Cette droite bananière qui gouverne la Nouvelle-Calédonie

L’affaire Prony-Pernod est une honte pour la droite calédonienne, une honte pour toute la Nouvelle-Calédonie, ce pays en voie d’émancipation qui reçoit des transferts de «  compétences » et qui se doit de gérer avec la plus grande rigueur son patrimoine nickel. Et avant même que ce pays devienne encore plus autonome, voire peut-être un jour indépendant et que les craintes de ceux qui s’y opposent se concrétisent –à savoir vivre à l’instar des anciennes colonies d’Afrique, dans une république bananière — voilà que la droite locale qui normalement se pose comme un rempart contre ces maux, contre cette déliquescence a de toute évidence pris les devants en la matière. Avec brio…

Inutile de répéter les faits choquants et scandaleux que nous connaissons maintenant tous sur l’affaire Prony-Pernod et la façon dont elle a été menée par l’exécutif calédonien, dans l’irrégularité, dans l’incompétence peut-être, dans l’obscurantisme sans doute ( avant et après ) devant une assemblée d’élus qui ont été menés en pirogue; la représentativité démocratique calédonienne bafouée de manière éhontée, le jeu démocratique institutionnel d’un futur pays tué dans l‘oeuf. Une affaire de plus dans une liste déjà longue ( voir sur ce site mon article de mars 2013 Merci à vous les pourris de la droite calédonienne ). Le but de cet article est de faire prendre conscience aux Calédoniens, aux citoyens de ce pays en quoi certains faits et gestes de ceux qui nous gouvernent ressemblent déjà et suffisamment à la définition de ce que l’on appelle une « république bananière ».

Mais revenons un bref instant à l’affaire Prony-Pernod; amusant et triste à la fois d’entendre, face à l’incurie et la lâcheté de ces nobles hommes et femmes à la tête du pays, un Roch Wamytan dire devant les caméras de télévision « Nous avons un sentiment d’inquiétude devant cela vu que ce sont les gens avec lesquels nous devront négocier l’avenir du pays». Amusant, non pas vraiment, accablant; parce qu’il en avait presque raison le bougre ! Même les indépendantistes les moins recommandables peuvent tirer profit de cette lamentable situation et se redorer le blason devant le comportement de ces élus de droite « bébés-Lafleur » en qui les Calédoniens — opposés à l’indépendance — ont investi leur confiance par le bulletin de vote.

Autre facette bananière de cette droite locale; déjà à une certaine époque de l’histoire calédonienne que l’on pourrait appeler « le lafleurisme », un journaliste satirique avait démontré à son insu les aspects peu glorieux de la gestion du pays par la droite locale. La riposte a été claire, à savoir faire taire par des coups s’il le faut tout journaliste, tout média qui n’est pas à la botte du pouvoir et dénonce les magouilles. Une décennie plus tard, les forces obscures et alliées de la république bananière se sont rappelées à nous, tel un loup qui sort des bois, dans sa volonté de nuire à Calédosphère, car ce média a le défaut intolérable de faire sortir au grand jour les sales affaires et d’exposer à la critique les roitelets de tous poils qui se croient au-dessus de tout et espèrent pouvoir magouiller dans leur coin sans être dérangés comme au bon vieux temps du lafleurisme. Quand on s’y prend de la sorte, c’est bien la preuve qu’on a des choses à cacher. A une époque ou internet a redéfini les règles du jeu de l’interface entre citoyens et politiciens, la manière de réagir de notre droite locale — et ses alliés du côté obscur — montre bien que celle-ci a complètement raté le virage de ce changement d’époque.

