Source Revue des Pionniers: A l’Université de Dakar, le 26 juillet 2007, M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, déclarait : « (…) Le colonisateur est venu, il a pris, il s’est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail. » « Il a pris mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu féconde des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. (…) » « La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l’embryon d’une destinée commune. » Neuf ans plus tôt, le préambule de l’Accord de Nouméa, lecture partagée de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie contemporaine entre les trois partenaires de l’Accord, proclamait : « Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière. (…) »
« Les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement. (…) » « Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d’origine de se constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun. »
Le préambule de l’Accord de Nouméa ne dit pas que la colonisation fut une faute mais qu’elle commit des fautes. Il dit aussi que ce temps n’est plus. Aujourd’hui, il faut bâtir l’avenir commun à partir de la situation que l’histoire a créée. Le destin commun se construira avec ceux qui peuvent avoir des visions compatibles de la Nouvelle-Calédonie. Et d’abord avec ceux qui la connaissent et la reconnaissent comme leur terre, pas comme une terre de passage. C’est pourquoi je suis convaincu que ceux à qui la longue présence en Nouvelle-Calédonie de leur famille donne une légitimité particulière ont un droit prioritaire à réfléchir à son avenir. L’association qui vous rassemble me semble, pour cette raison, un partenaire incontournable de la réflexion nécessaire, pendant les dix années qui viennent, pour que l’Accord de Nouméa vive et pour qu’il débouche sur une solution définitive viable. Vous êtes au premier rang de ceux qui « ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre. »
Que l’on me comprenne bien. L’Accord de Nouméa n’organise pas une Nouvelle-Calédonie repliée sur elle-même. Ce n’est pas souhaitable et ce n’est pas possible. Simplement, la colonisation, c’est fini. Je ne sais pas si la colonisation a été une « faute ». Je sais qu’elle le serait si elle se poursuivait. Ne pas poursuivre la colonisation, c’est dans un premier sens faire disparaître tout ce qui subsiste d’un système inégalitaire et discriminant, dans lequel la métropole est le modèle unique et le centre des décisions pour un territoire regardé comme périphérique et inférieur : permettre que chacun exerce vraiment des responsabilités en Nouvelle-Calédonie selon ses talents ; laisser les Calédoniens gérer leurs affaires eux-mêmes, avec bien sûr l’aide de la France, qui est un devoir de la solidarité et de l’histoire, mais pas en transposant des solutions européennes inadaptées ; admettre que la Nouvelle-Calédonie a des cultures propres, marquées par la culture française, mais qui existent par elles-mêmes, d’abord celle du peuple d’origine, originale et riche, mais aussi celles des autres communautés qui ont vécu en Nouvelle-Calédonie et en ont tiré un certain art de vivre et un rapport aux autres et à la nature ; rendre l’économie de la Nouvelle-Calédonie plus créatrice de richesses et d’emplois sur place, en transformant et fabriquant tout ce qui peut l’être : cette écolonisation-là est en cours, avec le rééquilibrage, la provincialisation, l’industrialisation.
Mais l’autre colonisation qui ne peut se poursuivre, c’est celle du peuplement. Il faut, sur ce point, être clair. Dans certains pays, le peuple d’origine a été submergé : les Indiens d’Amérique du Nord ou les aborigènes d’Australie sont devenus une infime minorité des populations respectives de leurs pays. C’est ainsi. On ne reviendra pas en arrière. En Nouvelle-Calédonie, le peuple kanak est devenu minoritaire mais pas marginal. Il n’acceptera jamais, désormais, j’en ai la conviction, de risquer de devenir une minorité protégée, parce qu’aucune limitation ne pourrait être apportée à l’immigration de personnes au motif qu’elles ont la nationalité française. Cette question-clé, présente à tous les esprits mais toujours masquée, a été résolue, temporairement, dans l’Accord de Nouméa, par la limitation du corps électoral pour les élections propres à la Nouvelle-Calédonie. Je comprends que ceux qui sont exclus n’en soient pas satisfaits mais il n’y avait pas d’accord possible sans un tel frein aux conséquences d’une immigration économiquement souhaitable mais politiquement explosive.
Au regard de ces deux aspects fondamentaux, la question des rapports institutionnels entre la Nouvelle-Calédonie et la République est certes importante mais sans doute pas la plus difficile à résoudre de manière consensuelle. C’est aux Calédoniens de rechercher les solutions. L’Accord de Nouméa est l’accord de ceux qui vivent en Nouvelle-Calédonie. L’Etat a seulement encouragé et organisé les discussions et aidé à trouver les mots. Ceux qui, demain, sauront à nouveau tracer le chemin de l’avenir sont ceux qui sont les plus enracinés dans cette terre de Nouvelle-Calédonie. Parce qu’ils ont pris la mesure des enjeux. Parce qu’ils savent ce qui est essentiel, pour eux et pour les autres. Si la volonté des Calédoniens est encore au rendez-vous, une nouvelle page du destin commun pourra être écrite. Si les calculs à court terme chassent l’esprit de consensus, ce sera plus difficile.
