Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’interview que Paul Néaoutyine a accordée au magazine PAYS le mois dernier. (Par Jean-François Corral, @LePays tous droits réservés)
Le Pays : Pouvez-vous revenir brièvement sur les résultats des provinciales dans le Nord et dans le pays et nous livrer votre analyse ?
Paul Néaoutyine : En tête du scrutin, nous avons amélioré nos résultats par rapport à 2009. Ce résultat reflète une adhésion de la population à nos politiques publiques, dans tous les secteurs de compétence provinciale et à notre stratégie pour construire le pays. Il s’agit de donner de la consistance à la capacité du pays à s’autogérer dans l’indépendance. Pour la première fois, nous avons valorisé la réussite de l’usine du Nord comme étant un levier incontournable pour la création d’activités. Parce que l’indépendance, c’est avoir les moyens de faire face aux aspirations de la population et à leurs besoins sociaux.
Ces moyens financiers ont précisément été dégagés grâce à cette gestion qualifiée par certains de « pépère » et qui n’est rien d’autre qu’une gestion rigoureuse, responsable et prévoyante car il fallait anticiper les revirements de conjoncture et tenir compte du fait que l’Etat français allait ralentir ses transferts financiers.
Les citoyens qui ont pris conscience de la réussite du rééquilibrage dans le sens d’un projet de société avec plus de partage, n’ont pas été dupes d’un discours qui emprunte à l’affairisme plus qu’aux intérêts sociaux.
Le Pays : Et à l’échelle du pays, quelle est votre appréciation des résultats du scrutin ?
PN : Les indépendantistes ont 25 sièges contre 23 précédemment au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il y a une prise de conscience, notamment dans le Sud, que les listes de droite veulent d’abord se partager un électorat mais qu’ils n’ont pas de vrais projets ni en termes de gouvernance des intérêts calédoniens ni en termes d’avenir institutionnel. Leurs leitmotivs « petite nation dans une grande nation » ou « confins de l’autonomie » ou « maintien au sein de la République » ne sont pas dans la dynamique du processus de décolonisation ouvert par l’Accord de Nouméa…
Le Pays : Après les provinciales, il y a eu l’élection des vice-présidents. Certains ont estimé que vous étiez « peu partageur », qu’en pensez-vous?
PN : Le principe au sein du FLNKS est que si nous partons séparés, on se retrouve après les élections pour porter ensemble la mise en œuvre de l’accord de Nouméa. Le congrès du Front avait préconisé des listes unitaires, pourtant l’Union Calédonienne avait déjà décidé de faire une liste dans le Nord, sans aucune discussion préalable. Pendant la campagne, nous avons pu constater par ailleurs que nous n’étions pas sur les mêmes fondamentaux, que ce soit sur la stratégie nickel ou sur la continuité des politiques publiques. Difficile dans ce cas de concevoir que l’on va se retrouver après les élections, difficile d’imaginer un partage des postes quand, dans la campagne, on n’a pas soutenu les mêmes politiques publiques.
A l’issue des provinciales, il n’y a pas eu de discussion avec l’Union Calédonienne. Daniel Goa a souhaité me rencontrer, mais à titre personnel. Il n’y a jamais eu de tentative réelle de discuter de quoi que ce soit. L’Union Calédonienne a mis en cause la gestion de la province, nous avons estimé qu’il n’y avait pas de raison de lui laisser la première vice-présidence.
Le Pays : Au gouvernement, la crise est devenue plus aigüe à l’occasion de l’élection du vice-président du gouvernement puisque l ‘UNI était en désaccord avec la candidature de Gilbert Tyuienon. Nombreux sont ceux qui n’ont pas compris les enjeux de ce positionnement…
PN : De la même façon qu’il n’y a pas eu de discussion pour le Bureau de l’assemblée de la province Nord, il n’y a pas eu non plus de discussions pour décider des prises de responsabilité. N’ayant pas obtenu la première vice-présidence de la province, les élus Union Calédonienne se sont abstenus de candidater pour les deuxième et troisième vice-présidences, pour les présidences de commissions intérieures et les représentations dans les organismes, à part 7 dans les SEM, sur plus de 220 organismes. De la même façon, pour la mise en place du Congrès et du Gouvernement, il n’y a pas eu de vraies discussions. Nous nous sommes posé la question : est-ce que l’on peut faire un seul groupe au Congrès ? Nous avons estimé qu’il y avait trop de différences.
