Pour ma part, je trouve que cette proposition contient en elle plus quelque chose d’assez déroutant que de clarifiant. J’ai l’impression qu’on vient encore plus flouter la vision à court terme sur l’avenir politique de notre île. On devait avoir (en 2018?) un référendum sur le choix pour ou contre l’indépendance, voilà qu’il serait devancé par un référendum sur le nom du pays. L’un fera-t-il sauter l’autre devant l’Histoire? Se substituera-t-il à l’autre dans l’interprétation et l’application politique du choix qui sortirait des urnes ? Un référendum sur le nom du pays se substitue-il au choix qui devra être fait, négocié, sur l’avenir de l’île ?
Et puis, le nom du « pays ». La Calédonie, dans la façon d’en parler, dans la façon de nous envisager nous-mêmes, depuis plusieurs années, n’est plus un TOM, mais paraît-il un POM. Choisir le nom du « pays », c’est donc encore plus se considérer comme un pays au sens propre, « un pays indépendant » . Mais est-ce le voeu de la majorité des habitants ? Ce référendum Martin aurait-il pour but de faire « l’ultime concession » (accepter le nom « Kanaky », et le coller à celui de Nouvelle-Calédonie) qui sera la ligne infranchissable et jettera aux oubliettes l’indépendance kanak telle qu’elle est voulue par ceux qui la réclament ? Il ferait donc office de décision politique sur l’avenir du pays. Mais pour se faire, y-a-t-il un terrain mouvant, près au compromis, composé d’incertitude, d’hésitation devant l’aventure de l’indépendance kanake dans la population (ou les leaders) indépendantistes, et devant lesquels le résultat de ce référendum pourrait apporter satisfaction et faire foi d’un choix institutionnel ? H.Martin aurait-il de solides raisons de croire que son idée est un choix avisé, ou se lance-t-il à l’aveuglette dans une aventure politique risquée, basée sur des incertitudes et des inconnues politiques ? Et donc cette idée de référendum viendrait ajouter à la confusion ambiante, surtout la confusion (dans le camp non-indépendantiste) née de l’inimitié durable entre ceux qui voient dans le double drapeau une dangereuse perte de terrain (symbolique) devant les indépendantistes, et ceux qui y voient une assurance de rester dans la France et de ne jamais voir le drapeau français être descendu.
Le référendum Martin serait-il l’ultime concession qui arrêtera le train de l’indépendance, ou le relancera ? Qu’en est-il des choix politiques sur l’avenir institutionnel du « pays » qui devront être négociés après ce référendum s’il y a lieu ? Ce référendum aurait-il un vrai « poids politique » qu’on pourrait faire peser dans la balance, ou au contraire ne sera-t-il qu’un gentil symbole concédé qui ne calmera pas les ardeurs de certains politiciens indépendantistes ? Et qui donc n’aurait rien résolu. Et peut-être lassé les électeurs.
Lemec Dici