La dernière lettre écrite par Machoro

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La rubrique « Histoire & Culture » à laquelle je tiens tant est entrain de prendre forme grâce aux nombreux documents que je commence à recevoir. Ce dernier émane d’un célèbre contributeur qui n’exerce plus sur Calédosphère à mon grand regret. Je le remercie pour ce document d’archive consacré à Eloi Machoro

Comme disait Renaud , le célèbre chanteur français dans ces musiques :

« Moi je t’ai parlé d’Éloi Machoro des enfoirés qu’ont eu sa peau » (Jonathan-1988)

et

 » Combien de flics, de soldats / Pour tenir Nouméa /Pour flinguer Eloi ? » (Triviale poursuite- 1988)

Eloi Machoro était pour les kanaks un héros et pour les français un ennemi public numéro un. Nombreux sont les journaux qui ont parlé de lui dans les années quatre-vingt.Mais qui était-il ?

Éloi Machoro est né en 1945 en Nouvelle-Calédonie dans la tribu de Nakety, près de Thio. Il effectue ses études au séminaire de Païta, près de Nouméa (la capitale de l’île).

La Nouvelle-Calédonie est une possession française (certains diraient « colonie »…) depuis 1853. La France a clairement dépossédé de leurs droits les populations mélanésiennes primitives (au sens qu’elles étaient les premières), les Kanaks (ou Canaques).

Au début des années 1970, parallèlement au « boom » de l’exploitation du nickel, principale richesse de l’île, commencent les premières revendications indépendantistes d’autant plus légitimes que, à la même époque, un certain nombre d’archipels mélanésiens (Fidji, Vanuatu…) obtiennent leur indépendance. Pour s’opposer aux filiales locales des partis politiques français, favorables au statu quo, des indépendantistes fondent en 1976 le Front indépendantiste.

Instituteur en 1974, Machoro devient en 1977 conseiller territorial UC (Union calédonienne). La situation s’aggrave dans les années 1980, les tensions entre Européens et Kanaks s’accroissent (bagarres entre autres), les premiers refusant l’indépendance, les seconds la réclamant. Nommé secrétaire général de l’UC en octobre 1981, Machoro en incarne le courant le plus ferme. Partisan de l’indépendance canaque socialiste, il se rend à deux reprises en Libye.

En septembre 1984, le front indépendantiste refuse la nouveau statut pour l’île élaboré par la France. Il se transforme en Front de libération nationale kanake et socialiste (FLNKS) ; Éloi Machoro en devient secrétaire général, et dirige une véritable insurrection qui éclate en octobre.

Après les incidents du 18 novembre 1984, le FLNKS constitue le 1er décembre un gouvernement provisoire présidé par Jean-Marie Tjibaou ; Machoro en devient Ministre de la Sécurité. C’est en fait le véritable chef de guerre du contre-gouvernement indépendantiste.

Le 12 janvier 1985 au matin la gendarmerie déclenche une opération pour libérer la maison d’un Européen occupée par le FLNKS. Les occupants s’enfuient, se réfugient dans une maison. Les autorités officielles indiquent que les occupants refusent de se rendre et que l’assaut a été déclenché après les sommations.. Durant l’assaut, Éloi Machoro et un autre kanak sont tués. L’État d’urgence est proclamé (pas seulement à cause de sa mort).

Il était le plus charismatique des leaders indépendantistes et donc détesté des Caldoches (surnom débile donné aux blancs nés en Nouvelle-Calédonie) qui approuvèrent sa mort voire manifestèrent leur joie à cette occasion. Pour le FLNKS, la mort d’Éloi fut un assassinat politique (ce qui n’était évidemment pas le point de vue officiel…).

On marche sur un terrain sensible (comme souvent avec Renaud) attendu que, pour les Européens, Machoro fait figure d’ennemi totalement honni ; pour les Kanaks, de héros martyr…

Sur une stèle, en Nouvelle Calédonie, on peut lire :

« Éloi Machoro, combattant de la liberté, victime de l’ordre colonial d’État français, martyr noir, assassiné le 12 janvier 1985 ».

texte inspiré de Madjoumbé
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Créateur le 18 octobre 2006 du blog Calédosphère, Franck Thériaux est papa à temps plein d'une petite fille née le 1er Juin 2012. Selon son entourage, il passe beaucoup trop de temps sur internet… Membre émérite de la rédaction, il vit aujourd'hui en métropole après 23 belles années passées sur le Caillou. Il est en contact quotidien avec l’équipe et continue à participer à la vie de son « bébé numérique »