Pour l’élection de la vice-présidence du Gouvernement, Gilbert Tyuienon a manœuvré pour faire croire aux membres du contrat de gouvernance solidaire que l’UNI était d’accord pour qu’il prenne à la fois la vice-présidence et le secteur mine, ce qui n’était pas vrai !
S’il voulait les deux attributions à la fois, on est en droit de penser qu’il a une stratégie par rapport au secteur de la mine, d’autant plus qu’on était déjà au courant des contacts que lui-même et le président du Syndicat de l’Industrie de la Mine avaient eu avec Glencore pour aider les petits mineurs à être en mesure de vendre du minerai brut aux Chinois. Pour afficher notre désaccord, nous n’avons voté ni pour la Présidence de Cynthia Ligeard, ni pour la vice-présidence de Gilbert Tyuienon.
Le Pays : Le désaccord portait donc sur la stratégie nickel ?
PN : Cette insistance à vouloir lier vice-présidence et secteur mine confirme nos soupçons qu’il porte une autre doctrine minière et qu’il veut la vice-présidence du gouvernement pour cela. L’Union Calédonienne a-t-elle changé de position sur la stratégie minière ? La question se pose… D’un côté, Gilbert Tyuienon et Rock Wamytan vont voir les Indonésiens pour proposer la création d’une OPEN (Organisation des Pays Exportateurs de Nickel) et de l’autre, les Indonésiens ayant arrêté l’exportation du minerai, Gilbert Tyuienon se met en cheville avec les petits mineurs pour vendre du minerai brut aux Chinois parce que les prix augmentent ! Cela paraît contradictoire… La vente de notre minerai brut qui est notre matière première est une pratique néo-coloniale. C’est tout le contraire de notre doctrine nickel qui entend valoriser le minerai sur place ou offshore dans des usines dans lesquelles la collectivité publique est majoritaire, ceci afin que les retombées financières bénéficient à notre pays et notre peuple.
Le Pays : Pouvez-vous donner votre point de vue sur Vale, les incidents qui ont porté atteinte à l’environnement et les solutions préconisées par les uns et les autres ?
PN : On en est au septième incident. Je dénonce les incidents qui ont eu lieu et l’impact négatif sur l’environnement. Maintenant, il est de la responsabilité de la province Sud d’agir puisque c’est de sa compétence. La province Sud et la SPMSC (Société de participation minière du Sud calédonien) doivent faire leur possible pour que l’actionnaire majoritaire donne suffisamment de garanties sur les mesures de sécurisation prises pour éviter ce genre de problème. Et si l’on veut jouer un rôle dans la gouvernance de cette unité métallurgique, il faut monter dans le capital jusqu’à 50%. Sinon, on n’aura pas prise. Puisque cet investissement existe déjà, il faut qu’il fonctionne ! L’hydrométallurgie est la solution technique et industrielle pour traiter les minerais à basse teneur, c’est important pour l’avenir du nickel en Nouvelle-Calédonie. On a donc intérêt à ce que l’usine tourne en toute sécurité. On ne peut pas se permettre de dire qu’on va l’arrêter. La province Sud et le Comité Consultatif Coutumier Environnemental ont exigé des garanties de sécurité. Il faut sortir de ces difficultés par le haut.
Le Pays : Et l’annulation du permis de recherche pour Prony-Pernod ?
PN : Je suis d’accord avec la décision du Président de la province Sud d’annuler cette attribution, en remettant en cause les clauses mises en place. La province peut poser des conditions pour la mise en valeur des concessions mises en réserves techniques. Et là, que constate-t-on ? Que les titres ont tout simplement été bradés. Après la mauvaise expérience de Goro, l’équipe précédente a récidivé en lâchant le deuxième gisement de latérite de classe mondiale limitrophe. Le premier avait déjà été cédé gratuitement. Je suis d’accord avec la décision prise et je salue la convergence entre la Présidente du gouvernement et le Président de la province Sud pour la mise en place d’une commission d’enquête destinée à faire toute la lumière sur les conditions d’affectation de Prony-Pernod. Parce que pour moi, cela n’est pas du tout transparent. On parle d’une contrepartie d’une soixantaine de milliards, mais ce n’est rien par rapport à ce que l’on gagnerait si on valorisait ces gisements comme nous essayons de le faire dans le Nord.
