Lettre ouverte au Haut-Commissaire

Objet : Arrestation de deux membres de l’association Coordination de Défense du Sud sur la zone maritime de la baie de Prony et poursuite illégale des travaux d’extension de l’usine GoroNickel

Monsieur le Haut-Commissaire,

Les Amis de la Terre – France, association agréée au titre de la protection de l’environnement depuis 1976, ont été alertés de faits graves survenus ces derniers jours en Nouvelle-Calédonie autour de manifestations d’opposants à  la pose du tuyau destiné à  rejeter dans le lagon les effluents toxiques de l’usine de Goro Nickel. D’après l’ensemble des témoignages disponibles, des centaines de personnes étaient venues de Nouméa et d’ailleurs pour refuser la poursuite de ces travaux. Mais le dimanche 10 février au matin, François Gaudin et Mike Hosken, souhaitant constater l’avancement des travaux de pose du tuyau en Baie de Prony, ont été interpellés sur leur embarcation et placés pendant six heures en garde à  vue par la gendarmerie sous le motif, invoqué par l’industriel, « d’entrave à  la liberté du travail ». Il semble entendu que Goro Nickel ne souhaite pas que la réalité de ses travaux soit connue du public. Mais nous constatons qu’en la circonstance l’Etat a préféré, en faisant intervenir sans raison légale les forces de l’ordre, protéger les intérêts d’une entreprise au détriment des droits fondamentaux des citoyens à  circuler et à  s’informer. Cela est doublement contraire aux libertés les plus fondamentales, raison pour laquelle notre association s’élève contre de tels procédés et affirme son soutien aux personnes ayant subi de tels abus de droit.

En outre, ces événements s’opposent à  la « démocratie environnementale » dont le respect est garanti par la convention d’Aarhus . Les faits rapportés concernant les répressions policières semblent totalement contraires à  cette convention, dont la France est signataire. Celle-ci garantit en effet l’accès à  l’information en matière d’environnement , accès qui ne semble pas, en l’espèce, avoir été respecté.

Sur le fond du dossier, les Amis de la Terre-France soutiennent les associations locales de défense de l’environnement dans leur refus d’extension de l’usine Goro Nickel actuellement en construction. Il est de notoriété publique et scientifique que cette usine et les installations fournissant son énergie ont déjà , et auront plus encore, un impact très négatif sur la biodiversité, sur l’organisation traditionnelle du peuple autochtone et sur la santé humaine. Concernant les impacts sur l’environnement, les témoignages recueillis montrent que les travaux de réalisation du tuyau de déversement des effluents toxiques dans l’eau du lagon progressent à  grande vitesse, menaçant d’atteindre dans les jours à  venir une forêt d’aiguilles géothermales découverte fin de 2005 en Baie de Prony.

Au moment même o๠une possible inscription de la Nouvelle-Calédonie au patrimoine mondial de l’humanité est discutée pour le compte de l’UNESCO par l’UICN, qui a demandé, fort justement, les raisons de l’exclusion de la Baie de Prony et des périmètres de la Zone 1 et du grand lagon Sud, nous demandons aux représentants de l’Etat d’agir afin que cessent des travaux d’une telle dangerosité pour la biodiversité du lagon. Ces travaux se poursuivent en effet alors que les doutes les plus lourds pèsent sur leur légalité. Il ne vous a pas échappé que l’entreprise a décidé, malgré des arrêts de justice ayant conduit à  l’annulation du permis d’exploiter, de persévérer dans ces travaux « à  ses risques et périls » comme l’a déclaré le PDG du groupe canadien et brésilien qui en assure le financement.

Tout ceci est inadmissible. Nous demandons que les interventions de la force publique cessent, de pair avec des travaux menés sans garantie de légalité. Nous soutenons en outre les actions menées sur le terrain par la Coordination de Défense du Sud et les ONG associées et ferons connaître, partout o๠nous serons en mesure de le faire, la nature des événements qui se déroulent actuellement en Nouvelle-Calédonie.

En tout état de cause, nous souhaiterions connaître votre point de vue sur ce difficile dossier, notamment sur les motifs qui ont conduit, le 10 février, à  l’intervention des forces de l’ordre et sur ceux qui, à  l’inverse, conduisent à  laisser des travaux dangereux se poursuivre sans autorisation.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Haut Commissaire, l’expression de notre plus haute considération.

Claude Bascompte
Président des Amis de la Terre – France