Maître François, il est triste parce qu’un de ses amis, Nelson, est mort. Il nous a dit comme ça que Nelson était un bienfaiteur de l’Humanité. Il est allé à son enterrement. Notre ancien instituteur, maître Nicolas, lui aussi, il l’aimait bien Nelson, et lui aussi il est allé à son enterrement. Chacun y est allé avec sa voiture. Nous, dans la classe, on a trouvé ça bizarre, parce que maître François et maître Nicolas, tout le temps, ils nous ont dit que ce qu’il y avait de plus important pour la vie de notre planète, c’était l’écologie et le covoiturage.
De toute façon, maître François, en ce moment, il a l’air très malheureux. Il n’arrête pas de dire que rien ne va, et que si ça continue, il va dissoudre le conseil de classe. Paraît même que pour penser à autre chose, il joue à des jeux de guerre en réseau : « Call of Duty in Mali » et « Call of Duty in Africa Center ». L’autre jour, un élève est rentré en classe avec un bonnet rouge sur la tête et maître François, il s’est mis à pleurer.
Comme on arrive à la fin de l’année scolaire, on fait des jeux et des tombolas. Pour les jeux, on a fait celui du sondage du « plus grand potentiel ». Nous, dans la classe, on a pas très bien compris ce que ça voulait dire, mais Harold et Rico-le-redoublant, ils ont dit qu’on n’avait pas à connaître les règles des jeux de fin d’année, et encore moins d’en décider, surtout qu’avant, ça s’était toujours passé comme ça, que personne ne disait jamais rien et qu’on n’allait pas commencer à discuter, non mais sans blague.
Après il y a eu la tombola. On s’est divisés en deux équipes. Dans mon équipe, il y a Sonia et un des trois Philippe. Dans l’autre équipe, il y a Gaël, Isabelle et deux filles d’une autre classe, Françoise et une autre Sonia, blonde comme la Sonia de ma classe, mais pas pareille. Samedi, on est allé au marché pour essayer de distribuer nos billets de tombola.
Au marché, on a vu monsieur Jean-Jacques, notre nouveau Directeur. Il est fin gentil notre nouveau Directeur mais il parle avec des mots que maître François doit écrire au tableau pour qu’on comprenne. C’est comme ça que j’ai appris ce que voulait dire « goberger » et «turlupins ». Cynthia, qui veut toujours faire sa maline, elle a demandé comment on disait « turlupin » au féminin… Maître François, il a eu l’air très gêné…
Bref, on était au marché avec le Philippe de notre équipe, à distribuer nos billets de tombola, quand monsieur Jean-Jacques est venu vers nous pour dire bonjour. Alors la Françoise de l’autre équipe, elle est arrivé en courant, le visage aussi rouge que son T-shirt. Elle disait très fort que si le Directeur prenait nos billets, il fallait qu’il en prenne des siens aussi, c’est vrai quoi à la fin. Et là, elle a mis des tas de billets à elle dans le pochon plein de salades de Monsieur Jean-Jacques. Du coup, il est devenu aussi rouge que Françoise, et il a répondu que, de un, dans notre équipe, personne ne lui avait mis de billets de tombola dans son pochon et que, de deux, il n’aimait pas son équipe à elle, l’équipe des « enregistreurs ». Philippe et moi on a compris ce qu’il voulait dire. Il y a quelques mois, l’inspecteur, monsieur Victorin, est venu visiter notre école et il paraît que la Sonia de l’autre classe l’a enregistré avec le IPhone que lui a prêté Harold. Monsieur Jean-Jacques, il a pas du tout aimé…
Après, Françoise, de plus en plus rouge, elle est repartie en parlant tout bas. J’ai juste entendu : « du temps de Jacques… Tontouta direct… ».
Ensuite, est arrivé Gaël, tout rouge aussi… Depuis que Gaël s’est fâché avec Pierre, il est très énervé tout le temps. Finalement, je crois qu’il était mieux avant, quand il disait « oui » à tout. Il a parlé à Monsieur Jean-Jacques, tout près de lui, et monsieur Jean-Jacques l’a regardé, avec des gros yeux, l’air très étonné comme s’il découvrait une nouvelle espèce d’insecte bizarre…
Au marché, il y avait plein de monde qui regardait la scène… C’était la première fois qu’ils voyaient un petit garçon disputer un Directeur. Franchement, ça ne m’étonnerait pas que Gaël redouble… comme Rico.
( Calcyt)
