Les Contributions

Le RUMP peut-il démissionner Sonia Backès ?

09/04/2013

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Ces derniers mois, l’actualité politique en Nouvelle-Calédonie a été notamment rythmée par des prises de position dissonantes au sein d’un des principaux partis, le Rassemblement-UMP, allant jusqu’à parler d’un courant autoproclamé « rénovateur » pour désigner des divergences dans la ligne politique de ce parti. Ce courant a abouti fin mars à la création d’un nouveau parti dénommé MPC, à la tête duquel on retrouve des élus du RUMP et autres personnalités politiques.

Durant les mois qui ont précédé la naissance du MPC, le RUMP « canal historique », comme on l’a désigné, a très logiquement tenté de maintenir la cohésion dans ses rangs, par la discussion mais aussi par la contrainte lors par exemple du comité directeur extraordinaire du parti en décembre 2012 à Païta (certains n’ont pas hésité à parler de violence).

Ne voyant pas les « rénovateurs » faire marche arrière, les cadres dirigeants du RUMP ont alors décidé de frapper là où ça fait mal : au portefeuille. En effet, il semble qu’à l’instar d’autres partis, de nombreux militants du RUMP disposaient, outre leur mandat – municipal, provincial – d’un emploi administratif, par exemple en tant que collaborateur politique d’un élu.

On a ainsi pu observer le déclenchement des hostilités avec en janvier le licenciement de Gaël Yanno de son poste de collaborateur de cabinet à la province Sud, à l’issue d’une procédure pour perte de confiance relayée discrètement dans le mensuel le chien bleu et dans les nouvelles calédoniennes. D’autres en ont également fait les frais mais là n’est pas notre propos.

L’autre ténor du nouveau parti est Sonia Backès, actuelle membre du gouvernement en charge d’une multitude de secteurs tous stratégiques. On peut légitiment imaginer que le parti sur la liste duquel elle a été élue pourrait vouloir reprendre la main sur ces secteurs. Compte tenu de la proximité des élections, cela lui permettrait d’impulser des actions à court terme pour engranger de la sympathie chez les électeurs. A fortiori cela permettrait surtout au RUMP d’empêcher à l’un de ses principaux dissidents de capitaliser sur les actions actuellement mis en œuvre par le gouvernement et largement relayées dans les médias à grands coups de campagnes de communication (prime « éco-cash », MIPE et autre « éducation numérique pour tous »).

Par ailleurs, cela priverait la dissidente des moyens dont elle dispose actuellement en tant que membre du gouvernement et qu’elle semble utiliser allégrement : collaborateurs de cabinet, attributions de subventions, droit de regard sur les nominations de fonctionnaires…

Mais quels sont les moyens à la portée du RUMP ?

La démission du gouvernement

La démission du gouvernement peut résulter de trois faits :

– elle peut être décidée à la majorité de ses membres (article 120 alinéa 1),

– elle survient de plein droit lors de la démission ou du décès du président (article 120 alinéa 2),

– elle peut résulter d’une démission collective des membres d’une liste (article 121-III).

Les deux premiers évènements ayant peu de chances de se réaliser au vu du contexte actuel, attardons nous sur le troisième. Ce procédé, largement utilisé on s’en souvient en 2011, consiste à faire présenter la démission conjointe de l’ensemble des membres d’une liste afin que le gouvernement soit démissionnaire de plein droit en application de l’article 121-III. Si on peut admettre que cette solution aurait l’avantage pour le RUMP de lui permettre de reconstituer l’intégralité de sa liste de membres du gouvernement, elle aurait également deux inconvénients majeurs :

– tout d’abord la démission doit être présentée par un nombre suffisant de membres afin que leur remplacement par le suivant de liste soit impossible. Or les membres RUMP du gouvernement ont été élus sur une liste de coalition : « Rassemblement-UMP / Avenir Ensemble / LMD ». Il n’est pas certain que les autres membres, dont le président du gouvernement, acceptent de laisser leur mandat à un an des échéances, sans avoir de solides garanties quant au fait de le retrouver.

