Affaire Prony-Pernod : la preuve par Calédosphère

Les services administratifs ont été entendus par la commission d’enquête créée pour lever le voile sur le dossier d’attribution des massifs de Prony-Pernod. Les directions ont confirmé l’ensemble des révélations de Calédosphère sur cette affaire. Preuves !

Lorsque le 6 aout dernier nous avions révélé dans ces colonnes les irrégularités liées à l’attribution à Vale et ERAMET du dernier grand gisement de nickel de classe mondial, la présidente du gouvernement – mise en cause dans ce dossier – avait évoqué des méthodes « indignes émanant d’un blog nauséabond »… Or, suite à l’audition par la commission d’enquête de la Direction de l’Industrie, des Mines et de l’Energie (DIMENC) et de la Direction Juridique de l’Administration (DJA), l’ensemble des éléments et des irrégularités qui avaient été mis en lumière sur ce média, est confirmé.

Un gisement sous-évalué et une absence d’information

Au cœur du « deal » passé entre la Province Sud de Cynthia Ligeard et les multinationales Vale-NC et ERAMET, se trouve l’évaluation des gisements de nickel des massifs de Prony et de Pernod. L’ancien exécutif provincial a ainsi signé un accord pour céder 3 millions de tonnes de minerais aux industriels alors que les gisements en renferment… deux fois plus. Une information aujourd’hui confirmée par la DIMENC :

On peut affirmer que le potentiel en ressources de ces gisements est de l’ordre de 6 millions de tonnes nickel (..) auxquelles il faut rajouter environ 600.000 tonnes de cobalt (DIMENC)

Quant à la consultation des directions dans la rédaction des accords sur lesquels s’était engagée Cynthia Ligeard, elle fut quasi nulle :

Est-ce que nous avons été consultés, interrogés ? la réponse est non. (…) La DIMENC n’a pas été associée à la rédaction de ce document (DIMENC)

Plus gênant, il est apparu au cours des auditions que les services administratifs ont bien essayé de rappeler à leur hiérarchie que les procédures n’étaient pas respectées, ce à quoi il leur a été répondu par le cabinet de Cynthia Ligeard :

Il nous a été dit que la province n’avait matériellement pas le temps de procéder à des consultations extérieures (…) Les élus ont ensuite pointé du doigt ce défaut d’information sur un sujet aussi technique (Services Juridiques)

Irrégularités manifestes : « ma hiérarchie a été mise au courant »

Le 12 aout, Calédosphère évoquait le rôle opaque du cabinet Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et associés, choisi de manière unilatérale par Alban Tremblier, le conseiller mines de Cynthia Ligeard. Ce cabinet parisien était en fait chargé de rédiger le protocole d’accord et le Mémorandum Of Understanding, lequel comprend des points d’irrégularités manifestes au regard du droit. Lors de leur audition, les services juridiques ont confirmé son implication mais aussi et surtout l’opacité dans laquelle celui-ci a rempli sa mission pour l’institution :

Le montant total de cette prestation pour ces 4 phases est de 21.736.030 francs. La difficulté, nous à la DJA, que nous avons eu concernant cette prestation, c’est que la commande qui a été passée résulte de ce seul mail et, nous, on avait une difficulté pour procéder au paiement de cette prestation dans la mesure où il n’y a eu aucun contrat de prestation, aucune commande en bon et du forme de cette prestation (Services Juridiques)

Comme Calédosphère l’avait évoqué il y a plusieurs mois, le coût de ces prestations dépasse bien les 20 millions de francs (selon nos informations, le coût horaire du cabinet Fischer, payé par la province, était de l’ordre de 48.000 francs/heure) alors qu’aucun contrat dument établi ne le lie à l’institution. Or, il s’agit bien là d’une violation du code des marchés publics : la prestation commandée par le cabinet Ligeard n’ayant, en aucune façon, respecté la procédure légale. Une faute que Grégoire Bernut, membre RUMP de la commission, a voulu rejeter en séance sur les services provinciaux en leur demandant pour quelles raisons ils n’avaient pas transmis l’information comme la loi les y oblige. La réponse ne s’est pas faite attendre :

Nous avons prévenu le cabinet d’avocat (…) je n’ai jamais eu de réponse à ces messages et ma hiérarchie a été mise au courant (…) De plus, nous avons écrit au cabinet d’avocat (…) car il y a une clause qui est irrégulière au regard du droit des collectivités et le cabinet d’avocat a balayé cela d’un revers de la main (Services Juridiques)

Ainsi, le cabinet de Cynthia Ligeard, alors présidente de la Province Sud était parfaitement tenu au courant des irrégularités du dossier sur ces points. Reste à savoir si les liens avérés ou non entre des proches de Cynthia Ligeard et des membres de ce cabinet d’avocats expliquent ce silence ou cette absence de réaction. En effet, l’article 40 du code de procédure pénal oblige « toute autorité constituée qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un délit » à « donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs »

Le FPU-RUMP en difficulté

Grégoire Bernut et Thierry Santa quant à eux n’ont eu de cesse durant toutes les auditions de défendre l’accord passé avec Vale et ERAMET ainsi que les choix de Cynthia Ligeard. Cependant, ces premières auditions mettent à mal la stratégie de l’actuelle présidente du gouvernement qui évoquait pour sa défense « un rideau de fumée et un tissu de mensonge ». Car pour l’instant, les éléments de l’affaire, dorénavant publics, démontrent bien l’ensemble des révélations que nous avions publié et ce au risque de se faire traiter de « blog nauséabonds »… Reste à savoir maintenant si les proches de Cynthia Ligeard accepteront d’être auditionnés durant les prochains travaux de la commission d’enquête et si le RUMP continuera lui à y participer, au risque de devoir répondre lui-même des faits d’irrégularité qui lui sont reprochés de plus en plus ouvertement.