces hommes qui ont longtemps oeuvré, dans l’ombre, pour nos jeunes d’alors.

Michel Sénès a été longtemps proviseur du Lycée La Pérouse. On se souvient sans doute davantage de Jacqueline Sénès, son épouse, longtemps journaliste à l’ORTF de l’époque. et qui avait écrit un roman, mieux connu en NC, “Terre violente”.
Comme Proviseur, il a peut-être laissé des souvenirs ambivalents, chargé qu’il était de distribuer d’une même main, punitions et récompenses. Je crois qu’il nous a quittés l’an dernier, mais j’ai perdu sa trace. Ce qu’on ignore sans doute, c’est que notre proviseur avait, bien dissimulée, une âme de poète, et qu’il avait publié en 1973, chez Chambelland un petit recueil de poèmes intitulé ” Sur le métier du temps”, dont j’extrais le texte ci-dessous, et que je vous livre en guise de cadeau de Noël.
D’autant qu’il me parait toujours d’une actualité brûlante…

LES HOMMES

J’avais tenté d’aimer les hommes
malgré leurs corps de terre et leurs âmes de boue
j’avais tenté d’aimer
malgré mon peu de goût
pour les corps délabrés,
leurs âmes fétides,
pour les vices des corps et pour les plaies des âmes
J’avais tenté d’aimer
et puis je n’ai pas pu.

Alors j’ai tenté d’aimer les hommes
pour leurs corps de terre et leurs âmes de boue,
de les aimer
d’un grand amour
pour leurs corps délabrés,
pour leurs âmes fétides,
pour leurs corps vicieux et les plaies de leurs âmes.
J’ai décidé d’aimer
et puis je n’ai pas pu.

Alors j’ai détesté
et la terre et la boue
et le délabrement des corps
et la fétidité des âmes
et les vices
et les plaies.
Et puis,
sans plus de malgré ni de pour,
j’ai commencé d’aimer les hommes.

DIOGENE