Les généreuses généralités de Fabrice Rouard

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Catapulté à la tête de la rédaction de l’unique quotidien du territoire, l’ancien directeur de communication de la ville de Nouméa et voyant à ses heures perdues fait preuve dans ses éditos d’une langue de bois qui n’a rien à envier à nos hommes politiques locaux. Florilège et copeaux de bois.

Il est désormais avéré que la nomination de Fabrice Rouard au poste de rédacteur en chef des Nouvelles n’a pas fait l’unanimité au sein du monde médiatique calédonien. Pour autant, comme le disait un célèbre journaliste « si l’on juge l’arbre à ses fruits, on doit juger du travail du journaliste à ses écrits ». En la matière, l’ancien conseiller en communication de la ministre Nadine Morano n’a – c’est le moins qu’on puisse dire – pas encore brillé dans cet exercice si particulier. L’écriture de l’édito de la semaine fait partie, en effet, des prérogatives du rédacteur en chef. Ce « billet » hautement journalistique expose et définit la ligne du journal, rappelle les éléments saillants de l’actualité et doit mettre en perspective le travail de sa rédaction. Parfois, il est utilisé pour répondre aux critiques que rencontre le quotidien. Une sorte d’exercice littéraire de remise des pendules à l’heure.

Un « dégueulis de clichés et de banalités »

« C’est juste nul » Le jugement est lapidaire et est émis par Séverine*, une pigiste bien connue de la place ayant l’habitude de travailler au « lance-pierre » pour le groupe LNC. Sous couvert d’anonymat elle explique que le quotidien (l’unique du pays) se doit de conserver une ligne objective à équidistance des sensibilités politiques. « Ils ont toujours été obligés de faire un peu d’eau tiède parce qu’ils sont tout seul. Mais avec Rouard c’est carrément devenu très, très, très tiède » rajoute-elle dans un sourire « Il a tellement peur de tout qu’il en est réduit à écrire un dégueulis de clichés et de banalités qui mises bout-à-bout n’ont aucune sorte d’intérêt »

Dans ses derniers éditos Fabrice Rouard, qui vient de subir une motion de défiance validée par 97% des journalistes de sa rédaction, n’évoque qu’une seule fois un sujet politique, celui de la perte du sigle UMP par le Rassemblement. Tous ses autres écrits traitent pêle-mêle de la vie privée du président Hollande, des inégalités de ressources entre les habitants de Nouméa, de la montée de la puissance Chinoise ou de la mondialisation de l’économie… Difficile de faire moins clivant mais aussi d’intéresser les lecteurs du journal avec de telles généralités.

« On ne s’improvise pas journaliste »

C’est l’ancien rédacteur en chef, Xavier Serre, qui avait remis au goût du jour l’édito de la semaine. On se souvient ainsi en 2010 des prises de position du quotidien pour la politique de rapprochement entre loyalistes et indépendantistes et plus tard pour les manifestations contre la vie chère et contre l’immobilisme des élus en la matière. Sans prendre trop de risques, ces billets plaçaient néanmoins le journal dans son temps et à l’écoute des préoccupations des calédoniens.

Désormais, dans tout le landerneau médiatique, on se moque ouvertement du « voyant-marabout » et de ses sorties insipides : « trop de questions existentielles restent sans réponse » (08/02), « seules la formation et la création d’emplois permettent d’éviter de construire une société à deux vitesses » (15/02), « La Calédonie est reliée aux autres pays de la zone par des liens économiques et culturels » (25/01) et la vie privée est « une notion primordiale dans la République » (18/01)

« Avec lui, on est davantage dans « Babar fait du journalisme » que dans du Jean-Michel Apathie » explique Séverine*. Et c’est bien ce que lui reproche une rédaction à bout lorsqu’elle condamne la semaine dernière « l’incompétence flagrante » dont ferait preuve l’homme que Philippe Demazel, le directeur général du groupe Les Nouvelles Calédoniennes, a été cherché pour remplacer Xavier Serre. Un Demazel qui apprécie, dit-on, la fidélité de Fabrice Nouard et surtout sa propension à ne pas s’opposer aux directives et aux choix du tout puissant Directeur général du groupe. A savoir si le torchon continuera à bruler aux Nouvelles, Séverine* répond simplement « de toute façon, on ne s’improvise pas journaliste ». L’avenir lui donnera-t-il raison ?

* Nom d’emprunt