Le Pays : Par rapport à ce sujet, le RUMP dénonce l’axe Néaoutyine-Gomes-Dang…
PN : Il faut ajouter aussi l’axe « Christnacht- Gomes-Néaoutyine » pour la sortie de l’accord, ça c’est Harold Martin qui l’a dit. Ça fait deux axes ! L’autre axe « Néaoutyine-Gomes-Dang », c’est Cynthia Ligeard. Personnellement, je préfère être dans l’axe de quelque chose plutôt que de tourner autour de l’axe. Je confirme que s’agissant de la stratégie nickel, je n’ai pas varié puisque par définition, un axe ça ne bouge pas. Je suis pour une doctrine nickel en faveur du pays. Je propose pour le compte de la Province nord et du FLNKS que les titres miniers soient maîtrisés par les intérêts calédoniens notamment les intérêts publics. Pour travailler dans le sens des intérêts des citoyens de la Nouvelle-Calédonie, je considère que ce sont les intérêts publics qui peuvent mieux garantir une stratégie pays et non les intérêts privés, même s’ils sont locaux. Les intérêts privés peuvent contribuer à la stratégie nickel en apportant leurs compétences et leurs activités pour valoriser le nickel calédonien dans des « joint-ventures » que nous maîtrisons en Nouvelle-Calédonie ou offshore. Ce que nous préconisons, c’est d’optimiser la récupération de la rente métallurgique et d’arrêter de brader notre nickel calédonien en vendant au prix du brut seulement. Maintenant, qui porte cette stratégie ? André Dang et moi, lui en tant que Président de la SMSP et moi en tant que Président de la collectivité Nord. Evidemment, nous sommes en phase tous les deux. Est-ce que nous sommes en phase avec Philippe Gomes ? Et bien, c’est à Philippe Gomes de le confirmer puisque Calédonie ensemble préside la province Sud. La doctrine nickel doit être convenue entre les trois provinces et la Nouvelle-Calédonie. Que la province Sud tire dans le même sens que nous, je ne cache pas que c’est ce que nous aimerions obtenir. Mais je ne m’engage pas au nom de la province Sud.
Qui a demandé au comité des signataires de parler de la stratégie nickel, ce que j’appelle moi la doctrine nickel ? C’est précisément Pierre Frogier. C’est lui qui en a fait la proposition en premier, mais ensuite, il est tout le temps absent lors des réunions et n’a pas beaucoup participé ! Cette doctrine nickel passe par la maîtrise de la SLN qui détient 53% des surfaces concédées en Nouvelle-Calédonie.
Le Pays : Pierre Frogier a dit qu’il ne souhaitait pas recevoir la mission Christnacht-Merle. Des propos voisins ont été tenus par Rock Wamytan qui a mis en doute l’utilité de la dite mission. Qu’en pensez-vous ?
PN : Sur cette mission, j’ai donné un avis favorable parce que j’ai retenu que c’est une mission de facilitateurs, d’écoute et d’information du gouvernement et du Premier Ministre. J’ai estimé que le gouvernement est libre de décider des voies et moyens pour être suffisamment informé sur une dernière mandature déterminante dans l’accord de Nouméa. Je m’étonne donc d’entendre les accusations portées par les deux signataires de l’accord de Nouméa que sont Harold Martin et Pierre Frogier. La sortie du processus de décolonisation est bien prévue par la Constitution, il s’agit d’une consultation en fin de mandature sur trois sujets : transfert des compétences régaliennes, transformation de la citoyenneté en nationalité et statut international du pays. Le Premier ministre désigne deux personnes pour être à l’écoute, pas pour négocier. Et les missions de l’Exécutif ne sont jamais pluralistes, à la différence des missions parlementaires.
C’est bien avec le gouvernement de gauche que nous avons préparé les accords: Jean-François Merle était avec Michel Rocard pour les accords de Matignon. Pour l’accord de Nouméa, c’est bien avec Alain Christnacht que nous avons travaillé. Il s’agit de deux personnalités particulièrement qualifiées et parfaitement au courant des vingt-cinq années que nous avons traversées.
Je n’ai jamais entendu un Premier ministre de droite remettre en cause le processus de l’Accord de Nouméa. Ils ont tous dit, Présidents de la République comme Premiers ministres, que la France accompagnera les Calédoniens quel que soit leur choix. On ne peut pas imaginer que les deux personnalités qui ont été impliquées dans les deux accords aient été nommées pour contourner la responsabilité des acteurs calédoniens. Je ne vois pas en quoi on peut les soupçonner de vouloir imposer une position de l’Etat quand, par deux fois, ils nous ont donné la possibilité de faire le rééquilibrage et un accord de décolonisation.
