« Prony-Pernod » : ça balance de tous les côtés

De conférence de presse en conférence de presse, de communiqués en contre-communiqués, l’annulation de l’attribution des massifs « Prony-Pernod » n’en finit pas de créer la polémique. Mise au point.

Suite à notre annonce de la semaine dernière sur les irrégularités d’attribution des deux grands massifs miniers du sud et l’annulation du protocole d’accord conclu avec Vale-Eramet les responsables politiques et économiques s’affrontent sous le regard des Calédoniens. Cynthia Ligeard fait front, persiste et signe : « son » accord répondait selon elle « à la stratégie minière défendue par le Rassemblement-UMP-FPU ». Obligée de se justifier quant au dispositif conçu sous sa responsabilité, la présidente du gouvernement déclare que :

Si Philippe Michel estime vraiment que le protocole général d’accord (…) est frappé de multiples illégalités, il est de son devoir (…) de saisir la justice

Un argument que d’aucuns jugent de bon sens. En effet, si la rédaction du fameux Mémorandum Of Understanding – dont le contenu n’a toujours pas été rendu public – démontre des irrégularités dans la procédure d’attribution, celles-ci auraient tout lieu d’être portées devant la justice. Reste à savoir pour quelle raison Philippe Michel a choisi de ne pas en passer par là.

La SMSP rentre dans la danse

D’ordinaire plus discrète, la SMSP – mise en cause dans l’affaire par Pierre Frogier et Cynthia Ligeard – s’est fendue d’un communiqué lapidaire. Selon l’entreprise basée dans le nord, Pierre Frogier « fait diversion et s’exonère de ses responsabilités ». Pour la société minière, la méthode est « fallacieuse et malhonnête ». Ce matin, André Dang a taché de mettre les points sur les « i » au micro de RNC :

Quand monsieur Frogier, lui-même, avait mis Prony et Pernod en réserve technique provinciale, je lui ai envoyé une lettre pour le féliciter. Alors qu’il ne me raconte pas de bobards aujourd’hui (André Dang)

Nul doute pour autant que, du côté de la province Nord, on se réjouit des déconvenues du dossier « Prony-Pernod » et que le géant minier préférerait que les gisements du sud restent inexploités plutôt que de voir un concurrent mettre la main dessus.

Des questions sans réponse

Toujours est-il qu’au delà des attaques contre Calédosphère (NDLR : dont la rédactrice de ces lignes et de l’article incriminé) les déclarations de la présidente du gouvernement n’ont pas répondu aux interrogations liées à ce dossier :

· Lors du vote à la province Sud, les élus ont-ils oui ou non été informés de toutes les spécificités du texte sur lequel ils se sont prononcés ?

Invitée sur le plateau du journal télévisé, Cynthia Ligeard n’a pas répondu à cette question arguant que les membres du CA de la SPMSC et plusieurs cabinets ministériels parisiens étaient au courant. Cependant, les Calédoniens, au travers de leurs représentants légitimes (les élus), ont eux été placés devant le fait accompli. Pierre Bretegnier du MPC avait lui-même reproché en séance « les délais trop courts » et « l’absence de consultation et d’information des directions ou experts qui auraient pu les éclairer sur le dispositif »

· Quelles sont les clauses de confidentialité du Mémorandum Of Understanding ?

Selon les éléments à notre disposition, des clauses de confidentialité ont été intégrées au Mémorandum Of Understanding et cet « accord secret » (puisque les élus et les Calédoniens en ignoraient tout) a été signé le 5 avril 2014 soit le lendemain du vote de l’assemblée. Cependant, si ces clauses ne sont pas « préjudiciables » aux intérêts de la province comme l’affirme Mme Ligeard, pourquoi ne pas les révéler plutôt que de prêter le flan aux critiques ?

· Un cabinet d’avocats parisien a-t-il oui ou non été rétribué par la province Sud pour élaborer le protocole d’accord ainsi que le Memorandum Of Understanding ? Si oui, selon quel dispositif et pour quelle somme ?

Pointé du doigt, le cabinet Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et associés serait en effet celui choisi par un conseiller de Cynthia Ligeard pour élaborer les contrats entre la collectivité et les industriels. Alors que les honoraires payés par la province dépasseraient le seuil des appels d’offre, la procédure légale n’aurait pas été respectée. Sur ce point, Cynthia Ligeard est là aussi restée très silencieuse.

De plus, Cynthia Ligeard a vertement reproché publiquement au Directeur de la DJA « son manque de loyauté »… Celui-ci, ancien collaborateur de Pierre Frogier, a pourtant rédigé une note explicitant les raisons pour lesquelles l’intérêt de la province était d’annuler l’attribution de « Prony-Pernod ».

· De quelle loyauté Cynthia Ligeard parle-t-elle ? La loyauté que doit un haut-fonctionnaire à l’intérêt général d’une collectivité ou celle vis-à-vis d’une tendance politique, en l’occurrence celle du R-UMP ?

Demandée par les deux principaux partis loyalistes, la commission d’enquête spéciale sur le dossier devrait être créée très prochainement. Selon un élu d’une autre formation politique :

Il faut vite crever l’abcès, sinon le CGS n’y survivra pas. Plus vite on aura un débat public là-dessus et mieux ça sera…

S’agissant des attaques « nauséabondes », « odieuses » ou « indignes » portées contre Calédosphère par la présidente du gouvernement, la rédaction rappelle qu’en deux années, Cynthia Ligeard s’est fait connaître pour :

1- Avoir déclaré au sujet du projet de télévision NC9 « Quand on met 10 milliards dans l’action sociale, on peut mettre 250 millions pour une télé qui porte notre message politique », celui du RUMP…

2- Avoir fait éditer par la province des brochures « expliquant aux pauvres comment manger avec 18000 F / mois »

3- Avoir soutenu avec l’Union Calédonienne la prise en charge des frais de justice de Gilbert Tyuienon dans sa tentative de porter plainte contre Calédosphère dans l’affaire Tamai.

4- N’avoir jamais évoqué de près ou de loin le comportement d’un de ses « ministres » : Anthony Lecren, reconnu par la procureur de la République pour avoir raccompagné complètement ivre le meurtrier présumé de Guy Tamai, le jour de son élection à la tête du gouvernement.

Il semble qu’un tel passif laisse une certaine marge quant à la définition par Mme Ligeard de ce qui est « indigne » ou de ce qui ne l’est pas.