Depuis que l’annonce en a été faite, les médias se gargarisent de la construction au Vanuatu d’une usine de Nickel associant les Chinois et le groupe MKM. Pour le président de l’entreprise, Wilfrid Maï, c’est « tout bonus ». On continue le pillage ?

Les mots manquaient cette semaine aux journalistes et présentateurs de Nouvelle-Calédonie 1ère . Qualifié de « projet très novateur », « extraordinaire », « magnifique », « presque trop beau pour être vrai », la télévision ne tarissait pas d’éloge sur ce quasi-miracle économique… Faut-il y croire ? Pour l’instant, le projet de 90 milliards de francs conclu entre la société chinoise Jin Pei et le groupe MKM (Maï Kouaoua Mines) prévoit la valorisation de minerais pauvres calédoniens – jusqu’alors inexploitables – afin de les transformer, dans une usine qui sera construite au Vanuatu sur les cinq ans à venir. Le groupe local devrait en détenir 51% des parts et cédera aux Chinois les 49% restants en échanges du financement complet de l’usine et de la matière première. Or l’expert de NC 1ère a déclaré, comme ses confrères journalistes :

C’est un investissement qui devrait avoir d’importantes retombées économiques pour le pays (NC1ère)

Or, du côté du pays, des provinces et des collectivités les observateurs avisés du secteur recherchent encore les retombées éventuelles. En effet, selon le protocole d’accord signé entre l’entreprise familiale et le géant chinois une société – la Sofisud – devrait seule recevoir les bénéfices de l’usine. A charge pour les communes minières « d’accéder à une partie de son capital ». A quelle hauteur et en quelles proportions ? Pour l’heure, on en ignore tout. Du reste, puisqu’il s’agit uniquement des bénéfices, certains suggèrent qu’’il sera toujours aisé pour les industriels de les « alléger » au travers de nombreuses niches fiscales. Selon certaines sources proches du dossier les bateaux de transport du minerai seraient même défiscalisés…

Les journalistes confondent les intérêts d’une famille avec ceux de la Calédonie…

En effet, la construction de l’usine, les investissements, les emplois et les retombées financières de la valorisation de ces latérites fatales (pauvres en nickel) bénéficieront très majoritairement à la société MKM, à son partenaire chinois et… au Vanuatu. Pierre Bretegnier n’en pense pas moins. Selon lui, ce modèle est :

Très intéressant pour l’entreprise sino-calédonienne (…) Très intéressant aussi pour la Chine, qui s’assure un approvisionnement à bas prix. Malheureusement ce « modèle off-shore » est extrêmement défavorable à la N.C (…) L’intérêt de l’entreprise qui délocalise est diamétralement opposé à l’intérêt du pays : gains de dividendes pour l’entreprise contre perte de salaires et d’emplois pour la N.C. (Pierre Bretegnier)

Cette perte de salaires et d’emplois pour le pays, le président de MKM l’a expliquée de la façon la plus candide qui soit sur le plateau du journal télévisé :

Le Vanuatu pourquoi ? C’est un pays de la Mélanésie, il y a pas d’impôt, la main-d’œuvre pas chère (…) ça a tous les avantages (Wilfrid Maï) 

Tous les avantages ? Pas pour la Calédonie semble-t-il mais seulement pour MKM qui, comme son président le reconnait est avant tout « une société privée, familiale ». Si on peut se réjouir qu’une entreprise locale réussisse à se développer à l’international grâce à des partenaires extérieurs, il est en revanche plus honnête de reconnaitre que ses intérêts ne sont pas ceux des collectivités.

La Calédonie continue ainsi à assister au « pillage » de ses ressources naturelles sans percevoir d’une quelconque façon une contrepartie pour ses populations ou son développement. Les Calédoniens peuvent en tout cas se réjouir : du côté de nos journalistes, on trouve ça « tout simplement magnifique ».


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Officiant en free-lance pour plusieurs périodiques et médias calédoniens, cette pigiste professionnelle a rejoint l’équipe des contributeurs de Calédosphère depuis 2013 sous son nom de plume « Rita ». Spécialisée dans l’actualité quotidienne, elle se plait à y dénicher des sujets non-traités par les autres médias et à couvrir les évènements sensibles. Synthétique, réactive et parfois provocatrice elle essaie toujours d’écrire de manière claire, précise mais avant tout vivante. Son crédo : « Si ça pique, c’est un bon sujet »