Le Pays : Et la recherche d’un nouvel accord ?
PN : Qui parle de prolongation ? De la recherche d’un nouvel accord ? Je n’ai jamais entendu l’Etat parler de la recherche d’un troisième accord…
Le Pays : Sauf si un consensus local se dégage, avait dit le Premier ministre Jean-Marc Ayrault lors de sa venue en Nouvelle-Calédonie…
PN : Oui, c’est la posture de l’Etat de gauche. Qui parle de la recherche d’un troisième accord ? Pierre Frogier et Harold Martin. Et je m’étonne que notre chef de délégation dans les négociations de l’Accord de Nouméa, Rock Wamytan, sous-entende que cette mission viendrait pour imposer quoi que ce soit ou des prolongations.
Pour ce qui nous concerne en tout cas, nous sommes pour la sortie du processus de décolonisation par l’accession à la pleine souveraineté. Il appartient donc à ceux qui veulent le maintien du rattachement à la France d’expliquer quelle est la situation d’un pays qui n’aurait plus que trois domaines à traiter, le transfert des compétences régaliennes, l’accession à une nationalité et un statut international ! Il faut « éclairer » cela…Il n’y a pas de troisième accord, c’est la position que je défends pour le FLNKS et il me semble que Rock Wamytan a dit la même chose à l’ONU ou ici même. Donc si nous, indépendantistes, nous sommes d’accord là-dessus, que disent les non-indépendantistes ? A eux de clarifier leur position. L’Etat à d’autres préoccupations que de protéger les intérêts coloniaux de quelques-uns. Les grandes familles d’ici ont déjà placé leur argent ailleurs. La plupart des autres citoyens kanak ou non kanak n’ont pas d’autre avenir ailleurs. Pourquoi ne pas s’entendre tout suite pour savoir comment l’Etat nous soutiendra, puisque quand il dit qu’il nous accompagnera quel que soit le choix, cela signifie aussi qu’il nous accompagnera si le pays accède à l’indépendance. Cela sera alors sur la base d’intérêts partagés et non plus sur des liens coloniaux.
Un grand “respect” a ce Monsieur, seul preuve vivante de conviction et de droiture politique de ce pay.
Le respect :moyen alors,pour quelqu’un qui est passé au tribunal pour avoir frappé sa femme…Pace salute
mais dit moi combien de politique loyaliste ont étés mis en examen pour avoir confondu bien public et et enrichissement personnel et comme par miracle disculpé ? je juge les actions, politiques …..sa vie privé lui appartient
Tu veux parler de Gomès ?
Il ne fait que respecter la charte kanak… Ok je sors. 🙂
Oh oui, c’est un grand homme qui a été condamné pour violences sur sa femme. C’est un grand homme, connu pour ses beuveries et bagarres au Tiéti. C’est un grand homme à la sauce CE….
Neaoutyne est un homme de parole pas comme tous les autres bandes qui changent tout le temps leur position.
Oui, Paul Néaoutyine, c’est une envergure, un visionnaire, un sage qui travaille concrètement pour le pays, il ne voyage qu’en Asie pour les affaires de nickel. Il parle peu, il a autre chose à faire que se pavaner devant les caméras.
Paul Néaoutyine, c’est tout l’inverse du branleur du sud à Saint-Louis qui veut envoyer l’usine du sud ailleurs, qui n’a aucun bilan concret à défendre, sauf son bilan oral fait d’incohérences et de provocations inutiles pour le bien de ce pays.
je vais le prendre au second degré -:) ou alors il y en a un des 2 qui n’a rien compris.
L’indépendance est un mythe auquel s’accroche les rêveurs. Par contre, il confirme une fois de plus la collusion UC/RUMP
Comme il confirme la collusion CE PALIKA…
Toujours pas d’éclaircissement sur le projet d’indépendance, ses bases institutionnelles, bref des détails…
Ca c’est la” surprise du chef” pour le “jour d’apres”……..
Collectivisation des terres et des outils de production ?
Mwouais… En général ça ne marche pas; en revanche on pourrait essayer l’abolition de la propriété lucrative, ne reconnaitre que le propriété d’usage qui serait un droit inaliénable, et partager la propriété des moyens de productions entre les détenteurs de capitaux et les détenteurs de force de travail. Beaucoup plus stable selon moi (et d’autres…)