Souriez, vous êtes écoutés

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“souriez, vous êtes écoutés” pourrait bientôt remplacer le “souriez vous êtes filmés”. Alors que l’usage des caméras de surveillance dans les lieux publics existe depuis des années et s’est banalisé dans la pratique et dans notre ressenti, on trouve encore des défenseurs des libertés pour mener le combat maintenant dépassé, presque d’un autre âge contre ces caméras, alors qu’une menace, une vraie cette fois, se profile; l’intrusion dans notre sphère privée. Après “Souriez vous êtes filmés” (dans un lieu public), voici “Souriez, vous êtes écoutés” (dans votre vie privée). Big Brother ressemble de moins en moins à de la fiction et de plus en plus à la réalité. Au pays de la liberté, c’est un comble ! Explications dans cet article de Emmanuel Paquette publié dans l’Expansion le 7 mai 2013.

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La France va se doter d’un système centralisé d’interception des données téléphoniques et internet. Mais les futures grandes oreilles de l’Etat, gérées par le groupe Thales, posent de graves problèmes. Surcoûts, failles de sécurité, risques de conflit d’intérêts… Révélations.

Cette visite devait être une formalité. Ce fut une catastrophe. Le 15 février, Christian Vigouroux s’invite pour la première fois dans les locaux de Thales, le groupe de défense et d’électronique, à Elancourt, dans les Yvelines. Ce déplacement n’a officiellement jamais eu lieu. Et pour cause : le haut fonctionnaire, alors directeur de cabinet de la ministre de la Justice, veut vérifier de ses propres yeux où en sont les derniers préparatifs d’un projet secret, classé “confidentiel défense”. Son nom est tout ce qu’il y a de plus anodin : la PNIJ, pour “plate-forme nationale des interceptions judiciaires”. En réalité, derrière ce sigle, se cache un monstre numérique sur le point de s’éveiller.

Conversations téléphoniques, SMS, MMS, Internet… Dès cet été, l’ensemble des communications mises sur écoute passera par ces grandes oreilles de l’Etat. Souhaité dès 2010 par l’ancien président Nicolas Sarkozy, ce système de surveillance va permettre de centraliser en un seul point plus de 5 millions de réquisitions judiciaires (liste des appels téléphoniques, identité d’un abonné derrière un numéro…) et près de 40 000 écoutes autorisées par les juges dans le cadre de leurs enquêtes.

Ce 15 février, pour s’assurer que ce titan ne porte pas atteinte à la vie privée des citoyens, la présidente de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), Isabelle Falque-Pierrotin, fait aussi le déplacement. L’Association française des magistrats instructeurs, également conviée, n’a pas daigné envoyer de représentant, signifiant ainsi la désapprobation des juges, qui n’ont jamais été consultés.

Cette petite délégation est accueillie par plusieurs responsables de Thales – des “guides” omniprésents tout au long d’une visite très encadrée. Ce jour-là, les émissaires de la garde des Sceaux se sentent alors dépossédés de leur projet. Ils comprennent qu’une partie de leurs prérogatives est désormais tombée entre les mains d’une société privée (même si “l’Etat est actionnaire”). Le golem leur échappe. Pourtant, d’autres implantations avaient été envisagées, comme les locaux de la police, sur le site de Nanterre, ou ceux des gendarmes, sur celui de Rosny-sous-Bois. La place Vendôme, siège du ministère, avait également été évoquée. Mais ces points de chute ont tous été écartés pour des raisons de capacités d’accueil.

La centralisation engendre un risque majeur

A la veille de son entrée en vigueur, avec deux ans de retard sur le calendrier initial, le “Big Brother” français pose surtout des problèmes d’une tout autre gravité : risque sur la sécurité des données, appel d’offres biaisé, dépassement de budget, coûts cachés et conflits d’intérêts avec le groupe Thales, lui-même sous le coup de plusieurs enquêtes. Autant de dérives que L’Express est en mesure de révéler.

Sur le papier, le projet était pourtant séduisant. Il permettait, à la fois, de gérer l’explosion des réquisitions et de réduire les coûts. Car l’augmentation continue du nombre d’écoutes téléphoniques ou des interceptions de SMS ne cesse de grever le budget de la Justice. En cinq ans, les dépenses ont ainsi pratiquement doublé, passant de 55 à 106 millions d’euros en 2011. Et l’inflation n’est pas près de s’arrêter, étant donné l’accroissement de la surveillance des échanges sur l’Internet fixe et mobile.

L’envolée des coûts

Jusqu’à présent, les opérateurs de télécommunications étaient défrayés lors de chaque interception. Ils envoyaient les informations une fois saisies aux officiers de police et de gendarmerie. Six petites sociétés privées épaulaient alors les forces de l’ordre en leur fournissant gratuitement du matériel pour retranscrire les écoutes (lignes sécurisées, ordinateurs, logiciels). La PNIJ, elle, permet de tout regrouper, de réaliser des économies et de faire disparaître près de 1 million de documents administratifs. Adieu la paperasse. “Il a été décidé de renforcer la sécurité autour des réquisitions et des écoutes, explique Richard Dubant, responsable de la Délégation aux interceptions judiciaires (DIJ). Pour cela, seule une grande entreprise comme Thales possède les capacités techniques suffisantes pour gérer des volumes à traiter de plus en plus importants.”

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Bigfoot

De quoi vous plaignez vous ??? Vous avez peur qu’on vous espionne ??? Et bien, commencer par fermer vos comptes par-ci et vos comptes par-là …………………

berkai

bien dit,quand on se dénude sur facebook pas la peine de se plaindre

Fredy GOSSE

discrimination raciale sur calédosphère ?j’avais envoyé copie du texte publié par notre ami kanak le mec d’ici La petite différence venait de quelques lignes d’accompagnement.De 2choses l’une ou elles étaient injurieuses et à tout le moins il aurait fallu me dire pourquoi même à titre privé ou alors … encore une fois en calédonie il y a les descendants des colonisateurs dont je suis et les colonisés qui ont désormais plus de droits .Mais comment bâtir un pays harmonieux dans ces conditions

Alice

Je n’ose imaginer les dérives auxquelles on aura à faire…

Josy

Un projet initié par Sarkozy et finalisé par Hollande. C’est quand le changement ?

konebien

d’ici à ce que les grandes oreilles à Tontouta le fassent dèja.. voila tous les avatars inutiles sur caeldosphère,non… je déconne

movieworld

Un conseil, si vous n’utilisez pas la caméra de votre PC portable, mettez y un bout de scotch dessus…..on ne sait jamais

Bugs Bunny

Ouais, enfin, bref, on avait déjà Big Mama, et maintenant on a Big Brother,

on aura bientôt la famille au complet ?

Fredy GOSSE

enfin un kanak qui prend les choses au sérieux.bravo

Lemec Dici

Oui c’est vrai le principe des écoutes (abusives) ne date pas d’hier.

Mais on est plus dans les années 80, on est en 2013 avec un super bond technologique ( numérique, logiciel informatique d’identification de mots, etc) ce qui va amener les choses dans une toute autre dimension.

Josy

Les écoutes ne datent pas d’aujourd’hui. Souvenez-vous de Mitterand et des écoutes de l’Elysée.

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