Alain Christnacht
« Les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement. (…) » « Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d’origine de se constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun. »
Le préambule de l’Accord de Nouméa ne dit pas que la colonisation fut une faute mais qu’elle commit des fautes. Il dit aussi que ce temps n’est plus. Aujourd’hui, il faut bâtir l’avenir commun à partir de la situation que l’histoire a créée. Le destin commun se construira avec ceux qui peuvent avoir des visions compatibles de la Nouvelle-Calédonie. Et d’abord avec ceux qui la connaissent et la reconnaissent comme leur terre, pas comme une terre de passage. C’est pourquoi je suis convaincu que ceux à qui la longue présence en Nouvelle-Calédonie de leur famille donne une légitimité particulière ont un droit prioritaire à réfléchir à son avenir. L’association qui vous rassemble me semble, pour cette raison, un partenaire incontournable de la réflexion nécessaire, pendant les dix années qui viennent, pour que l’Accord de Nouméa vive et pour qu’il débouche sur une solution définitive viable. Vous êtes au premier rang de ceux qui « ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre. »
Que l’on me comprenne bien. L’Accord de Nouméa n’organise pas une Nouvelle-Calédonie repliée sur elle-même. Ce n’est pas souhaitable et ce n’est pas possible. Simplement, la colonisation, c’est fini. Je ne sais pas si la colonisation a été une « faute ». Je sais qu’elle le serait si elle se poursuivait. Ne pas poursuivre la colonisation, c’est dans un premier sens faire disparaître tout ce qui subsiste d’un système inégalitaire et discriminant, dans lequel la métropole est le modèle unique et le centre des décisions pour un territoire regardé comme périphérique et inférieur : permettre que chacun exerce vraiment des responsabilités en Nouvelle-Calédonie selon ses talents ; laisser les Calédoniens gérer leurs affaires eux-mêmes, avec bien sûr l’aide de la France, qui est un devoir de la solidarité et de l’histoire, mais pas en transposant des solutions européennes inadaptées ; admettre que la Nouvelle-Calédonie a des cultures propres, marquées par la culture française, mais qui existent par elles-mêmes, d’abord celle du peuple d’origine, originale et riche, mais aussi celles des autres communautés qui ont vécu en Nouvelle-Calédonie et en ont tiré un certain art de vivre et un rapport aux autres et à la nature ; rendre l’économie de la Nouvelle-Calédonie plus créatrice de richesses et d’emplois sur place, en transformant et fabriquant tout ce qui peut l’être : cette écolonisation-là est en cours, avec le rééquilibrage, la provincialisation, l’industrialisation.
Mais l’autre colonisation qui ne peut se poursuivre, c’est celle du peuplement. Il faut, sur ce point, être clair. Dans certains pays, le peuple d’origine a été submergé : les Indiens d’Amérique du Nord ou les aborigènes d’Australie sont devenus une infime minorité des populations respectives de leurs pays. C’est ainsi. On ne reviendra pas en arrière. En Nouvelle-Calédonie, le peuple kanak est devenu minoritaire mais pas marginal. Il n’acceptera jamais, désormais, j’en ai la conviction, de risquer de devenir une minorité protégée, parce qu’aucune limitation ne pourrait être apportée à l’immigration de personnes au motif qu’elles ont la nationalité française. Cette question-clé, présente à tous les esprits mais toujours masquée, a été résolue, temporairement, dans l’Accord de Nouméa, par la limitation du corps électoral pour les élections propres à la Nouvelle-Calédonie. Je comprends que ceux qui sont exclus n’en soient pas satisfaits mais il n’y avait pas d’accord possible sans un tel frein aux conséquences d’une immigration économiquement souhaitable mais politiquement explosive.
Au regard de ces deux aspects fondamentaux, la question des rapports institutionnels entre la Nouvelle-Calédonie et la République est certes importante mais sans doute pas la plus difficile à résoudre de manière consensuelle. C’est aux Calédoniens de rechercher les solutions. L’Accord de Nouméa est l’accord de ceux qui vivent en Nouvelle-Calédonie. L’Etat a seulement encouragé et organisé les discussions et aidé à trouver les mots. Ceux qui, demain, sauront à nouveau tracer le chemin de l’avenir sont ceux qui sont les plus enracinés dans cette terre de Nouvelle-Calédonie. Parce qu’ils ont pris la mesure des enjeux. Parce qu’ils savent ce qui est essentiel, pour eux et pour les autres. Si la volonté des Calédoniens est encore au rendez-vous, une nouvelle page du destin commun pourra être écrite. Si les calculs à court terme chassent l’esprit de consensus, ce sera plus difficile.
Alain Christnacht
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