Juppé séduit la gauche

Alain Juppé progresse dans les sondages face à Nicolas Sarkozy. Un succès qui menace aussi François Hollande, qui ferait bien de se méfier de l’édile de Bordeaux. Paradoxe.

Cela peut surprendre au premier abord, mais Alain Juppé, c’est le nouveau chouchou d’une partie de la gauche. Dans le dernier baromètre Ifop, c’est édifiant : il séduit 62 % des électeurs de François Hollande et presque la moitié des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Mais il y a une chose qui étonne, c’est qu’on entend de plus en plus d’élus socialistes qui sont déçus par le président de la République et qui expliquent en OFF que, « foutu pour foutu » puisque la gauche n’a plus aucune chance d’après eux pour 2017, autant voter pour un « homme d’Etat » comme Alain Juppé pour éviter de se retrouver avec un second tour Sarkozy-Le Pen. Ils trouvent donc le maire de Bordeaux rassurant, compétent, sympa. Bref, le côté « vieux sage », ça marche, même à gauche !

Des primaires UMP…ouvertes à la gauche ?

C’est ce qu’on appelle jouer aux apprentis-sorciers. Le conseiller d’un ministre expliquait la semaine dernière : « si on part du principe que la gauche a déjà perdu la présidentielle, autant aller voter à la primaire de droite en 2016 pour choisir le futur président et pour fumer Sarkozy ! » Un autre proche du pouvoir socialiste disait même : « le pire pour nous, ce serait un second tour entre Hollande et Juppé. Qu’est-ce qu’on ferait ? » Un peu suicidaire comme raisonnement : Juppé est potentiellement plus dangereux pour Hollande que Sarkozy, puisqu’il est moins clivant. Et s’il y en a un qui a bien perçu ce danger, c’est le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis. Il ne rate pas une occasion d’épingler le programme de Juppé, « un des plus violents qu’on ait jamais vu (…) Il y a un côté cour et un côté jardin chez Alain Juppé. Moi je regarde le programme pas les effets de manche. »

Juppé : un fantasme ?

Il y a une « mode Juppé » dans l’air. Le bloc gauche-droite devrait se reconstituer à l’approche de la présidentielle, avec elle, les mauvais souvenirs vont se rappeler à la gauche : ceux du Juppé droit dans ses bottes, du Juppé des grandes grèves de 1995, du Juppé des jupettes ou du Juppé des sans-papiers de l’église Saint-Bernard. Il n’empêche, ces fantasmes sur le vote Juppé en disent long sur le désespoir d’une partie de la gauche, qui se sent abandonnée, et sur le désamour envers François Hollande. Car Juppé c’est le révélateur des faiblesses du président : il incarne l’expérience, l’autorité, la compétence. Et ça en dit long aussi sur la perte de repère du monde politique français : quand on mène une politique social-libérale, pour ne pas dire centriste, il ne faut pas s’étonner que des électeurs de gauche en viennent à vouloir voter pour homme de centre-droit !