Coup de Gueule

« Horreur », « inadmissible », « conditions inhumaines », à Nouméa les mots commencent à nous manquer pour dénoncer la situation au Camp Est. Même les journaux nationaux s’y mettent : Le Monde parle d’une prison dans un « état déplorable ». Le Nouvel observateur dénonce un « cas critique » Même le Figaro, d’habitude plutôt proche des gouvernements de droite, évoque « la gravité des faits constatés » par le contrôleur général des lieux de privation.Il faut se rappeler que 4 contrôleurs du ministère de la justice était venus visiter inopinément l’établissement du camp Est en octobre dernier. Le moins que l’on puisse dire est que ce qu’ils ont dû voir ne leur a pas vraiment plu. En tout cas le rapport du contrôleur Général a fait l’effet d’un pavé dans la baie de Nouville. A le lire on se croirait revenu au temps du bagne, jugez plutôt :

– « Les remontées d’égouts fréquentes empestent l’atmosphère »

– « Les grilles d’aération sont souvent obstruées afin d’empêcher les rats de rentrer »

– « Les activités proposées sont quasi-inexistantes »

– « En moyenne, les cinq à six détenus par cellule sont confinées entre 22 et 23h par jour. »

Alors si la situation est connue depuis longtemps on comprend bien que l’Etat et la Mairie de Nouméa se renvoient gentiment la patate chaude. Ça s’est d’ailleurs très bien vu cette semaine lorsque la Procureure Générale, Annie Brunet-Fuster, a nommément mis en cause la mairie qui bloquerait depuis deux ans le permis deconstruire nécessaire à l’agrandissement de la prison. Ni une ni deux GaelYanno, député mais surtout 1^er-adjoint de Nouméa, lui a répondu sèchement le lendemain soir sur le même plateau du JT pour lui dire que son seul interlocuteur était le représentant de l’Etat, c’est-à-dire le Haut-commissaire… Ambiance.N’empêche, la Calédonie a aujourd’hui le mérite d’être classée deuxième au niveau national : le Camp Est est, pour le ministère de la justice, avec un demi-millier de détenus la pire prison française après celle de Faa’a-Nuutania en Polynésie. Au fait, ça sert à quoi d’arrêter des condamnés si on ne sait plus où les mettre ?

Pour rappel, voici le communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme paru il y a un mois et demi :

Nouméa, le 28 octobre 2011

Chaque jour, chaque minute qui passe, l’horreur perdure au Camp Est :ce
qui s’y déroule quotidiennement est au-delà de l’imaginable !
L’interrogation de tous ceux qui ont visité les lieux est toujours la
même : mais comment font-ils pour tenir ? Pourquoi cela n’implose-t-il
pas davantage ? C’est d’ailleurs le constat des Contrôleurs des lieux de
privation de liberté récemment en mission sur le Territoire : jamais ils
n’ont vu des conditions de détention aussi infamantes, nous ont-ils
déclaré.

La prison est un lieu de restriction de la liberté de mouvement, une
institution qui doit permettre la réinsertion de ceux qui ont enfreint
la loi, certainement pas une antichambre de l’enfer ou un lieu de
torture !

Car comment qualifier autrement ces cellules de 12m 2 , suintantes,
dégueulasses de crasse et de miasmes, dans lesquelles sont entassés 6
détenus dans la force de l’âge, dans l’impossibilité de se mouvoir 22
heures sur 24 ? Allez-vous promener sur la « belle plage du Camp Est » à
la tombée de la nuit, vous entendrez les cris, les hurlements, les
pleurs de détenus qui deviennent fous.

Dans Les Nouvelles Calédoniennes du 14-10-2011 on pouvait lire que la
Procureure Générale s’était engagée à suspendre les peines d’enfermement
allant jusqu’à un an. Pourtant, arrivent toujours chaque semaine au Camp
Est de nombreuses personnes condamnées à des peines de un à 12 mois
d’enfermement, dont certaines sont mises à exécution après plusieurs
années ! A quand des peines alternatives à l’incarcération, conformément
à la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 4 novembre 2009, art. 65 et 66,
qui fixe d’ailleurs la limite à deux ans (un an pour les récidivistes) ?
Voir le Décret d’application n°2010-1276 du 27 octobre 2010.

Comment peut-on croire que livrer en pâture des individus ayant commis
un délit mineur à l’ignominie de ces lieux leur permettra de redresser
leur trajectoire ? Surtout quand ils se sont entre temps réinsérés
eux-mêmes (la loi pénitentiaire prévoit ce cas) ?

Deux jeunes, très jeunes calédoniens sont morts en moins de deux
semaines, l’un tabassé par ces codétenus, l’autre pendu à des draps en
quartier disciplinaire. Les conditions de détention ont participé à ces
passages à l’acte. La responsabilité de l’État est donc pleinement
engagée.

Quant à la Mairie de Nouméa, sa responsabilité est encore plus grande.
Car c’est bien elle qui bloque depuis deux ans l’obtention du permis de
construire nécessaire à l’agrandissement (provisoire ou non) du centre
pénitentiaire. Pour des raisons de logique immobilière et en l’absence
totale d’humanité ; sa responsabilité morale vis à vis des familles
endeuillées et de l’ensemble de la société calédonienne est grande !

La saison chaude arrive, les conditions vont empirer, les esprits
s’échauffer. Combien de morts par an va-t-on attendre pour considérer ce
dossier comme prioritaire et agir en conséquence ?

La LDHC NC exhorte ceux qui en sont responsables au déblocage urgent du
permis de construire nécessaire aux travaux qui attendent leur bon
vouloir. Dans un pays démocratique et évolué, aucune logique immobilière
ne peut se placer au-delà d’un des droits humains les plus élémentaires
: le droit à la vie et à la dignité.

Le Président de la LDHC NC et les membres de la Commission Prison