Quand Frogier tacle Yanno

Dans une interview aux Nouvelles calédoniennes, Pierre Frogier met Gaël Yanno au pied du mur. L’affaire du drapeau vient semer le trouble entre Rump et MPC.

La scission qui se profile à l’horizon entre UMP, Rump et MPC, semble avoir des conséquences sur les relations Frogier-Yanno. Jusqu’alors, on pouvait penser que les frères ennemis se conservaient une porte de sortie honorable pour de possibles rapprochements. Mais plus le temps passe et plus la porte semble se refermer. C’est ainsi que ce jeudi dans les Nouvelles Calédoniennes, Pierre Frogier a taclé Gaël Yanno sur l’affaire des drapeaux.

Le ton monte

Est-ce que l’on change de conviction au grès des circonstances électorales ? S’interroge le président du Rump au sujet du président du MPC. Pierre Frogier rappelle en effet que jusqu’à sa défaite aux législatives, Gaël Yanno était un farouche partisan du drapeau du FLNKS comme emblème du pays. Du coup, pour le président du Rump, Gaël Yanno n’a aucune colonne vertébrale. La vérité c’est que le ton monte entre les deux formations qui chaque jour s’éloignent davantage l’une de l’autre. Mais le MPC n’imaginait sans doute pas que le Rump en viendrait contre lui à utiliser le drapeau et à adopter l’argumentation mise en avant depuis plus d’un an par Calédonie Ensemble !

Article LNC de ce matin :

Les Nouvelles calédoniennes : Vous réagissez plutôt mal aux propos du directeur de cabinet de Jean-François Copé, critiques envers le Rassemblement et flatteurs envers Gaël Yanno, rapportés dans notre édition de lundi.

Pierre Frogier : Ça appelle plusieurs réactions de ma part. D’abord les propos du directeur de cabinet de Jean-François Copé me paraissent décalés. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le président de l’UMP et les choses me semblaient apaisées. J’observe qu’une fois encore, on invoque les deux drapeaux comme la cause de notre défaite aux législatives. Je veux remettre les choses dans l’ordre. J’ai fait cette proposition en février 2010. Elle a été actée au Comité des signataires de juin 2010, et par Nicolas Sarkozy qui nous avait reçus à l’Elysée cette année-là. Le Congrès a émis un vœu pour mettre en œuvre cette proposition. Le Premier ministre François Fillon est venu en personne lever les deux drapeaux au haut-commissariat en juillet 2010. En avril 2011, Jean-François Copé est venu en Calédonie saluer cette initiative, et Nicolas Sarkozy, venu en août 2011, a lui aussi salué notre démarche. C’est donc la majorité de l’époque, notre majorité, qui a porté cette proposition. Aujourd’hui, une partie de notre famille politique estime que c’était une erreur qui a causé notre défaite aux législatives. Alors je pose cette question. Est-ce qu’on a des convictions politiques, est-ce qu’on les assume ? Ou est-ce qu’on en change au gré des circonstances électorales ?

Oui, mais au final ce sont les électeurs qui approuvent ou sanctionnent.

En politique, on subit parfois des revers. Mais pour agir dans la durée, il faut une colonne vertébrale. Et tout ce qui a fondé notre action depuis trois ans serait remis en cause au seul motif que nous avons perdu des circonscriptions en Calédonie, tout comme l’UMP en a perdu des dizaines en Métropole ? Il ne suffit pas de dire que c’est la faute de Frogier.
Je veux souligner une chose très symbolique et très forte. Ces deux drapeaux, désormais, ils sont gravés dans le marbre. Très précisément dans le marbre de la pierre tombale de Charly Pidjot, le président de l’UC mort il y a un an. Ce n’est pas rien. C’est la marque d’une forte évolution de nos partenaires de l’accord de Nouméa.

Il n’empêche que les relations ne sont pas au beau fixe entre le Rassemblement et l’UMP.

Je veux demander à nos adhérents de ne pas se laisser troubler par les agitations qui perdurent au sein de l’UMP en Métropole. On nous ressort des irrégularités commises au moment du scrutin interne. Je crois que des irrégularités, il y en a eu partout. Les instructions n’étaient pas claires et ça n’est pas facile quand on est de l’autre côté de la planète. Mais les irrégularités ne sont pas des fraudes.
De plus, l’UMP reste ma famille politique. J’ai pourtant failli en claquer la porte en 2006-2007, quand j’étais seul à me battre à Paris contre le vote du gel du corps électoral en Calédonie. Ma famille politique m’a abandonné à ce moment-là. Mais j’ai tenu compte de tout ce qu’elle avait pour nous dans les années précédentes. Aujourd’hui, la guerre des clans qui agite nos chefs à Paris, et que certains tentent d’exporter, ne doit pas nous diviser ici.

Propos recueillis par Philippe Frédière pour LNC