Affaire Kohnu: Le procès du 14 avril 2009 saura-t-il lever les interrogations?

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kJ’avais pris garde de ne pas parler de cette affaire avant ce jour, c’est à dire à moins d’une semaine du procès tant attendu en Nouvelle-Calédonie. Depuis deux mois, vous pouvez vous imprégner de l’affaire sur le site officiel du collectif et à diverses endroits sur le web, voici quelques liens: 1|2|3|4 sans oublier le groupe Facebook. Avec l’autorisation du collectif, j’aimerais partager avec vous ces deux textes écrits par deux femmes remarquables, j’ai nommé Déwé GÖRÖDÉ & Catherine Régent. Je ne vais certainement pas donner mon point de vue et encore moins polémiquer sur le sujet, comprenez que l’affaire est trop grave pour faire du zèle et ce n’est pas non plus le but de ce billet. Je compte également sur votre ouverture d’esprit et sur votre délicatesse lorsque vous poserez vos questions ou affirmations par le biais des commentaires. L’affaire Kohnu sera jugée dans moins d’une semaine et j’aimerai franchement connaître vos réflexions. http://www.affairekonhu.com

Deux femmes de lettres, deux femmes de coeur: Déwé Gorodé et Catherine Régent ont écrit pour la famille Konhu deux magnifiques textes. Chacune avec sa sensibilité, son histoire ,son intelligence  et surtout avec son coeur a voulu marquer ainsi son soutien à la famille Konhu qui va vivre encore dans les semaines à venir de douloureux moments. Ces appels aux consciences dépasse les clivages et sont un magnifique témoignage de l’espoir qui reste chevillé aux corps des hommes et des femmes de bonne volonté du Pays

Lettre de Catherine Régent (auteur calédonienne).

« Le procès des frères Konhu ». Un titre qui, au fil des ans alimente toujours la une de la presse écrite et télévisée en Nouvelle Calédonie. Un titre que, ni les alizés ni les cyclones n’ont déraciné. Un titre qui, à force de s’imposer interroge nos consciences.

« Le procès des frères Konhu » vogue aujourd’hui au-delà des mers à bord de la grande pirogue.

« Le procès des frères Konhu » ? Ici, chacun d’entre nous le situe ; c’est « le meurtre de la japonaise ».

Un lieu : un cadre idyllique, l’Ile des Pins, avec sa figure de proue le Rocher de Kanuméra. Une victime : une jeune touriste japonaise. Un coupable, des coupables ? On n’en sait trop rien. Un mobile : il n’y en a pas. Des aveux ? Ils sont inexistants. Des preuves matérielles ? Il n’y en a toujours pas.

Et pourtant la Justice en Nouvelle Calédonie a déclaré Antoine Konhu coupable du meurtre de Mika Kusama.

Pour ceux qui, par curiosité intellectuelle, par intérêt ou par nécessité ont assisté au procès, une première certitude s’impose : celle du doute. Le doute est là, persistant et dérangeant. Et, en droit français le doute doit bénéficier à l’accusé.

La Justice en Nouvelle Calédonie a fait fi de ce principe juridique élémentaire.

La seconde certitude acquise au cours du procès et reconnue unanimement par toutes les parties est que l’instruction a été indigne, bâclée.

Malgré cela la Justice en Nouvelle Calédonie est passée sur ce procès à la façon d’un bulldozer bousculant, écrasant et cassant tout sur son passage.

Bousculant les spécificités de langage du pays ainsi que certaines habitudes (un calédonien dira « j’ai menti » pour « je me suis trompé » ; il n’a pas la même notion de l’heure qu’un européen, il se réfère au soleil et non à une montre).

Ecrasant les témoins de sa morgue et de son mépris (les liens familiaux des calédoniens sont complexes et ne correspondent pas à la norme française : le terme de tonton n’équivaut pas forcément au terme d’oncle , il peut désigner simplement un membre de la famille élargie).

Cassant toute la foi que nous avions en elle alors que dans un passé pas si lointain, procureurs et magistrats attiraient encore le respect du peuple.

Pour une deuxième fois, les frères Konhu repasseront devant la Justice le 14 avril 2009. Et nous éprouvons une certaine crainte : celle d’être les spectateurs d’une erreur judiciaire qui se déroulerait sous nos yeux, sous nos cieux.

A l’heure où nous construisons pierre après pierre un nouveau chemin, où la France nous accompagne chaque jour dans cette tâche, nous ne voulons pas que la Justice soit la broyeuse de la plus belle matière qui soit et qui lui est confiée, celle de la race humaine.

Beaumarchais a écrit : »Après le bonheur de commander aux hommes, le plus grand honneur n’est-il pas de les juger ? ».

Nous espérons de toutes nos forces que la Justice prenne pleinement conscience de cet honneur qui lui est attribué. Qu’elle ne le malmène pas et qu’ensemble nous avancions, confiants et sereins sur la longue route d’un futur partagé dans le respect et la dignité.

