Décolonisation – Mythe & Réalité

Il ne se passe pas une semaine, que dis-je un jour, sans qu’un personnage bien intentionné nous dise tout le mal occasionné par la période dite coloniale, omettant insidieusement de reconnaître les bienfaits qu’elle a engendrés dans son sillage : ports, routes, hôpitaux, aérodromes, écoles, structures sociales etc., etc.

A les entendre, dès le retour à la pleine souveraineté notre caillou redeviendra le « paradis » qu’il était avant l’arrivée des goélettes venant d’Europe au 18è siècle.

Avant de traiter le sujet dans son rapport avec la situation locale, attardons-nous à quelques généralités afin d’éclairer notre lanterne. Si le phénomène est d’actualité pour nous il n’est pas nouveau dans l’histoire de l’humanité.

Depuis que l’homo s’est mis à marcher et s’est constitué en meutes, il n’a eu de cesse d’aller voir l’herbe plus verte chez le voisin. Que l’on appelle cela transhumance, croisades, conquête ou invasion, cette tendance est surtout due à l’atavisme hégémonique de nos semblables, qu’ils soient blancs, noirs, jaunes ou autres.

Les donneurs de leçons devraient faire preuve d’un peu plus d’objectivité, car personne n’a intérêt à évoquer ce que faisaient ceux qui nous ont précédés, chez eux comme chez nous. Il est stupide de juger des comportements d’il y a un ou deux siècles avec des critères d’aujourd’hui.

En ce qui concerne les mouvements dits de colonisation il faut souligner qu’avec le temps les méthodes avaient évolué. L’occupation faisait l’objet d’un pacte consensuel, qu’on l’appelle prise de possession, traité de coopération ou autre elle avait reçu l’accord des populations pré-occupantes.

Les mauvais souvenirs reposent surtout sur le comportement des goujats (il y en a dans toutes les générations) toujours prêts à abuser des situations favorables à leurs appétits.

Pour en terminer avec les généralités, jetons un regard sur la situation internationale actuelle. J’ai lu il y a plus de 20 ans une étude intitulée « 2100 récit du prochain siècle ». Il y était prédit trois grandes migrations : Amérique du sud-Amérique du nord, Afrique-Europe et Asie-Pacifique. Si l’on en juge par l’actualité depuis l’an 2000 il faut admettre que le mouvement est bien enclenché et que l’on ne voit comment et qui va l’arrêter.

De plus si l’on devait renvoyer tous les envahisseurs ou colonisateurs à la case départ, c’est-à-dire dans leurs régions d’origine, cela provoquerait une belle catastrophe planétaire. Alors du calme et tachons d’être raisonnables.

Après avoir tenté de démontrer l’ampleur des véritables enjeux en cause et de faire comprendre qu’il est difficile de faire l’impasse sur certaines réalités, abordons maintenant les questions à poser à ceux qui insistent à parler du passé plutôt que d’évoquer l’avenir.

Il convient tout d’abord de demander à ces justiciers d’être un peu plus bavards sur les objectifs recherchés, car les exemples que l’on prend ci ou là sur ce qui s’est fait ailleurs en pareilles circonstances sont loin d’être convaincants, du moins en ce qui concerne le bonheur du petit peuple.

Envisage-t-on un retour pur et simple aux us et coutumes qui prévalaient avant la colonisation, au fait quelle colonisation ? Car rien ne prouve que celle dont ils parlent soit la première. Il n’est pas scientifiquement démontré que ceux qui se disent le peuple premier n’aient pas été eux-mêmes précédés.

Il est de l’intérêt général qu’ils soient plus prolixes et précis sur l’organisation sociétale à laquelle ils aspirent. On veut être assurés que l’on ne se dirige pas vers une dictature aux ordres des multinationales (le terrain y est propice) vers une nomenklatura appuyée sur des principes idéologiques, vers une République bananière et corrompue etc. Ces déclarations finissant par faire partie du train-train quotidien cela n’enlève rien à leur connotation dommageable. Préoccupés que nous sommes, souvent dépassés par la vitesse où vont les mentalités, nous devons rester vigilants.

Pour nous mettre à l’abri des risques évoqués plus haut, et pour assurer au pays un maximum de moyens techniques, financiers (sans oublier la sécurité et la stabilité) la sagesse conseille de s’appuyer sur l’aide d’un grand frère (théorie du big Brother chez les anglo-saxons). Profitons du fait que la France soit bien disposée à notre égard pour lui demander de jouer ce rôle. Sa réputation de patrie des droits de l’homme nous assure de sa neutralité dans nos dissensions internes.

Nos bons samaritains seraient bien inspirés de demander que cette garantie soit accordée comme compensation aux préjudices causés par la période coloniale tant décriée

La principale caractéristique du progrès c’est de tirer les leçons des expériences passées, même celles qui laissent un souvenir négatif. La raison nous impose donc de se faire confiance afin de parvenir à des échanges constructifs plutôt inspirés par les opportunités offertes aux générations à venir du fait des richesses dont nous a généreusement doté la nature dans notre beau pays.

Les deux siècles que nous venons de passer ensemble prouvent que nos dissemblances ne sont pas irrémédiables (regardez ce qui se passe en Afrique et autour de la Méditerranée, berceaux de l’humanité). Ici le peuple accueillant est foncièrement brave, il l’a maintes fois démontré dans le passé.

La période vécue depuis les accords, dans le respect mutuel, mérite que tout soit tenté pour la poursuite d’une évolution rationnelle, que les débats conservent un niveau élevé.

Que les sacrifices consentis à l’occasion de la poignée de main à la réputation internationale entre Jean-Marie TJIBAOU et Jacques LAFLEUR, sous l’égide de l’Etat représenté par deux éminents serviteurs (Michel ROCARD et Alain CHRISNACHT) finissent par connaître la consécration qu’ils méritent.

Soyons les dignes successeurs des hommes qui (souvent dans l’ombre) ont œuvré dans les années 1950 pour la réconciliation entre colonisés et colonisateurs. Je veux parler des apôtres de l’AICLF et de l’UICALO et des descendants de pionniers (aujourd’hui qualifiés de victimes de l’Histoire) qui avec leur slogan « Deux couleurs un seul Peuple » ont été, dans les faits, les inventeurs du destin commun.

Dès 1951, de retour d’un long séjour aux îles Fidji et dans le Pacifique, j’ai spontanément sympathisé avec cette génération d’hommes dont les aspirations humanistes forçaient la considération. Cela m’a coûté cher mais je ne regrette rien.

Sachons, aujourd’hui, nous montrer à la hauteur de l’héritage qu’ils nous ont légué, à tous, quelques soient nos divergences.

Louis P.ESCHEMBRENNER
Descendant de Pionniers