Toujours suite à l’émission de M6, largement commenté sur Calédosphère, et dans la perspective des élections provinciales du 10 mai prochain, le quotidien « La Croix » se penche sur la Nouvelle-Calédonie. Sous la plume d’Antoine Fouchet, le quotidien a publié une longue interview du président du gouvernement, Harold Martin. La voici :
La Croix : Quelle est l’ampleur de l’accroissement de l’immigration métropolitaine?
Harold Martin : Faute de recensement depuis 2004, il est difficile de se faire une idée très précise du nombre de métropolitains installés en Nouvelle-Calédonie depuis cette date, d’autant qu’aucune formalité administrative ou déclaration n’est nécessaire pour entrer en Nouvelle-Calédonie lorsqu’on est citoyen français ou européen. Un élément permet toutefois de se faire une idée chiffrée, c’est le nombre d’électeurs inscrits sur le tableau annexe, c’est-à -dire des citoyens français, qui sont inscrits sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie mais qui ne peuvent participer aux élections provinciales en raison d’une durée de résidence insuffisante ou d’une arrivée trop tardive (après 1999). Lors du scrutin des municipales de 2008, ils étaient quelques 19 000 à y être inscrit.
Comment accueillez-vous et analysez-vous ce phénomène ?
Depuis le milieu des années 90, il est indéniable que la Nouvelle-Calédonie exerce un certain attrait auprès d’une population métropolitaine touchée par des crises à répétition. Depuis la signature de l’Accord de Nouméa le 5 mai 1998, la Nouvelle-Calédonie s’est inscrite dans un processus de stabilité politique et institutionnelle qui a conduit à un développement sans précédent de l’activité économique, supérieur même au boum des années 70, soutenu par des cours élevés du nickel. Dans le même temps, le projet minier de Goro au Sud (Vale Inco Nouvelle-Calédonie) et du Nord (Xstrata Koniambo) ont contribué à attirer de la main d’œuvre spécialisée et des compétences extérieures nécessaires à leur construction.
Quelles sont les conséquences de cette immigration localement?
La première de ces conséquences, c’est qu’elle permet de faire tourner l’économie calédonienne à plein régime. Avec une situation de quasi plein emploi, la Nouvelle-Calédonie a besoin de pouvoir trouver des personnels compétents et formés. Dans la très grande majorité des cas, le fait que des postes soient occupés par des métropolitains, mais aussi par des ressortissants de pays de la communauté européenne, ou par des Canadiens et des Philippins venus nombreux travailler dans le secteur de la mine et de la métallurgie sur des contrats à durée limitée, ne pose aucune difficulté majeure, ce qui n’empêche pas, ça et là quelques réactions épidermiques.
Peut-on dire que la Nouvelle-Calédonie est un el-dorado?
La Nouvelle-Calédonie n’est certainement pas « un pays chimérique où l’on peut s’enrichir facilement » et la référence au reportage diffusé sur la chaine M6 permet d’aborder la question sous cet éclairage.
La Nouvelle-Calédonie a connu et connait toujours une période intense de construction : c’est vrai au niveau politique et institutionnel dans le cadre de la construction du destin commun, cela l’est aussi dans le domaine économique. Comme dans tous les pays ou dans toutes les régions qui ont connu ce type de croissance, soutenue par une stabilité institutionnelle, les opportunités sont nombreuses. Mais la Nouvelle-Calédonie, où l’Etat exerce comme partout en métropole ses compétences régaliennes, n’est pas une terre de non-droit, le travail y est encadré (et on ne peut pas faire ce que l’on veut). Ce n’est ni un Eldorado, ni le far west comme certains se plaisent à la faire croire.
Comprenez-vous les craintes de la communauté kanak concernant l’immigration métropolitaine?
Dans l’accord de Nouméa de 1998 et la loi organique qui l’organise sur le plan du droit, l’emploi local est pris en compte. Pour ne citer qu’un texte, celui, essentiel, du préambule de l’Accord de Nouméa, il est clairement indiqué qu’ « afin de tenir compte de l’étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favorise l’accès à l’emploi local des personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie ».
Alors, il existe en effet une certaine crainte. Crainte partagée par une grande majorité de la population calédonienne. Crainte légitime dans bien des cas de ne pouvoir trouver un emploi alors que la situation générale est favorable.
C’est d’ailleurs pour donner à la jeunesse calédonienne la chance de pouvoir prétendre à l’emploi que le gouvernement s’est lancé dans une politique de soutien et de promotion de la formation. Pour nous la formation professionnelle est une priorité et des budgets très conséquents y sont consacrés. Cette formation prend en compte l’évolution de la Nouvelle-Calédonie pour répondre au plus prés de la réalité en termes d’offres d’emplois dans les mois et les années à venir…
Quelles sont les finalités du projet de loi sur l’emploi local actuellement en préparation ?