Catherine Régent

rocher

Lettre de Déwé GÖRÖDÉ

Nous sommes ici dans un pays dont le peuple d’origine comme certains de ses citoyens en savent peu sur les origines, l’histoire, la loi, le code et la langue du système judiciaire qui les juge. Ils ont affaire à un appareil millénaire, avec ses méthodes datant de l’Inquisition, ses lois devenues républicaines, son langage codé bien rodé et ses rouages bien huilés à et de vingt-deux mille kilomètres. Autant dire que tomber sous le coup de la justice ici procède encore bien souvent d’une mauvaise rencontre de troisième type avec des êtres tombés du ciel ou …de la planète Mars.

Avoir affaire à la justice dans ce pays, c’est encore aujourd’hui se retrouver devant un pouvoir régalien unilatéral avec tous les moyens légaux et répressifs dont il dispose à l’échelle …de la planète Terre.

Et d’abord la maîtrise de la langue dont elle use pour pouvoir ne serait-ce que répondre à la question. Evidemment, il y a le jury populaire, les assesseurs civils et coutumiers, les avocats commis d’office ou les avocats quand on en a les moyens. Mais il faut savoir aussi qu’il n’y a pas d’avocat kanak au barreau de Nouméa où jusqu’à présent et jusqu’à preuve du contraire, il n’y a eu qu’un seul juge Kanak.

Et on n’y a pas non plus de psychologue Kanak pour juger de la personnalité de l’accusé au moment des faits, de l’intérieur, on va dire, puisque c’est justement une science qui va et qui voit à et de l’intérieur.

C’est rien et c’est beaucoup, c’est selon.

En attendant, l’instruction de l’affaire est bâclée et le troisième pouvoir de la presse et des médias s’en empare et la jette en pâture à l’opinion publique.

Et puis à l’exception des flagrants délits, entre le moment des faits et la date de la comparution devant le tribunal, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y a le temps qui passe … qui passe…

Le temps qui passe pour le suspect sans preuve en prison dans le silence et l’absence. Le silence de la confiscation de son seul moyen de défense qu’est sa parole devant l’absence de preuve. Le suspect est sans défense devant un tribunal sans appel.

La justice juge ici dans « l’archipel des forçats », au « pays du non-dit », où depuis plus d’un siècle, de par leur histoire le peuple d’origine et beaucoup de ses citoyens gardent en leur conscience et en leur mémoire collectives, les images du bagne, de la guillotine et des travaux forcés. Les souvenirs de la rélégation, de la déportation ou de l’exécution. Aujourd’hui, ils les retrouvent et les assument sur le chemin de l’identité, de la citoyenneté et du destin commun qu’ils ont décidé de construire ensemble.

Un chemin où le bouc émissaire et l’erreur judiciaire n’ont plus leur place. En effet, ils ne doivent plus conforter un pouvoir régalien où le prévenu est présumé coupable, alors que dans d’autres pays, il est présumé innocent.

C’est à la justice de retrouver qui a tué la malheureuse jeune touriste japonaise pour qu’elle repose en paix.

Autrefois, un chef de ma tribu de Pwârâiriwâ a été exilé pour un crime qu’il n’a pas commis et dont le commanditaire a utilisé sa hache et l’a fait déposer, tâchée de sang, dans sa case. A son départ pour un pays lointain dont il n’est jamais revenu, il a dit à ses frères : « Quand vous verrez Kaatâdaa, l’étoile du matin, souvenez-vous de moi, car ce sera mon salut … »

C’était hier. Je m’en souviens aujourd’hui.

En égard au droit français, le doute doit profiter à l’accusé dans l’Affaire Kohnu.

C’est à la justice de libérer Antoine pour que les frères Kohnu et tous les leurs retrouvent enfin la paix chez eux. Définitivement.

Déwé GÖRÖDÉ

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vivi

Difficil pour moi de faire confiance à la justice.Une chose qui est vrai c’est que certain qui travail dans ses grands tribunaux bâclent vraiment leur travail.Moi même j’en ai fait les fraits.

denis
Pour y avoir assisté je retiendrai que le Président de cette cour d’assises à été à la hauteur, il a sans cesse recentré les débats qui ont eu lieu en parfaite liberté d’expression. Les jurés ont tranché, la justice est passée et n’a pas à être commentée. Ce qui m’a profondément marqué c’est la joie d’un côté et cette profonde tristesse de cette amaman qui va repartir au Japon sans que la justice puisse expliquer la mort de sa fille. Faille dans la justice, très certainement, beaucoup trop d’à peu près, de choses non vérifiées, mal vérifiees, il reste pour… Read more »
COOLMAN

Des compte-rendus exclusivement à décharge…. Comme quoi, ceux-là même qui dénonçaient l’orientation unique de l’enquête sont tout aussi capables de mettre des oeillères.

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