Une réflexion très pertinente en rapport direct avec l’urbanisme est venue se loger sur Facebook ce matin et comme c’est un sujet que nous développons très peu sur le blog, je crois que c’est le moment ou jamais. Il s’agit ici de parler Routes et Sécurité Routière avec un professionnel !
« Il faut des aménagements cohérents sur la VDO » – Interview d’un (vrai) ingénieur routes
La limitation de vitesse sur la voie de dégagement ouest ne vous fait pas bondir, pourquoi ?
En terme technique, la voie de dégagement ouest est une 2* 2 voie a été conçue comme étant une Voie Rapide Urbaine mais « Rapide » ne veut pas absolument pas dire une voie ou la limitation de vitesse est à 90 km/h. Cette voie a en effet été conçue avec une géométrie invitant à une vitesse de sécurité de 80km/h.
Mais les études de sécurité montrent que certains virages, au minimum des recommandations techniques, sont très dangereux, par ailleurs, les échangeurs n’ont à l’époque pas été conçu exactement selon les textes de références. Une limitation de vitesse à 70 km/h c’est donc un minimum en termes de confort et sécurité pour l’usager. Je tiens d’ailleurs à vous rappeler que ces dix dernières années la voie express a été le théâtre tragique de 23 décès, dont 10 piétons, et de 145 blessés.
Pourtant la SAVEXPRESS est elle limitée à 110 km/h ?
Le profil en travers de la VDO a le même nombre de voies que la SAVEXPRESS mais c’est bien là la seule ressemblance entre ces deux infrastructures. Les caractéristiques géométriques confortables de la SAVEXPRESS ont été conçues selon un autre référentiel, qui est celui des autoroutes et non des voies rapides urbaines. Les autoroutes sont conçues pour relier rapidement deux points avec des échangeurs espacés, les voies rapides urbaines ont-elles pour vocation d’assurer au mieux la coexistence de trafics locaux et de transit et s’adapter au milieu urbain traversé.
Pour quelle raison êtes-vous pour cette homogénéisation de la vitesse à 70 km/h ?
Je suis pour l’homogénéisation de la vitesse à 70km/h pour des raisons techniques mais aussi car cela va dans le sens de la sécurité routière et de l’insertion dans l’environnement urbain traversé.
La voie de dégagement ouest supporte un trafic important de 60 000 véhicules/jour et a pour fonction d’assurer un débit optimum pour réduire les phénomènes de congestion du trafic. Il faut raisonner en terme de débit et pas uniquement en terme de vitesse lorsqu’on veut optimiser les temps de parcours de tous les usagers et non d’un seul usager.
Pour simplifier, on peut dire qu’à 70 km/h la distance entre les véhicules est plus faible qu’à 90km/h, la densité de véhicules augmente et le débit de la voie est plus important qu’à 90km/h.
L’optimum théorique de débit sur une voie d’une 2*2 voies se situe à environ 50km/h comme l’indique la courbe suivante : http://hpics.li/f92509a
En limitant la vitesse à 70 km/ plutôt qu’à 90km/h, on retarde la formation de la congestion. Cela se fait d’ailleurs en Europe et aux Etats-Unis ou des panneaux à message variables réduisent la limitation de vitesse aux heures de pointes dans certaines agglomérations pour optimiser les débits.
En terme de sécurité routière, la limitation de vitesse a de réels effets sur l’accidentologie. Une conduite apaisée permet de réduire la distance d’arrêt d’un véhicule, augmente le champ de vision du conducteur et réduit les dommages en cas d’impact.
L’abaissement de la limitation de vitesse fait diminuer l’accidentologie à l’inverse du relèvement de la vitesse limite. Cela a été prouvé aux Etats-Unis et en Europe, la Nouvelle-Calédonie n’est pas une exception! Il plus facile d’éviter un obstacle à 70km/h qu’à 90 km/h.
Est-ce que cette mesure d’abaissement de la limitation de vitesse pourrait être généralisée à d’autres voies?
Evidemment, la limitation de vitesse à 90km/h au lieu de 110 km/h a fait baisser immédiatement la mortalité routière en métropole en 1972, il y 40 ans déjà … La RT1 est déjà limité à 90km/h entre Nouméa et Tontouta et aussi sur les routes de la province Sud, je ne peux qu’encourager ce genre d’action à l’heure ou les chiffres portant sur la sécurité routière en 2011 sont terriblement inquiétants.
Comment réagissez-vous au responsable du CSBETIC favorable pourtant à un relèvement de la limitation de vitesse sur la VDO moyennant quelques aménagements ?
Prôner le relèvement de la limitation de vitesse n’est pas sérieux. L’argumentation repose sur un florilège d’idées préconçues digne d’une conversation de comptoir mais n’est pas digne d’un bureau d’études. C’est inquiétant. En lisant de tels arguments, on comprend mieux pourquoi il a été fait appel à un bureau d’études extérieur (CETE) qui dispose d’une réelle expérience en terme de sécurité routière.
Cette opinion comme d’autres lues dans les Nouvelles Calédoniennes rend bien compte d’un paradoxe connu : les usagers dans leur ensemble sont sensibles à l’l’insécurité routière mais un pourcentage non négligeable nommé généralement « les individualistes » s’opposent à des mesures qui font pourtant baisser l’accidentologie car elles restreignent leurs habitudes ou plutôt « mauvaises » habitudes.
