UN BARRAGE CONTRE L’AGRESSIF.

Cette phrase sera sans doute celle qui constituera le point d’orgue de la campagne de Gaël Yanno aux municipales de 2014 : après «  Un barrage contre le Pacifique » de Marguerite Duras, voici le désormais fameux « il faut faire barrage à Sonia Lagarde » de notre vizir premier adjoint, dont le pseudo littéraire pourrait être Margueras Durite, tant l’individu est sujet à de fréquentes et fulminantes ruptures de canalisations.

A la fois metteur en scène et adorateur de lui-même, il doit constater qu’en dépit d’un soutien appuyé de l’UMP nationale copéiste et des lobbys financiers locaux, d’un renoncement assumé à toute cohérence politique, il trouvera, une fois encore, Sonia Lagarde en travers de sa route cahotante. Déjà, il y a moins de deux ans, elle avait su, avec une grande dextérité, écrêter le coq vaniteux.

Pourtant, tout au long de sa carrière, en terme de louvoyage, au sein d’alcôves et d’arrière-cuisines politiciennes, Gaël Yanno aura fait fort. Derrière Jacques Lafleur, puis largement en retrait dès que celui-ci fut mis en difficulté au sein de son RPCR, derrière Pierre Frogier jusqu’au bout du bout de son propre échec, puis s’émancipant alors qu’il n’avait plus rien à perdre, hissant le drapeau FLNKS au fronton de la mairie avant de s’en laver les mains, tel un Ponce Pilate municipal, il aura emprunté tous les chemins de traverse de la politique politicienne dès lors qu’ils lui semblaient mener à l’objectif ultime : celui d’un très improbable destin national. Las !

Lui reste donc Nouméa à titre de lot de consolation et de bilieuse revanche… Pas le choix de toute façon. Que Gaël Yanno perde Nouméa et il disparaîtra dans les limbes surpeuplés des avenirs politiques avortés.

Donc, du coup, il est prêt à tout, y compris solliciter l’appui de ceux qu’il avait abandonnés, fin 2012, en rase campagne bérézinesque d’une double défaite législative crépusculaire. Fallait oser.

Cela dit, auprès de Gaby, on peut tout oser, c’est même à cela qu’on le reconnaît. Car, à moins de l’imaginer, lui et sa guitare, donnant tournées dans quelques fêtes de village, c’est bien de survie qu’il s’agit.

En revanche, envisager que Gaël Yanno obtiendra un quelconque soutien de Jean Lèques, après tout ce qu’il lui a fait subir au cours de cette dernière mandature, relève évidemment de la fantasmagorie.

Désormais, à Nouméa le choix est simple : reconduire et upgrader dans ses fonctions municipales le premier adjoint sortant, qui tente, avec l’énergie du désespoir de masquer le fait que derrière son « nouvel élan » se cache un ancien bilan de treize années de mandature : insécurité galopante, plan d’urbanisme calamiteux, politique de transports urbains inexistante, réseau d’assainissement embryonnaire, trottoirs, voirie et mobilier urbain indignes, pérennisation de l’habitat insalubre et dramatique aggravation de la fracture sociale entre quartiers nord et sud, constat implacable auquel il convient d’ajouter, last but not least, un mode de gouvernance autiste au conseil municipal.

L’alternative est représentée par Sonia Lagarde, son équipe et son programme.

On en connaît les grandes lignes : traitement équilibré de l’insécurité, tolérance zéro certes mais également mesures de prévention adaptées, démocratie participative au travers des conseils de quartier, de conseils de jeunes, de conseils des aînés, promotion de la culture et du sport pour tous, politique de rééquilibrage des quartiers qui, si elle n’était pas rapidement menée, équivaudrait à abandonner une grenade dégoupillée sur la table de nuit de chaque Nouméen, rénovation en profondeur de la voirie, construction de logements, pour les classes moyennes et les jeunes ménages, dans les zones de foncier encore disponibles, Magenta et l’île Nou, entre autres… etc.

Somme toute, on est assez loin de la déclinaison du Grand Soir de l’Apocalypse socialo-crypto-indépendantiste, que nous annoncent, en cas de victoire de Sonia Lagarde, les prédicateurs yannistes qui écument les rues de Nouméa depuis plusieurs semaines.

Pour faire court, on aurait tendance à dire que le seul risque que courent les Nouméens dans cette heureuse hypothèse serait de voir leurs conditions de vie s’améliorer dans une communauté de destin partagé… Donc, si l’on doit ériger un « barrage », ce n’est assurément pas contre Sonia la « pacifique », mais bel et bien contre Gaël l’agressif.

Calcyt (Tristan Derycke)