Voulue par les signataires de l’Accord de Nouméa et ratifié par voie de référendum, la protection de l’emploi local est une nécessité qui s’impose à tous. Le, ou plutôt les textes en préparation et en discussion avec les partenaires sociaux et les différentes formations politiques visent essentiellement à encadrer l’accès à l’emploi.
Premièrement dans la fonction publique, les différents partenaires sont globalement d’accord pour donner aux Calédoniens et notamment aux jeunes une priorité à l’accès aux emplois notamment pour les catégories B et C, mais il faudra aussi que des Calédoniens continuent de se former pour devenir les décideurs et prendre les plus hautes responsabilités dans les directions et les institutions de la Nouvelle-Calédonie.
Deuxièmement, un texte est également en cours d’élaboration visant à réglementer l’accès à l’emploi dans le secteur privé. Il prévoit globalement de donner la priorité, à diplôme et expérience égale, aux Calédoniens. Ce qui ne signifie pas que la Nouvelle-Calédonie doive se refermer sur elle-même. Au regard de la taille de la population il faudra évidemment avoir recours à de la main d’œuvre extérieure pour des métiers spécifiques ou techniques, ou tout simplement pour des métiers où la main d’œuvre locale sera insuffisante. Cela a déjà été le cas sur les grands chantiers pour des métiers « peu qualifiés », ce pourra l’être encore si nécessaire.
Quel est aujourd’hui l’état des relations entre la Métropole et la Nouvelle Calédonie ?
Lors du dernier Comité des Signataires réuni à Paris les 8 et 9 décembre dernier, le Président de la République Nicolas Sarkozy et le Premier ministre François Fillon nous ont confirmé leur attachement à la Nouvelle-Calédonie.
Mais ce n’est pas nouveau, dans sa « lettre aux Calédoniens », publiée avant les élections présidentielles, mais aussi après les élections puis à nouveau le 13 juillet 2007 et lors du comité des signataires 2007, Nicolas Sarkozy est allé dans le sens de l’accord de Nouméa et du consensus. Nous avons un Président très lucide, parfaitement au fait du dossier calédonien, et qui à plusieurs reprises s’est clairement exprimé pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans l’ensemble français et européen selon des modalités que les habitants de la Nouvelle-Calédonie devront choisir.
A votre avis, les échéances concernant l’autodétermination doivent-elles être maintenues ?
C’est un point que j’avais abordé en janvier dernier lors de ma déclaration de politique générale, j’en ai reparlé depuis, aux uns et aux autres, même si aujourd’hui, à quelques mois des élections provinciales, il est difficile de faire avancer le débat. Il faudra pourtant s’en saisir très vite une fois passée cette échéance et il faudra faire vite. En 1991 pour éviter de se précipiter vers un référendum couperet, Jacques Lafleur avait proposé la solution consensuelle, solution qui s’est ensuite imposée à tous dés lors que la sagesse l’a emporté. C’est vers une solution similaire qu’il faut tendre pour éviter de nouveau un ou des référendum, pour éviter qu’il y ait un vainqueur et un vaincu avec tout ce que cela sous entend.
Comment abordez-vous l’échéance des prochaines élections provinciales en mai ?
Il s’agit d’une échéance politique importante qui déterminera le déroulement de la troisième et dernière mandature de l’Accord de Nouméa. Après une période de mise en place puis de rodage, et ce pour la première fois le gouvernement collégial (c’est-à-dire composé à la proportionnelle des groupes élus et représentatifs du Congrès de la Nouvelle-Calédonie) a fait la preuve que le consensus peut fonctionner et être efficace, une majorité de Calédoniens y est d’ailleurs favorable. Les élections provinciales en seront l’illustration mais pour cela, il faut souhaiter que les uns et les autres renoncent aux démons de la radicalisation qui pourraient les animer à l’approche de la campagne électorale. La Nouvelle-Calédonie a démontré qu’elle pouvait concilier le développement et le respect des différentes cultures qui la compose, on peut souhaiter que ces élections lui permettent de poursuivre sur cette voie.
Shoubi ce sont ces radicaux qui ont fait que tu puisses vivre et profiter pleinement de cette paix civile après combien de sacrifice malheureux.Le vote pour l’accord de nouméa dont découle ce climat de confiance c’est en grande majorité par les indépendantistes.Le bradage de goro c’est encore les mêmes qui se sont levés, l’usine du nord pareil et l’immigration massive sera un danger pour tous les calédoniens en général car l’équilibre est fragile et que nous sommes en train de construire un pays souverrain quoi que certains disent pour rassurer leur électorat.Quant à l’interview c’est de l’hypocrisie pure.
Souhaitons que le Pdt saura signifier aux indépendantistes qu’ils doivent arrêter de se radicaliser.
Franck un grand bravo et merci à toi pour avoir retranscrit cet article fort intéressant tiré du quotidien Hexagonal La Croix. Les propos du Président du Gouvernement y sont très mesurés, policés et consensuels: je trouve cette interview forte intéressante. Amitiés, Edouard