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Les squats de Nouméa au rythme des “bingos de solidarité” 
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Source Rue89.com – (De Nouméa) “Trente-quatre! Apo six! Treize! Collé deux! Petit huit…”* A l’ombre d’une grande bâche bleue, une vingtaine de femmes, d’adolescentes et de fillettes kanak sont installées sur des nattes étendues sur l’herbe. Elles écoutent religieusement le chapelet de chiffres qu’égrène la crieuse et barrent les cases correspondantes sur leurs grilles de bingo. Une autre femme relaie la criée pour celles qui sont installées au fond et pour les grand-mères qui n’entendent plus très bien.
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Chaque premier week-end du mois, les dames du squat de Notre-Dame du Pacifique, à  Nouméa, se réunissent pour jouer à  cette version calédonienne du loto. Les règles sont les mêmes –une grille complétée permet de remporter la mise– mais le vocabulaire sensiblement différent et l’enjeu très particulier:
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“Nous jouons pour nous divertir, être ensemble mais les bingos mensuels sont avant tout des bingos de solidarité”, explique Victoria Bolo, présidente de l’association du squat de Notre-Dame du Pacifique depuis trois ans. Les bingos organisés par les femmes en brousse et dans les îles Loyauté leur permettent en effet de faire circuler l’argent en tribu, quand l’apport monétaire est faible, voire inexistant. Les bingos clandestins “de solidarité”, organisés dans les squats ou les cités de Nouméa, sont la preuve de l’adaptation nécessaire mais parfois peu aisée de la communauté féminine kanak aux contingences de la vie urbaine.
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Loyers surévalués
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Victoria, mère de famille de 39 ans, originaire d’Ouvéa, est arrivée à  Nouméa en 1989. Comme beaucoup de Kanak qui quittent la tribu pour trouver du travail et habiter en ville, elle s’est installée dans une cabane de bois et de tôles nichée dans un creux de vallée de l’agglomération. Au fil des ans, une trentaine de baraques sont sorties de terre, parfois construites en dur. “Nous squattons car nous ne pouvons pas payer un loyer, même avec des allocations.” Pas surprenant quand les loyers nouméens valent largement ceux du Paris intra-muros.
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En début d’année, un tirage au sort des numéros de cabanes est effectué pour établir un planning annuel des bingos du week-end, dont une partie de la mise revient, à  tour de rôle, à  chaque famille organisatrice. La grille de jeu, la “carte”, est à  50 francs CFP (environ 40 centimes d’euros), la mise totale pouvant atteindre 1000 à  2000 francs (environ 8 à  16 euros). Une petite cagnotte de quelques centaines de francs est mise de côté pour l’hôte du mois. Elle aidera au paiement des frais de scolarité des enfants ou des factures d’eau.
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Car si les habitants sont considérés comme des squatteurs, chaque cabane est équipée d’un compteur. Et la note est salée pour ces foyers à  faibles revenus. “Pour trois mois, j’ai reçu une facture de 11600 francs [environ 96 euros, ndlr] “, détaille Victoria, qui travaille deux jours par semaine comme femme de ménage chez des particuliers du quartier de la Vallée-des-Colons.
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La cagnotte du bingo n’est donc qu’une goutte d’eau, mais une goutte d’eau symbolique de la solidarité qui anime l’organisation du jeu pour ces femmes kanak. Au squat de Notre-Dame, l’association dispose d’un abri pour accueillir le bingo, sinon, l’hôte occasionnelle reçoit les joueuses chez elle. A sa charge, la préparation et le service du casse-croûte.
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Enfants interdits
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Alice, 85 ans, une grand-mère originaire de Voh, sur la côte ouest, vit seule dans un grand appartement de la cité HLM Pierre-Lenquette dans le quartier de Montravel, une des plus anciennes implantations citadines mélanésiennes à  Nouméa. Chez Alice, c’est bingo tous les jours: “Je suis vieille maintenant, alors ma vie, c’est ça.” Une fois par semaine, la cagnotte lui revient d’office. Elle est fière de présenter au visiteur sa cuisine achalandée pour les joueuses : du jus de fruits, des pommes, du pain et une assiette débordante de salami. Son frigo ne contient rien d’autre.
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En fin d’après-midi, les femmes qui sortent du travail viennent rejoindre les mamies installées depuis 15 heures. Seule condition posée par Alice: tout le monde dehors à  21 heures. “Comme ça, les femmes s’occupent aussi des enfants et ne sont pas disputées par les maris.” Si ce sont surtout les femmes qui pratiquent, les hommes ne sont pas pour autant exclus du cercle de jeu. Quand ils ne travaillent pas, eux aussi peuvent venir passer du temps assis sur un coin de natte, à  cocher les grilles.
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Au squat de Notre-Dame, seuls les enfants sont interdits de bingo. Une règle édictée par Victoria, après consultation collective: “Des parents se sont plaints que les devoirs n’étaient pas faits et les leçons bâclées car les enfants passaient leur temps au bingo. Donc on a décidé de ne plus les laisser jouer, comme ça, ils restent concentrés sur l’école.”
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Théoriquement interdit par les autorités
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Théoriquement, comme tout jeu d’argent, il est interdit par les autorités. Mais la police n’est jamais intervenue au squat de Notre-Dame. “Je ne suis pas sûre qu’ils soient tant au courant de nos activités, mais, de toute façon, il s’agit de petites sommes, et nous ne causons de problèmes à  personne”, explique Victoria. A Montravel, Alice a, elle, déjà  eu affaire à  la police: “Ils sont venus une fois car des femmes jalouses étaient allées me dénoncer. Ils m’ont fait la morale, j’ai promis de ne plus recommencer, et quand ils sont partis, on a continué la partie.”
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Au bureau de police du quartier, le ton est effectivement détendu: “C’est arrivé que des gens dénoncent des bingos clandestins pour une question de nuisance sonore. Les voisins de joueuses trouvaient que ça faisait trop de bruit. On dresse un rapport d’infraction puis on va dire aux joueuses que le bingo sauvage est interdit, ou, au moins, qu’elles essayent de faire moins de bruit”, explique le gardien de la paix Gurera. Et M. Gurera de s’esclaffer: “Ce sont les femmes qui pratiquent alors c’est pas la mafia non plus!” (Article de Maïté Darnault) Lire les réactions sur rue89.com
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Créateur le 18 octobre 2006 du blog Calédosphère, Franck Thériaux est papa à temps plein d'une petite fille née le 1er Juin 2012. Selon son entourage, il passe beaucoup trop de temps sur internet… Membre émérite de la rédaction, il vit aujourd'hui en métropole après 23 belles années passées sur le Caillou. Il est en contact quotidien avec l’équipe et continue à participer à la vie de son « bébé numérique »
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kinuzinha

on voit bien que le sieur Guera n’a jamais entendu parler des Yakusettes ce gang très connu de mafiosettes en jupettes qui écrème les bals musette

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