Pour circuler vite, on exige des voies dénivelées et autres barrières mais ce ne sont que des solutions à court terme surtout à l’heure ou les squats sont en passe d’être aménager par la collectivité. La VDO est cernée par l’urbanisation, elle fait partie de la ville et ne peut plus tourner le dos aux riverains ni couper la ville en deux.
Quels aménagements préconisez-vous alors ?
Il faut des aménagements cohérents sur la VDO. Actuellement on limite la vitesse à 70km/h, on réhabilite les squats en bord de voie, mais on continue à aménager la VDO comme étant une voie express, c’est pour le moins contradictoire. La coexistence des usages sur une voie à 70km/h est délicate à mettre en œuvre. Les préconisations en terme de cohabitation des modes de déplacement invitent plutôt, pour des raisons de sécurité mais aussi de débit, à une limitation à 50km/h
Cela ne peut pas se faire dans la configuration actuelle avec une voie qui incite à la vitesse. Les aménagements sur la voie express doivent ainsi constituer un véritable projet urbain, avec l’aménagement des abords de la voie qui participe à la construction de la ville sur elle-même et à l’utilisation de tous les modes de déplacement : la marche, le cycle, les transports collectifs et bien-sûr l’automobile.
Il importe en effet de préparer l’agglomération du Grand Nouméa à l’ère de l’énergie chère et de ne pas tout miser sur l’automobile. Car la croissance démographique du Grand Nouméa est importante et si tous les nouveaux habitants n’envisagent de se déplacer qu’en voiture, il y aura 50 000 voitures en plus d’ici 10 ans pour 175 000 déplacements de plus qu’aujourd’hui (+50%) : ça sera intenable, surtout avec une géographie aussi contraignante que celle du Grand Nouméa et le maillage actuel du réseau routier !
C’est le sens des conclusions du Plan de Déplacement de l’Agglomération de Nouméa et du Schéma de Cohérence de l’Agglomération de Nouméa, validés par les communes et la Province Sud, qui soulignent bien que l’avenir est à la promotion des autres modes de déplacement.
Il faut donc entamer rapidement des études prenant en compte les aspects techniques, urbanistiques et sociaux pour entamer cette transformation majeure de la VDO en boulevard urbain associée à la mise en service d’un transport collectif de qualité et d’infrastructures cyclistes et piétonnes confortables et sécuritaires
Un mot pour conclure ?
Juste deux propositions générales à propos de la sécurité routière :
– Actuellement il y a un trop grand nombre d’acteurs ce qui nuit à la lisibilité des actions menées et ne permet pas d’assurer une bonne cohérence à l’échelle du territoire. Il faut une vraie gouvernance en terme de sécurité routière avec une ligne de conduite claire : aux politiques de se saisir de ce problème auquel la population est de plus en plus sensible,
– Pourquoi ne pas rendre publique également un premier bilan des actions menées suite au forum de la sécurité routière de 2008 ?
Encore un ingénieur d’un bureau d’étude ou un consultant avide d’appel d’offres public qui n’a pas été retenu. Ouh je suis fiu de tous ces parasites!
http://www.francais.ptv.de/traffic-software/ptv-vision/vissim/
Ben justement le gros échangeur va aussi connecter une rue de Riviere Salée… L’autre probleme étant que Riviere Salée est , au Nord, pile sur la limite de commune avec Dumbea…. Il suffirait que Dumbea accepte de construire une voie pour que les habitants de Nouméa sortent dans la colline au Sud de Kanu-in… par l’ancienne voie de chemin de fer par exemple.. mais voila…. faut qu’ils veuillent…
Merci Servefa pour ces précisions qui me rassurent…
Une réponse concernant les ralentisseurs ? (sans vouloir t’exploiter hein !) 🙂
Salut Servefa, as-tu des noms de logiciels permettant de modéliser puis simuler du trafic?
Merci d’avance 😉
Oui, c’est un sport local…
En même temps, est-il bien nécessaire d’avoir le diplôme pour avoir les compétences…
Ou plutôt: avoir le diplôme est-il une garantie de compétence?
Môjcrôpô.. un diplôme c’est un peu comme le permis de conduire, pour rester dans le theme routier: l’avoir ne veut pas dire qu’on soit un bon conducteur.
Moi ce qui me choque le plus , c’est d’ajouter “vrai” a “ingénieur”.. on est a deux doigts d’une critique sur les compétences locales.. au passage…
Moi je m’en fous je ne suis pas personnellement urbaniste. Seulement sans moi ils ne peuvent pas travailler…
Je crois que le vrai a été ajouté parce que le président du CSBETIC, qui se dit ingénieur, ne l’est en fait pas…
Qu’est-ce que c’est le CSBETIC,
http://www.csbetic.nc/
évidemment le civisme sur la route varie en fonction des pays … je conseille ce site qui traite des différences comportementales sur la route au niveau européen http://sartre.inrets.fr/ pour en prendre conscience.
la solution : remplacer les habitants des squat par des allemands !