– ensuite la reconstitution du gouvernement aurait l’énorme inconvénient pour le RUMP de permettre à son principal adversaire Calédonie Ensemble de faire valoir ses revendications quant à la répartition des secteurs jugée notoirement défavorable par ce parti, et qui justifie selon lui son inaction dans le gouvernement depuis 2 ans.

La démission individuelle

On peut imaginer que la membre du gouvernement dissidente puisse décider de présenter sa démission individuelle afin d’être en adéquation avec sa récente prise de position à l’encontre de son parti d’origine. Cette idée, qui démontrerait un puissant sens de l’honneur, ne retiendra cependant pas notre attention car on peut estimer qu’elle relève du domaine de la « politique science-fiction ».

Notre étude ne pouvant s’intéresser qu’à des moyens légaux, nous ne retiendrons pas non plus l’hypothèse du recours à la contrainte – physique ou morale – afin de persuader Sonia Backès de démissionner.

Le RUMP n’aurait-il aucun moyen de démettre la dissidente de ses fonctions ?

La fin des fonctions d’un membre du gouvernement

Une dernière possibilité reste offerte au RUMP s’il souhaitait voir Sonia Backès quitter ses fonctions de membres du gouvernement. Bien moins « connu » que l’article 121, l’article 130 prévoit en effet la possibilité pour le gouvernement de mettre fin aux fonctions d’un de ses membres « sous réserve de l’accord du groupe d’élus qui a présenté la liste sur laquelle il a été élu ».

Sonia Backès ayant été élue sur une liste « Rassemblement-UMP / Avenir Ensemble / LMD », de quel groupe s’agit-il exactement ?

Le groupe d’élus dont il est question est prévu par l’article 79 de la loi organique. Il est constitué librement par les membres du congrès par simple déclaration auprès du président du congrès, indiquant le nom du groupe et la signature de tous ses membres. Toutefois, il faut un minimum de six membres du congrès pour constituer un groupe selon l’article 11 du règlement intérieur du congrès.[1] Dès lors, le RUMP dispose de toute latitude pour agir car il est le seul parti parmi les trois de la liste à disposer d’un groupe au congrès.

On peut dès lors imaginer que le RUMP puisse proposer au gouvernement une délibération mettant fin aux fonctions de Sonia Backès. Il ne lui resterait alors « plus qu’à » obtenir une majorité de voix afin de la faire adopter (NDLA : la délibération, pas SB).

Cette fin de fonctions ne signifierait pas pour autant la fin de tout mandat pour elle puisqu’en tant que membre du gouvernement démissionnaire, Sonia Backès retrouverait alors de plein droit son siège à l’assemblée à laquelle elle appartient (article 119 LO). En l’occurrence à l’assemblée de la province sud, mais aussi au congrès : Sonia Backès figurait en 12e position sur la liste du RUMP aux élections provinciales de 2009 et le parti y dispose de 13 élus.[2]

Cela aurait donc pour conséquence notable de redistribuer un siège dans ces deux assemblées, respectivement occupé par Pierre Maresca pour l’une et Cynthia Liegard pour l’autre.

La question qui se pose est donc maintenant de savoir s’il est vraiment dans l’intérêt et les priorités du RUMP d’évincer Sonia Backès du gouvernement et, dans l’affirmative, si le parti arriverait à convaincre l’ensemble des acteurs affectés par ce repositionnement.

[1] Délibération n° 009 du 13 juillet 1999 portant règlement intérieur du congrès de la Nouvelle-Calédonie : http://goo.gl/09uZj

[2] Arrêté n° 2009/76/HC/DIRAG/SELP du 21 avril 2009 fixant l’état des listes de candidats à l’élection des membres du congrès et des assemblées de province du 10 mai 2009. http://goo.gl/MUWNW