À propos du caoutchouc, Alphonse Allais a écrit qu’il : « serait un matériau très précieux s’il n’y avait cette élasticité qui le rend impropre à de nombreux usages », phrase parfaitement transposable au Président Hollande, pour peu que l’on remplace « élasticité » par « socialisme ».

Rencardé sur les enjeux de la dernière mandature de l’Accord de Nouméa à l’occasion de son passage météoritique sur notre archipel, le Président, dans sa déclinaison ressassée de « l’équidistance », n’a pas commis d’impair. Faut dire que dans un contexte où 4% des Français veulent le voir postuler pour un second mandat, il n’est pas nécessaire de se mettre en plus les Calédoniens à dos. Au delà de l’inévitable mantra : « Ce-sera-aux-Calédoniens-de-décider-leur-avenir », passage obligé de tout chef de l’État en visite, guère de scoop mirobolant. Tant de miel dans son discours au Président, qu’à la simple écoute on risquait de se retrouver diabétique.

Et pourtant, en dépit de l’extrême prudence du propos, certains ont trouvé qu’il en faisait trop et d’autres pas assez.

L’ineffable Roch Wamytan, en marge de diverses célébrations de briseur d’urnes, compteur bloqué à 6700, s’est en effet étonné que le Président de la France manifestât son souhait, quoi qu’il arrive, de voir la mère patrie demeurer aux côtés de la Nouvelle-Calédonie. Sans doute convient-il de lui rappeler que François Hollande était tout de même le candidat du FLNKS aux dernières présidentielles, comme le furent avant lui tous les candidats socialistes. C’est ainsi, on ne le changera pas : à chaque fois que le sort électoral lui est contraire, Roch Wamytan a pour habitude d’expectorer dans le potage républicain. Tant qu’on l’emmène voir le pape, qu’on le met au perchoir du Congrès, tout va bien ; si on a l’outrecuidance de voter majoritairement loyaliste aux provinciales, rien ne va plus : la France doit disparaître des écrans radars pour permettre, comme au Vanuatu ou à Fidji, l’étude complaisante du mandarin et du pinyin.

De l’autre côté, Pierre Frogier, s’est offusqué du manque de positionnement pro-français du Président. Lui non plus, dans son registre monomane, on ne le changera pas : hors Sarko One, point de salut. Tant qu’il peut hisser le drapeau indépendantiste au fronton de toutes les institutions de la République et de la Calédonie, tant qu’il peut emmener Roch Wamytan voir le pape, qu’on le laisse mettre le même au perchoir du Congrès et décliner son troisième accord indépendant-associatif, pas de souci, si on ose lui faire remarquer qu’il ne représente désormais, à titre individuel et collectif rumpoïde, pas grand-chose, il sombre dans la neurasthénie boudeuse. Dans ce négativisme, il franchit certaines limites, celles du minimum républicain qui aurait consisté, pour le sénateur qu’il est, d’accueillir le Président de la République sur le sol des accords dont il est, vaille que vaille, un des signataires.

Entre les deux, il y a les ucéfistes, qui désormais doivent beaucoup à Philippe Blaise et à ses prises de positions si roboratives, parce que si l’on cherche du côté d’Isabelle qui fait de la politique comme Martine va à l’école, ou de Gaël tout confit dans sa rancœur post- double déculottée électorale, guère de grain à moudre. En passant, à Gaël, on ne saurait trop conseiller la lecture de Boris Cirulnik, vibrant apôtre de la résilience, dans son « De la souffrance peut naître le meilleur ». Gaël y apprendra à renoncer à ce qui fût et qui, pour lui, plus jamais ne sera.

Quoi qu’il en soit, reste comme un malaise, car l’exquise neutralité présidentielle, toute urbaine qu’elle fut, recèle un lot considérable de questions sans réponses, entre autres :

– Quid de la manifestation pro-française rassemblant plusieurs milliersde personnes (peu importe le nombre de milliers) que d’aucuns eurent tôt fait de décrédibiliser au prétexte, ce qui n’était assurément pas le problème, qu’elle fut cornaquée par Harold, grand-maître de la casserole et maire en sursis ? En revanche, problème il y a sans doute dans le fait que François Hollande est le premier président de la Vème République qui, au lieu d’aller à la rencontre du peuple calédonien, ne s’est adressé qu’à une poignée d’élus, ou de « jeunes », estampillés « happy few » dans le luxe, le calme et la volupté de Gouaro Deva.

– Quid du positionnement de notre république laïque face à l’hallucinante charte régressive du sénat coutumier ? Charia sexiste, osons l’oxymoron, avec le si glaçant : « la femme source de vie et de fertilité », revival corano-catholo-intégriste. On suggèrera aux binettes institutionnelles, en noir et blanc partout placardées, qui, dans un lénifiant bisounoursisme, s’engagent à ne point fermer les yeux sur les maltraitances conjugales, de s’y pencher sans complaisance.

– Quid enfin et surtout, de la protection des biens et des personnes en tous lieux du territoire français, ainsi que le stipule la déclaration des droits de l’homme et du citoyen revisitée par la Constitution de 1958, chaque jour ici plus inexistante, notamment à Canala, chez monsieur Tyuienon et à Saint-Louis chez monsieur Gay, pardon, chez monsieur Wamytan ?

Bref, « ici et maintenant » eût dit un autre François Président, comme jadis et partout, dans le flou et l’indécision, socialiste tu es et tu resteras. Gageons qu’ici, maintenant et plus tard, les Calédoniens sauront rappeler à ceux qui auraient tendance à l’oublier, ce postulat de base.

Calcyt (Tristan Derycke)

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Bien connu des internautes, Calcyt officie sur le blog depuis des années. Ses tribulations et ses prises de positions progressistes et mesurées teintées d'un humour matois ont toujours eu beaucoup de succès sur la toile, au grand dam de ses nombreux détracteurs. Ce loyaliste est particulièrement connu sur les réseaux sociaux pour ses écrits sur "Les aventures du petit Nicolas", une satyre du monde politique calédonien à la méthode "Sempé". Cité par la rédactrice en chef de RRB, Elisabeth Nouar, dans une de ses chroniques, Calcyt est l'un des "Sept salopards du net"