Nos élus méritent-ils leurs émoluments ?

Tout travail, mérite salaire. On peut se dire qu’au regard des nombreuses compétences qu’a le territoire, et plus particulièrement celles des provinces et du Congrès, il est normal que les élus du peuple perçoivent des émoluments conséquents.

Le travail d’un élu local, du conseiller municipal jusqu’’au conseiller de la Nouvelle-Calédonie, du maire au président du gouvernement, se voit dans son travail. De ses présences au sein des commissions, des séances publiques, mais aussi de sa connaissance des divers dossiers qui peuvent se présenter devant lui. Or, le citoyen observateur de la vie publique pourra constater que nos élus locaux ne sont pas vraiment très à cheval sur le travail et sur l’exercice de leurs fonctions électives.

Le calédonien lambda, qui se soucie un peu de la vie publique, pourra l’observer de ses yeux lors des séances des conseils municipaux ou encore lors des séances des assemblées de Provinces ou pendant les séances publiques du Congrès. Et ses yeux verront que la représentation calédonienne n’est pas un pur exemple d’assiduité. Chaque année on peut lire dans le Chien Bleu le palmarès des présences au sein du Congrès. Une présence qui est à dents de scie où l’on peut constater néanmoins que certains élus, tel Neko Hnepeune, le président de la Province des Iles Loyautés, Philippe Michel, le bretteur de Calédonie Ensemble ou encore Pierre Bretegnier, le technocrate du RUMP, sont invariablement au rendez-vous. Ensuite, viennent les seconds couteaux. Mais les principales figures de la vie politique calédonienne sont généralement absents. Parmi les partisans de cette « assemblée buissonnière » on peut noter Paul Néaoutyine, le sénateur Pierre Frogier, Eric Gay, ou encore la sulfureuse conseillère Nathalie Brizard, qu’on a plus revu depuis longtemps au sein de l’hémicycle du boulevard Vauban et ce malgré la présence d’une buvette.

Pour savoir combien ils gagnent, il faut étudier la loi organique du 19 mars 1999 qui a récemment été modifiée. Le député René Dosière avait d’ailleurs un mis le doigt sur une modification – voulue par les élus calédoniens – qui allait entrainer l’augmentation du traitement des membres du congrès mais aussi des membres du gouvernement. Ces derniers touchent environ 640 000 F auxquels vient s’ajouter une voiture de fonction. Au risque de paraitre populiste, on peut arguer qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle voiture de fonction. Il est impossible de les voir rouler en Mégane ou en Twingo par exemple ou venir en vélo ou en transport en commun, comme dans les pays scandinaves. Pendant des mois la polémique autour du salaire des 3 membres Calédonie Ensemble du gouvernement avait été au cœur des débats du microcosme politique. Ceux-ci refusaient d’exercer des compétences qui, disaient-ils, « leur avaient été imposées » par les autres membres du gouvernement. Fallait-il alors leur octroyer un salaire ou laisser faire un élu qui « boycotte » mais qui touche quand même ses indemnités ? Le «législateur » calédonien n’a pas encore tranché sur cette question.

Tous nos élus ne sont pas assidus, la plupart d’entre eux, comme madame Brizard, ne viennent jamais aux séances du Congrès mais ils se targuent toujours du même argument : le boulot se fait en commission ! On peut quand même douter de cette affirmation, car les commissions du Congrès comme celle des provinces ou des mairies ne sont pas publiques à contrario par exemple des commissions permanentes de l’Assemblée Nationale ou du Sénat. Des travaux qui sont même retransmis. Nos élus locaux auraient-ils peur que le citoyen lambda voit qu’ils laissent travailler leurs collaborateurs sur les gros dossiers ?

L’article 78 de la loi organique du 19 mars 1999 concernant le fonctionnement du Congrès de la Nouvelle-Calédonie reste assez flou sur les absences des conseillers. Il n’y a pas de mention concernant le cas d’un élu qui ne siège jamais tant lors des séances publiques, que lors des réunions des commissions. On se souvient du cas de Philippe Pentecost qui avait siégé dans les rangs de l’ex-RPCR et qui n’a presque jamais mis un pied dans l’hémicycle. Pourtant il touchait son salaire d’élu. Le règlement de la chambre basse du parlement français est très strict dans ses articles 42 et 159. En métropole, des sanctions avec retenues sur indemnités peuvent être appliquées.

Les présidents de provinces, le président du Congrès et le président et vice-président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sont très bien lotis. Ils touchent en général près de 800000 CFP auxquels peuvent s’ajouter de nombreux avantages. Des billets aller-retour en première classe vers Paris, une voiture de fonction avec chauffeur, etc… heureusement que les membres du gouvernement, qui ont eux-aussi une voiture de fonction n’ont pas de chauffeur. La collectivité économise ainsi neuf salaires.

Concernant nos parlementaires ceux-ci sont assez bien lotis, puisqu’en plus de leur salaire, ils touchent des indemnités pour les frais de représentation mais aussi pour rémunérer leurs collaborateurs. Certains parlementaires calédoniens attribuent ces postes à des membres de leur famille, sans que cela ne choque personne. Mais un parlementaire calédonien ne touche aucune rémunération si celui-ci siège dans une assemblée provinciale. Nos maires ne sont, en revanche, pas bien lotis, à moins qu’ils cumulent une fonction de maire à celle de conseiller provincial. C’est le cas de nombreux maires, tels celui de Lifou, de Koné, de Canala, de Voh, de Thio, de La Foa, de Boulouparis, de Dumbéa et du Mont-Dore. Et la liste est encore longue. Le maire de Nouméa, qui pendant des années cumulait son siège de maire et celui de conseiller provincial, était un élu millionnaire. Nombreux sont nos élus qui dépassent le million en rémunérations diverses. Il y a quelques années Jean Lèques par un vote en catimini au conseil municipal avait fait augmenter son salaire (qui est à l’heure actuelle de 700 000 CFP) et celui de ses adjoints. Le premier magistrat de Nouméa a lui aussi une voiture de fonction avec chauffeur.

Ce sont ces mêmes élus qui dès qu’ils le peuvent montent au créneau pour crier au loup, pour nous dire qu’il faut lutter contre la vie chère et qu’ils comprennent les familles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. En ces temps de crise, où la France donne l’exemple avec par exemple la diminution de salaire du président de la République, du Premier Ministre et des ministres, en Nouvelle-Calédonie, les élus s’augmentent.

Au final il n’y qu’une chose à leur dire : « Réveillez-vous et serrez-vous la ceinture ».

Machiavel