Terre d’alcool, Terre de carnage

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Boisson fermentée et magique qui permettait de se rapprocher des dieux, l’alcool a été consommé de tout temps et dans toutes les cultures. Les civilisations arabes ont été les premières à s’en méfier, puis à dénoncer son action malsaine sur la raison, pour finir par le proscrire définitivement. Cette prohibition a été suffisamment précoce dans l’Histoire pour se transformer en valeur culturelle et religieuse. Dans le même temps, l’Occident en a magnifié les vertus jusqu’à le nommer parfois « eau de vie » ou l’introduire dans certains rites religieux. Pour finir par en fabriquer des quantités industrielles au moment de la révolution du même nom. Très vite, on a évalué les ravages sociaux et sanitaires de cette consommation de masse, mais il était trop tard pour arrêter la machine commerciale. 

Les individus entretiennent des rapports complexes avec leur consommation d’alcool. Les définitions de l’“alcoolisme” varient d’un auteur à l’autre, changeant aussi au cours du temps et selon les disciplines. Il importe de distinguer deux groupes de consommateurs: ceux qui abusent (usage excessif ou usage à risque) et ceux qui sont devenus dépendants de l’alcool. Un troisième groupe réunit les usagers simples, dont nous ne traiterons pas, sauf lorsque cet usager occasionnel atteindra un seuil prohibé au volant ou un état d’ivresse en diverses circonstances.

Les nombreux faits-divers liés à l'alcool pullulent en Nouvelle-Calédonie. Il n'y a qu'à observer tout ce qui s'est passé le week-end dernier pour constater un certain malaise. Rixes, meurtres, accidents, violences conjugales, tout y passe ou presque et ca devient écouerant à lire au quotidien. 

Entre les messages martelés contre l’alcool qui tendent à rendre le consommateur d’alcool raisonnable coupable de son plaisir et la répression qui pousse les jeunes à l’excès « alcool-défonce » : la diabolisation de l’alcool est aussi inefficace que dangereuse. L’interdit n’est pas la bonne solution. Plutôt que de criminaliser l’ensemble des consommateurs, ne devrait-on pas plutôt se concentrer sur la consommation excessive d’alcool contre laquelle on peine à trouver des solutions efficaces ? Plus l’alcool est criminalisé, plus on voit de jeunes pré-ados et ados traîner le soir à se saouler avec une vielle bouteille carré. Pourquoi ?

MA REFLEXION PERSO SUR LE SUJET: Diaboliser l’alcool ne peut qu’accroître la tentation, on connait le même phénomène avec le cannabis en France (La France est le pays d’Europe où il est le plus consommé). Cette pratique entretien l’obsession, et accroît l’illusion d’émancipation chez les jeunes, surtout avec la situation institutionnelle actuelle en Nouvelle-Calédonie. Plus l’alcool sera proscrit, et blâmé, plus les jeunes auront envie d’en boire, et en plus grande quantité. Car cela revient à donner encore plus d’importance à celui qui se bourre la gueule. En revanche, donnez aux jeunes l’illusion que c’est à la portée de tout le monde, et l’intérêt finira par descendre de lui même, CQFD. Il faudrait pouvoir leur faire comprendre que le réel défi avec l’alcool n’est pas d’aller au bout de ses limites, car à la portée de tout le monde, mais de réussir à se contrôler. Si vous leur donnez l’impression d’être plus fort en étant raisonnable et réfléchi, alors c’est gagné. Et c’est un peu ce qu’ils ont réussi a faire avec le capitaine de soirée, vous savez, ces véhicules qui vous ramènent le samedi soir quand vous ne vous sentez pas capable de reprendre le volant. Leur parler de neurotoxicité est délicat dans la mesure où c’est une expérience collective. Donc quelque part ils s’en foutent de perdre des neurones puisque tout le monde en perd en même temps. Il conviendrait plutôt de souligner le potentiel qu’ils pourraient gâcher, de façon individuelle. Un autre problème, c’est qu’à force de ne parler sans cesse et partout des effets de l’alcool, on finit par éduquer les jeunes à ne boire que pour cet effet (curiosité). On réduit l’alcool à un psychotrope, alors qu’il est indissociable de la gastronomie, et cette obsession conduit à éduquer les jeunes dans le mauvais sens. Ça en fait un produit à part, la preuve puisqu’on le consomme sans manger, ce qui déjà est aberrent. Bref, le sujet est passionnant et l’on pourrait en débattre pendant des heures tant il est révélateur de notre époque. Si vous avez des pistes locales, c'est le moment de les deployer par le biais des commentaires.

Enfin, rappelons au passage que les femmes restent les premières victimes de l’ivresse masculine. Si la libération de la femme n’a pas encore atteint  les rives des pays arabes, il faut cependant constater que les femmes y tombent moins souvent sous les coups de leurs mâles abstinents. L’alcool n’est décidément pas un objet de discrimination indépendamment du pays ou de la culture, mais bon, quel que soit le niveau d’alcoolisation des mâles, ce sont les femmes qui « trinquent ».

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Créateur le 18 octobre 2006 du blog Calédosphère, Franck Thériaux est papa à temps plein d'une petite fille née le 1er Juin 2012. Selon son entourage, il passe beaucoup trop de temps sur internet… Membre émérite de la rédaction, il vit aujourd'hui en métropole après 23 belles années passées sur le Caillou. Il est en contact quotidien avec l’équipe et continue à participer à la vie de son « bébé numérique »