La sensibilité cachée « des hommes, des hommes »

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En tant que sujet appartenant au genre masculin, en tant que digne représentant du produit labellisé dès la naissance « sexe fort » , combien de fois ai-je eu à maudire dans ma vie d’individu, ce redoutable héritage lié à la présence entre mes jambes d’une paire de testicules et d’un phallus ? Maintes fois, je le sais, tu as eu à en subir les conséquences navrantes…

Je n’ai jamais été guère plus malin qu’un autre, et en tant que couillard de naissance, je me suis ingénié à être à la hauteur de mes attributs sexuels, ni plus, ni moins. Des bagarres à la sortie de l’école, jusqu’aux beuveries et aux conquêtes d’un soir, je n’ai fait qu’essayer de tirer mon épingle du jeu, en y mettant quelquefois le paquet, pour me positionner plutôt devant que derrière le gros du troupeau. Trait de caractère inhérent à la masculinité que la tentation d’être dominant. Conduite naturelle entachée d’atavisme, que le mâle cherche à reproduire ipso facto lorsqu’il décide de vivre en couple. Malheureusement, ce besoin de dominance ne peut pas s’exercer sans le contrôle permanent de sa sensibilité. Fonctionnement que le mâle apprend à ses dépens depuis sa plus tendre enfance, s’il ne veut pas devenir la poule mouillée du groupe. Ainsi, l’ego masculin s’édifie sur des comportements valorisants de dur à cuire tout en refoulant et niant une partie de son individualité, sa sensibilité. De cette carapace qui ne doit rien laisser transparaître, dépend l’impact que produira son degré de masculinité sur les autres et l’idée qu’il va se faire de sa propre virilité. Douloureux paradoxe du sexe fort qui pour l’être doit se résoudre à se châtrer d’une partie de lui-même.

Tout cela pour te dire que les relations homme-femme dans un couple sont loin d’être évidentes surtout pour l’homme conscient de son infirmité relationnelle chronique. De ce rôle ou de ce rang qu’il incombe à chaque individu mâle de tenir, naissent toutes les attitudes empruntées et caricaturales qu’adopte le genre masculin envers le genre féminin, et auxquelles j’ai tant de mal à échapper. Non pas que je veuille à tous pris excuser mes manquements et m’ériger en victime irresponsable, mais il existe une véritable différence entre nous qui explique pourquoi je deviens quasiment inhibé dés qu’il s’agit de te dévoiler le côté tendre de ma personnalité.

Et je suis effaré par mon incapacité à te communiquer mes sentiments, à m’abandonner pleinement à des je t’aime qui demeurent coincés au fond de ma gorge. De même, je suis horrifié par ma gaucherie envers toi parce qu’elle ressemble trop à celle de tous les hommes. Et d’où provient à ton avis cette première réaction de peur qui me paralyse lorsque tu me parles d’amour et auquel je ne peux faire face que par une blague douteuse ou un rire niais ?

Tu ne sais pas non plus à quel point je peux admirer la facilité avec laquelle tu t’abandonnes aux jeux de l’amour ! Qu’est ce que je t’envie dans ces moments-là! Alors que j’ai toutes les peines du monde à m’affranchir de cette fixation masculine qui nous impose de tout contrôler, de garder la tête froide, et qui nous empêche, finalement, de nous laisser aller ! Comme je hais parfois cette peau de mec dans laquelle je suis prisonnier et qui interfère jusqu’à mon plaisir ! Comme si une peur irraisonnée m’interdisait de vivre intensément ! A côté de toi, je me fais l’effet d’être un pisse froid bloqué, un frileux du septième ciel, un abonné à l’orgasme tiède ! Tout cela parce que dans mon esprit règne la plus grande confusion entre se sentir en situation de faiblesse et dire son amour.

Ce que j’ai l’impression de me sentir petit dans la vie de tous les jours tant le fossé est grand entre ce que j’éprouve pour toi et ce que j’arrive à en exprimer ! Ce que je peux me sentir minable aussi quand je me rends compte de mon aptitude tellement plus naturelle à te communiquer reproches et griefs plutôt que mes sentiments amoureux ! À croire qu’avoir le sexe à l’extérieure empêche toute démonstration autre que la puissance, la colère et l’orgueil, et que pour bien bander, le mâle a besoin d’assouvir son fantasme de supériorité en dévalorisant sa femelle.

La programmation masculine est un sale handicape dont j’ai un mal de chien à me défaire. Tu m’as fait comprendre qu’aimer c’est donner et s’abandonner, se livrer tel quel, nu et vrai, sans forfanterie, sans filet de sauvetage, ce qui implique une véritable révolution pour le pantin poilu que je suis, mu par des siècles de tyrannie masculine sur la femme. Il en résulte, bien évidemment, quelques atavismes. Voilà, je suis un homme et je ne suis pas sûr que cela se soigne si facilement !

Yutaka2007

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Créateur le 18 octobre 2006 du blog Calédosphère, Franck Thériaux est papa à temps plein d'une petite fille née le 1er Juin 2012. Selon son entourage, il passe beaucoup trop de temps sur internet… Membre émérite de la rédaction, il vit aujourd'hui en métropole après 23 belles années passées sur le Caillou. Il est en contact quotidien avec l’équipe et continue à participer à la vie de son « bébé numérique »