Pourquoi la délinquance ne peut pas baisser

57
11115

delinquence

Les dernières municipales ont été l’occasion pour les candidats en lice de mettre en avant la nécessité d’un retour à une meilleure sécurité. Un vœu pieux comme le prouvent ces derniers mois, les faits-divers plus ou moins graves et violents qui ont fait la une de l’actualité.

En brousse comme en ville, l’impossibilité de voir la délinquance baisser de manière significative à des causes structurelles et organisationnelles. Dans la quasi-totalité des cas, les faits de délinquance sont l’œuvre de mineurs ou de jeunes majeurs jusqu’à 25 ou 30 ans. Pour ce qui est des mineurs, la tristement fameuse ordonnance de 1945 empêche leur jugement sauf dans des cas de crimes graves comme les meurtres ou les viols. Quel que soit le nombre de forfaits qu’il aura commis, un mineur délinquant n’aura à faire avec la justice qu’au travers du juge pour enfants qui n’aura bien souvent pour seule arme que l’admonestation. Il n’y a pas assez de centres de placement pour mineurs délinquants et ils sont trop petits, les éducateurs spécialisés ou les assistantes sociales trop peu nombreux.

Tout le monde dehors !

Pour ce qui est des majeurs, le problème est encore plus simple puisqu’il n’y a pas assez de place au Camp Est. Cela a conduit la justice à ne plus faire appliquer les peines de prison ferme inférieure ou égale à deux ans. Autre conséquence, dans la plupart des cas, les majeurs délinquants ne comparaissent en correctionnelle que plusieurs mois après les faits, convocation à laquelle bien évidemment ils ne répondent pas toujours. Or, il faut bien savoir que malgré tout, la justice juge à tour de bras, mais par manque de temps et de personnels, les dossiers et les retards s’accumulent, en dépit du fait que les audiences correctionnelles soient désormais longues et quotidiennes. On comprend dès lors que bien qu’ils aient été arrêtés et jugés en comparution immédiate, les délinquants mineurs et majeurs se retrouvent rapidement dans la nature. Les auteurs de l’incendie du lycée Père Gueneau sont de retour à Bourail, comme celui de l’incendie du domicile de l’infirmier de Thio que l’on peut croiser à nouveau dans le village, pour ce ne citer que ces deux exemples, et il en sera de même assurément pour les auteurs des dégradations au columbarium du cimetière de Nouméa.

Impunité et démobilisation

Cette situation créée à la fois un sentiment d’impunité chez les délinquants et de démotivation chez les forces de l’ordre. Pourquoi en effet prendre des risques à interpeller des bandes, dont on sait pertinemment qu’elles seront remises en liberté 24, 48 ou 36 heures après leurs délits ? On se choque du fait que parfois les policiers tardent ou rechignent à prendre une plainte en compte, mais c’est parce qu’ils savent, d’une part qu’ils vont être submergés et d’autre part que l’auteur des faits, pour peu qu’il soit interpellé, ne sera pas puni. À cela s’ajoutent des fonctionnements administratifs rarement en adéquation avec des missions de protection des citoyens et de la société. RTT, récup, horaires spéciaux font que si les effectifs de police (nationale et municipale) sont importants, ça n’est pas pour multiplier les patrouilles sur le terrain, mais pour combler les vides. Ainsi, le seul fait de mobiliser des policiers pour assurer la sécurité autour d’une compétition ou d’un événement festif va entraîner des dizaines d’heures de récupération ce qui fait de la gestion des personnels un vrai casse-tête. Et qu’il s’agisse de la justice, des policiers ou des gendarmes, ce qui vient d’être dit n’est pas prés de changer.

delinquance-juvenile

PARTAGER
Article précédentFrogier : la théorie des complots
Article suivant« Prony-Pernod »: ce que savaient Ligeard et Frogier
Ancien journaliste, aujourd’hui à la retraite, JNC a été l’un des tous premiers contributeurs officiels du média. Curieux, travailleur, attentif aux soubresauts de l’actualité, il sait conserver une certaine distance vis-à-vis de ses sujets. Volontiers pédagogue, jamais caricatural, souvent indigné, il conserve intact sa capacité à remettre en question la société calédonienne qu’il connait et décrit au jour le jour. Son crédo : « c’est l’actualité qui décide, pas nous »