Ce que les blogueurs à l’esprit critique et lucide ( n’en déplaise aux politiciens que ce média dérange ) appelaient sur ce site-même la « koalition » a été un nouvel acte fondateur ( et oui, le terme est noble ) de la république bananière vers laquelle nous dirigent ceux qui veulent tenir les commandes du pays, en cela que cette manœuvre tordue n’avait que pour seul but de se maintenir au pouvoir et ce en s’alliant avec des politiciens indépendantistes au passif bien sombre. Puis, suite aux élections de 2014 la droite bananière de filiation génétique rumpienne s’est encore confirmée en tant que telle dans son alliance avec des politiciens indépendantistes qui eux aussi ont déjà tout de futurs dirigeants à la saveur bananière, mais à leur façon ; alcooliques et avinés avec l’argent du contribuable, violents sous l’effet de l’alcool, « citoyens » irresponsables devant une scène de crime , gaspilleurs éhontés d’argent public, incompétents, un passé douteux …mais que la droite bananière a soutenus et maintenus dans leurs fonctions, et même payé — avec notre argent, une fois de plus — pour leurs frais de justice pour des poursuites qui ont fait « pschitt » . Les proverbes sont de tristes vérités, « qui se ressemble…».

Devant tous ces errements condamnables, moralement, pénalement, on peut se demander comment se fait-il que ces politiques, anciens et plus jeunes — censés être un renouveau mais ne le sont pas tant ils sont sortis du même moule — se maintiennent aux rênes du pays ? Parce que les Calédoniens votent toujours pour eux, malheureusement, parce que nous n’avons pas le choix. Ces individus ont littéralement fait main basse sur la politique de ce pays et s’y maintiennent du simple fait de leur positionnement contre l’indépendance kanak socialiste et la peur que celle-ci suscite; c‘est après tout leur fond de commerce. C’est le triste sort, la triste impasse dans laquelle sont verrouillés les femmes et les hommes braves de ce pays : ne plus avoir de vrai choix à cause d’un jeu politique faussé, figé dans une constante ( la peur de l’indépendance ) qui maintient ces individus loyaux entre eux et à leur système quand ils faut maintenir les bonnes vieilles mauvaises traditions et pratiques politiques locales. Les hommes et les femmes de ce pays, à chaque élection, sont forcés à choisir entre la peste et le choléra.

Car il est un fait établi que j’ai déjà écrit sur ce site, en Nouvelle-Calédonie, les hommes ( et les femmes, parité oblige ) politiques n’ont honte de rien, le fait qu’ils ne se retirent jamais devant des faits accablants, qu’ils ne démissionnent jamais en est une preuve irréfutable : une république bananière, c’est d’abord dans la cervelle de ceux qui tiennent les rênes que ça se passe. A travers le prisme de ces turpitudes et turlupinades de sa classe politique, ce n’est plus l’image d’un pays en construction que nos illustres dirigeants envoient à la jeunesse — déjà en manque de repères — , c’est un pays en déconstruction; et c’est grave, parce que ce pays va mal, de plus en plus mal, sur le plan social, sur le plan à la fois politique et de la morale politique, et ceux qui ont la lourde et noble responsabilité de diriger dans les règles, de tirer vers le haut, de montrer l’exemple, ne sont de toute évidence pas à la hauteur des responsabilités et exigences morales auxquelles leur égo de politicards les a poussés à prétendre.

On pourra toujours prendre comme excuse que l’apprentissage du pouvoir est long dans un pays en voie d’émancipation. Mais bon, ledit apprentissage a commencé il y a déjà un quart de siècle, le temps des excuses est révolu. Le problème est donc ailleurs. Il y a deux ou trois ans Pierre Frogier avait parlé de moraliser la vie politique, ce qui était un aveu à demi-mot qu’il y avait quelque chose de pourri dans notre royaume. Malheureusement, ses disciples qui sont ses héritiers politiques ne l’ont pas écouté, au grand dam des Calédoniens. Le système a survécu à la mort de son père; le renouveau politique, le vrai, semble être un mirage qui ne cesse de s’éloigner au fur et à mesure que les années passent et que la Nouvelle-Calédonie avance vers son destin. Seul un changement de génération, ou un événement brutal de l’Histoire, pourra l’apporter. Pour l’instant, le fait est et reste que ce pays n’est pas encore assez mûr pour se diriger tout seul d’une part, et d’autre part la droite locale ne peut plus se draper dans son costume du sauveur qui protégera le pays de la dérive bananière: elle nous y a déjà mis !

Mister Eric