La mise en place du dispositif des titres-repas, censés bénéficier en priorité aux salariés, ne manque pas d’intérêt. Structure opaque, campagne publicitaire sur fonds publics, prise de contrôle par le Medef et certains syndicats… Une réforme de copains pour les copains ?
Ce devait être la grande mesure du gouvernement Martin. Annoncée en 2011 lors du discours de politique général de l’ancien président de l’exécutif, Harold Martin avait promis aux calédoniens que 25 ans après la métropole, les salariés des entreprises calédoniennes pourraient bientôt bénéficier de réduction sur leur repas grâce au dispositif de « chèques-restaurant », rebaptisé en Calédonie titres-repas.
Le principe réside dans l’octroi de tickets aux salariés dont la moitié de la valeur est financé par le salarié et l’autre par leur entreprise, laquelle peut ensuite la déduire de ses charges. Il aura pourtant fallu trois ans à l’ancien exécutif pour finaliser la mesure non sans avoir traversé quelques polémiques au sein du monde économique et politique.
Une structure privée qui ne paie pas d’impôt
C’est ainsi que, quelques jours avant la fin de son mandat, le gouvernement Martin, sur proposition d’Anthony Lecren, alors en charge de l’économie, a voté l’Arrêté n°2014-1635. Celui-ci créé l’organisme responsable de l’émission et du contrôle des « chèques-restaurant ».
L’entreprise GIE Chèques Services Calédoniens (Rid. 1 215 672) est agrée en tant qu’émetteur spécialisé de titres-repas à compter de la date à laquelle sa structure s’inscrit dans le respect des dispositions de l’artile L. 251-1 du code du commerce
Pourquoi un GIE et non une entreprise ? Tout simplement parce que, comme l’explique un juriste du gouvernement, un tel montage juridique permet à la structure d’éviter l’impôt sur les sociétés… De plus, l’arrêté préparé par Anthony Lecren précise que son « capital social doit être maintenu à 40 millions de Fcfp minimum ». Celui-ci a donc été avancé par la mutuelle du commerce et ce sans que son Conseil d’Administration n’en est été informé officiellement. Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre ?
Qui possède des parts dans ce GIE ? Des partenaires sociaux. Tous ? Non, pas tous. En effet, seuls le MEDEF, la Cogétra, l’USTKE et l’USOENC en possèdent. Du côté du gouvernement on explique que leurs accointances avec les partis de l’ancienne coalition RUMP-UC-Parti Travailiste expliquent cette sélection « particulière ». Mais ont-ils payées ? Non. D’après nos informations – vérifiables – les parts de capital leur ont été cédées gracieusement à hauteur de 10% chacune, ce qui correspond à 4 millions par organisation. De quoi mettre du beurre dans les épinards ou davantage de frites dans un repas du midi. D’autant que la légalité de ces « dons » reste encore à établir, l’affaire pourrait ne pas en rester là.
Quand des services publics financent des intérêts privés
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’organisme créé ne dispose pas encore des moyens pour fonctionner. Ainsi, il a été décidé de mettre à disposition du GIE une demi-douzaine d’agents de la mutuelle du commerce pour une durée non précisée et, naturellement, de façon gracieuse – puisque c’est la mutuelle qui les rétribue, et donc, par conséquent, ses adhérents. Là encore le Conseil d’Administration de l’organisme n’en a pas entendu parler, peut-être bientôt ? A noter que le GIE n’a pas encore non plus obtenu son agrément, peut-être bientôt ?
Quant à la campagne de communication du dispositif (d’intérêt privé) pas encore agréé et donc toujours illégal, elle est financée par le gouvernement (sur fonds publics) : Spots télé, flyers, affiches, publicités dans la presse, rien ne manque. Les médias traditionnels presse et télé se faisant une joie de les diffuser.
POUR RESUMER : un organisme de droit privé à but non lucratif (la mutuelle du commerce) a financé une structure de droit privé (crée par le gouvernement) et lui a mis à disposition son personnel, le tout sans en informer son CA. Cette nouvelle structure a été cédée en partie au Medef, à l’USOENC, à la Cogetra et à l’USTKE. Le gouvernement quant à lui finance avec nos impôts (via un prestataire du privé) l’ensemble de la campagne de communication d’un service qui pour l’heure n’a encore reçu aucun agrément et est donc parfaitement illégal. Bienvenue au pays où la vie est moins chère… pour certains !
BONUS : vous voulez connaître le nom de la boite de communication en question ? Un indice ci-dessous…
Personnellement j’ai souscris pour les tickets restaurant. C’est un système de carte. J’en suis ravie. Pratique simple et sans magouille!! Je valide.
Test d’intégration de vidéo
Si les tickets resto peuvent être une avancée sociale, il n’en reste pas moins que ce projet et là pour financer les syndicats cités là, pas très cool……
Vu que c’est une action à caractère général, le minimum serait d’être transparent sur l’actionnariat et les dépenses. Car plus il y aura de charges externes et moins le système pourra redistribuer (exemple de l’ARC à l’époque et son président qui menait un grand train de vie) … Les entreprises ne sont pas des vaches à lait et il ne faut pas se gaver sur une action qui est utile sur le fond.
En période de difficultés il y a plusieurs choses à ne pas faire :
Bravo!!
Excellente analyse, qui complète a merveille l’article de Rita. Je pensais y souscrire pour mes salaries dans le cas ou la légalité serait respectée, j’ai compris qu’il ne le fallait pas.
Merci
Bonne initiative Laurent…!!!
Les chèques-restaurant, ça marche aussi à Monsieur Boeuf…. alcool compris ?
Contactée cet après-midi par téléphone, la Mutuelle du Commerce fait savoir que les règles ont été respectées, et promet de rendre publics des éléments probants, éventuellement par voie de presse ou par communication directe avec la Direction. Je vous tiendrai au courant…
Le directeur de la Mutuelle du Commerce m’a appelé; il dément les “gentillesses” de l’article et indique que les éventuels bénéfices seraient utilisés pour faire des actions de prévention alimentaires auprès des enfants.
Mdr, vive le dialogue social 🙂