« Prony-Pernod » : demain, la commission d’enquête

Il y a un mois Philippe Michel décidait d’annuler l’attribution des fameux gisements de Prony-Pernod. La commission d’enquête réclamée par plusieurs élus s’ouvrira demain. Beaucoup de questions restent en suspens. Rappel avant le duel.

Premier accroc au sein du Contrat de Gouvernance Solidaire, le 7 aout dernier, le nouvel exécutif de la province annonçait l’annulation du protocole d’accord signé avant les élections entre l’ancienne présidente de la province Cynthia Ligeard et les industriels VALE-ERAMET quant à l’octroi des riches gisements de Nickel du grand Sud. Dans la ligne de mire de Philippe Michel une cession « à vil prix » des massifs, des « irrégularités flagrantes » dans l’élaboration du protocole, des motifs « d’illégalités manifestes » symptomatiques, selon Philippe Michel d’une « forfaiture politique ». Il n’en fallait pas plus pour que, mise en cause directement, Cynthia Ligeard réponde le 11 aout suivant par voie de presse.

Accusée d’avoir détourné la procédure imposée par le code minier et d’avoir tenu à l’écart les élus provinciaux afin de permettre au groupe industriel de s’accaparer à bas coûts « le dernier gisement de classe mondial de Prony Ouest et de Creek Pernod », l’actuelle présidente du gouvernement avait elle-aussi réclamé une commission d’enquête et contre-attaqué point par point. Selon nos informations, les élus de la province aurait ainsi reçu hier l’intégralité des documents liés au scandale. Une demande qu’avaient déjà exprimé les conseillers du MPC, de CE et du FLNKS depuis avril dernier. On ignore pour l’heure si le protocole occulte – le fameux Mémorandum Of Understanding – qualifié « d’accord secret » a lui aussi été transmis aux élus. Ce dernier avait été signé en toute discrétion entre Cynthia Ligeard et les industriels au lendemain du vote de l’assemblée. Ses clauses, confidentielles jusque-là, avaient pour fonction d’encadrer le dispositif financier propre au protocole d’accord, lequel aurait été « préjudiciable » pour les intérêts de la collectivité.

Le duel Ligeard-Michel

C’est donc un duel technique, politique et médiatique qui s’annonce entre les deux présidents des deux plus importantes collectivités du pays. Reste à chacun d’entre eux de démontrer aux élus, à la presse et, in fine, à l’opinion publique qui dit vrai et de quelles preuves ils disposent pour étayer leur argumentaire. Parmi les principaux sujets « chauds », figurent :

• Les gisements et leur statut

Selon Cynthia Ligeard, il n’y aurait pas de péril en la demeure car « Pernod & Prony » restent de toute façon en réserve technique provinciale, et pour la présidente du gouvernement il n’y a tout simplement pas eu d’attribution aux industriels de ces gisements :

Le PGA n’a jamais attribué le gisement de Prony & Pernod (Cynthia Ligeard)

Mais pour l’actuel exécutif de la province, en application du code minier et d’un article du PGA (protocole d’accord) l’attribution des permis de recherche aurait été « de droit » suite à l’application du dispositif et de plus, il aurait interdit à la province de donner suite à toute autre demande d’un autre exploitant.

• Le tonnage estimé des gisements

Philippe Michel considère que ceux-ci ont été sous-valorisés au détriment de la province. Il affirme que les gisements représentent plus de 6 millions de tonnes de Nickel ce que Cynthia Ligeard réfute catégoriquement. Dans un communiqué, le RUMP estime lui que :

Personne ne sait ce que renferme les gisements de Prony & Pernod. On parle de 3M, 4M, 6M, et maintenant de 7 millions de tonnes… pourquoi pas 8 ou 10 ?? (Cynthia Ligeard)

• Sur le bradage orchestré

Selon Cynthia Ligeard, la province – grâce à « son » protocole d’accord – aurait engrangé dans cette opération 128 milliards de francs, mais pour Philippe Michel, appuyé en cela par un rapport de la DIMENC, on est bien loin de la valeur des massifs :

Le niveau de contrepartie accepté par les industriels ne semble pas à la hauteur des avantages qu’ils en retireront, compte tenu du poids en nickel métal de ces gisements (DIMENC)

• Sur l’accord occulte : le Mémorandum Of Understanding

Le président de la Province a dénoncé le fait que cet accord « secret » n’avait pas été porté à la connaissance des élus et qu’en ce sens, leur vote était vicié et entaché d’irrégularités. Cynthia Ligeard lui a répondu derechef que les banques, les membres de plusieurs cabinets ministériels et les représentants des provinces au sein de la SPMSC (Société de participation minière du Sud calédonien) étaient eux au courant et que cet accord n’avait alors plus rien de « secret ».

Nul doute que les clauses inscrites dans le Mémorandum permettront d’y voir plus clair. Reste encore à savoir si celui-ci sera divulgué en partie ou en intégralité par la commission d’enquête… Pour l’heure, alors que le Contrat de Gouvernance Solidaire vit ses premiers couacs et à quelques jours du prochain comité des signataires, le grand déballage risque de faire une ou plusieurs victimes politiques. Reste à savoir qui et pour cela le rendez-vous est fixé demain, à la province.