St-Louis : Quand l’Etat recadre Wamytan… sans le citer

La scène est assez rare pour être soulignée. Le représentant de l’Etat a demandé la parole en pleine séance de l’assemblée pour recadrer celles et ceux qui mettaient en cause l’action des forces de l’ordre à St-Louis. Roch Wamytan dans le viseur.

S’il ne participe pas aux débats entre les élus, selon la Loi Organique, le représentant de l’Etat peut intervenir à tout moment lorsqu’il l’estime nécessaire. C’est ce qu’a fait Régis Elbez, le Commissaire Délégué de la République vendredi dernier, lors du débat à la province Sud portant sur la relance du comité de Saint-Louis.

Je souhaiterais intervenir pour porter clarification au regard des débats qui ont été initiés ici

Quelques minutes auparavant, Roch Wamytan du groupe UC-FLNKS et Grégoire Bernut du Rassemblement-UMP, venaient de mettre en cause à des degrés divers l’inaction de l’Etat quant aux troubles ayant lieu depuis maintenant trois mois aux abords de la tribu. Alors que le représentant de l’Etat prenait la parole, en quelques instants, un véritable silence de mort s’est abattu sur l’assemblée. Déclarant en avant-propos ne pas vouloir « s’immiscer » dans le travail des conseillers provinciaux, Régis Elbez a néanmoins rappelé quelques fondamentaux :

La hauteur des derniers propos a quelque peu interpellé le représentant de l’Etat que je suis (…) je voudrais repréciser les limites des responsabilités de chacun. En ce qui concerne la tribu de St-Louis, l’Etat n’a pas pour vocation à diaboliser une partie de la population quelle qu’elle soit (…) Nous considérons que les responsabilités se doivent d’être recherchées au niveau de cette jeunesse délinquante

Et si le discours d’une douzaine de minutes se voulait consensuel, l’Etat a ramené chacun face à ses responsabilités, expliquant tout d’abord les causes des exactions subies par la population du Mont-Dore :

Nous sommes dans une configuration où l’instrumentalisation agite une partie de cette jeunesse (…) nous avons la certitude que ces jeunes agissent, pas toujours de façon concertée, mais sur des phénomènes de bandes qui, en effet, pénalisent considérablement une grande partie de la population

Si l’ambiance avait déjà passablement refroidie à l’évocation du terme « instrumentalisation », c’est surtout l’annonce des dernières arrestations effectuées dans la tribu qui a marqué les élus présents.

L’Etat rappelle que les délinquants appréhendés sont tous des… Wamytan

Répondant au Rassemblement-UMP qui estimait que les auteurs « n’étaient pas suffisamment mis hors d’état de nuire », le Commissaire délégué a cité des exemples, n’omettant pas de les nommer précisément:

Nous avons interpellé un jeune homme, Théophile Wamytan, qui a été condamné hier à 5 ans de prison ferme. Il était à l’origine notamment d’un certain nombre de désordres au sein de St-Louis et à l’extérieur, de tirs sur un gendarme, qui a été blessé (…) Il a pris cinq ans ferme. La justice a donc porté sa réponse

Connaissant parfaitement les liens existants entre le grand chef de St-Louis, présent dans l’assemblée, et cet individu, le représentant de l’Etat a continué ses explications :

Ce matin même, nous avons interpellé Victorin Wamytan, jeune auteur d’un certain nombre de désordres par plus tard que le week-end dernier, de caillaissages, de désordres répétés et donc la justice pénale prendra sa décision une fois la qualification des faits reconnue et établie

Ses propos ont été accueillis comme une douche froide sur les bancs du groupe UC-FLNKS. En colère, certains élus indépendantistes n’ont pas manqué ensuite de critiquer ce « déballage » qualifié même « d’indécent ». Pas évident en effet d’accepter que les principaux responsables des actes de délinquance qui pourrissent la vie des Mont-Doriens depuis des mois, appartiennent pour certains à la propre famille de leur leader. D’autant plus que Régis Elbez a cité à plusieurs reprises le nom de l’ancien Haut-commissaire Jean-Jacques Brot pour saluer son action passée, or celui-ci a justement été en guerre ouverte avec certains responsables de l’UC… Interrogé par les journalistes à la sortie de la séance quant à cette intervention – qualifiée de rarissime par plusieurs élus – Régis Elbez est resté droit dans ses bottes :

Nous avons souhaité rappeler qu’un certain nombre d’actions ont été faites de façon fortement adaptées (…) en ce qui concerne le déploiement des forces en présence, de l’action de la gendarmerie qui a permis un certain nombre d’interpellations (…) Donc, la réponse de l’État est permanente et elle est concrète

Il y a fort à prévoir que dans les semaines à venir, si des élus provinciaux sont amenés à critiquer l’action de l’Etat, ils le feront en dehors de l’assemblée de province. Pour un élu non-indépendantiste « Roch va peut-être maintenant préférer le silence… »