La fin du gouvernement Ligeard ?

Le Rassemblement-UMP ne votera pas la taxation des bénéfices des entreprises. Pour Calédonie Ensemble, c’est une rupture des « engagements» signés dans le CGS. Le gouvernement de Cynthia Ligeard devrait tomber très prochainement.

L’exécutif présidé par Cynthia Ligeard est le treizième du genre. Un chiffre qui ne lui aura pas porté bonheur car tout semble démontrer qu’il n’excédera pas les six mois d’existence. Alors que la semaine dernière les élus du R-UMP ont ardemment critiqué les futures réformes fiscales et notamment celles touchant l’augmentation de la taxation des dividendes des sociétés (IRVM) et alors que celles-ci sont présentées cet après-midi au congrès, le parti de Pierre Frogier a fait savoir ce week-end qu’il ne les voterait pas. Pour Calédonie Ensemble, c’est rien de moins qu’une trahison des engagements pris lors de la conférence économique et sociale d’aout dernier, validés par l’ensemble des partis politiques pour « sauver les régimes sociaux ». Le parti des députés entend rappeler les résultats des élections provinciales :

Cette stratégie de la terre brûlée consiste à faire payer aux Calédoniens la sanction subie lors des dernières élections, pour avoir imposé le drapeau du FLNKS, conclu des alliances politiques contre-nature et plombé les comptes de la Nouvelle- Calédonie (Communiqué CE)

De son côté, dans un communiqué diffusé ce matin, l’Union Pour la Calédonie dans la France rappelle ses principes et sa volonté de voir les non-indépendantistes travailler tous ensemble :

L’UCF prend acte de la rupture du dialogue entre les deux autres partenaires du Contrat de Gouvernance Solidaire (…) réaffirme son engagement à trouver avec l’ensemble des autres formations loyalistes des solutions aux défis économiques, sociaux et institutionnels (Communiqué UCF)

Une façon pour l’UCF de rappeler que ses élus honoreront leur signature en votant les textes présentés par le gouvernement. Ceux-ci constitueront peut-être les derniers que cet exécutif aura préparés, car l’avertissement de Calédonie Ensemble est en ce sens très clair :

Nous annonçons que nous démissionnerons du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie si les élus du FPU-RUMP ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris en matière de réforme fiscale (Communiqué CE)

En coulisse, Cynthia Ligeard et plusieurs de ses proches cherchent donc depuis plusieurs jours à convaincre une partie des leaders du R-UMP de voter les réformes afin de sauver ce qui peut encore l’être. De même, Anthony Lecren et plusieurs collaborateurs de l’UC ne cacheraient pas non plus leur appréhension à l’idée que le gouvernement tombe. Car si l’assise politique de Gilbert Tyiuenon au sein de l’UC devrait lui permettre de figurer sans problème dans un prochain gouvernement, il n’en est pas de même de son colistier Lecren dont l’image aura été, ces derniers temps, considérablement écornée par différents scandales politico-financiers.

13ème Gouvernement : un pauvre bilan

Elue le jour de la mort de Guy Tamai, on peut dire que l’équipe Ligeard a démarré sur les pires bases possibles. C’était en effet le 6 juin, quelques heures après l’élection de l’exécutif, que des collaborateurs, des élus et des responsables politiques sont allés « fêter » leur arrivée au pouvoir sur les baies. On apprendra par la police le lendemain la mort de Guy Tamai, un responsable indépendantiste de l’UPM, qui a été roué de coups sur les lieux de cette soirée de beuverie. Selon la procureure de la République Anthony Lecren, tout juste élu « ministre », avait ce soir-là raccompagné en voiture, en situation d’ébriété avancée, le meurtrier présumé au congrès de la Nouvelle-Calédonie. Pas encore jugée, cette affaire avait marqué l’opinion publique et l’image du nouveau gouvernement, d’autant plus que sa présidente ne s’est jamais exprimée sur cette affaire et n’a jamais condamné celles et ceux ayant participé à cette dramatique beuverie et qui travaillent pourtant dans l’institution qu’elle dirige.

S’agissant des actions réalisées, on retiendra les réformes validées (en ce temps-là) par l’ensemble des groupes politiques. Celles-ci visaient en fait à remplir les caisses de la Calédonie car ses comptes sont déficitaires d’une dizaine de milliards de francs. Deux voies avaient donc été choisies : la taxation des revenus (salaires et capital) et l’augmentation de la taxation sur les bénéfices des entreprises (c’est cette dernière réforme qu’aujourd’hui le RUMP refuse de voter). Après un discours de politique général jugé souvent creux et qui n’aura pas marqué les esprits, Cynthia Ligeard a axé sa stratégie sur l’international, se rendant plusieurs fois chez nos voisins du pacifique ou devant l’ONU pour rendre compte de l’avancée du processus institutionnel calédonien.

Néanmoins, apparue souvent très fatiguée dans les médias, empêtrée dans le scandale Prony-Pernod et dans une collégialité où même les indépendantistes se livrent entre eux à un affrontement sans merci, la tête de liste du RUMP aux provinciales n’a semble-t-il pas réussi à marquer de son empreinte ce poste de responsabilité. Impopulaire ou, au mieux, ignorée par l’opinion publique, n’ayant pas les manettes d’un parti, la présidente du gouvernement risque dans les mois à venir, en cas de démission, d’avoir toutes les peines du monde à conserver une influence dans le jeu politique local.