Le népotisme calédonien

« Le népotisme constitue la seule arme absolue contre le chômage de certains jeunes ».Philippe Bouvard

Ah! la Nouvelle-Calédonie terre de réseaux, terre de partage du pouvoir entre amis, il vaut mieux d’ailleurs resté entre soi, exclure tous ceux qui ne sont pas adhérents ou affiliés à un parti et quand on n’est dans une mouvance politique les postes sont plus faciles à obtenir, mais c’est à double tranchant puisque une fois que tu as un poste, il faut te taire, courber l’échine même si on te maltraite et surtout ne pas critiquer le pouvoir en place, car celui-ci ne voit pas d’un bon œil la critique. Tu peux toujours te cacher derrière un pseudo mais très vite, on découvre ton vrai nom. Comment ose-tu émettre des critiques à l’encontre du pouvoir, de celui qui te nourrit? Une fois ton identité découverte, elle est révélée à tous, tes écrits sont disséqués sur la place publique. On n’en a eu encore un exemple cette semaine et, encore une fois, cela a mis en évidence que le RUMP ne supporte pas la critique. Heureusement pour nous, commentateurs ou opposants à ce pouvoir sur le déclin, qu’il n’a pas la main mise sur la justice et la liberté d’expression car nous serions tous à faire les cents pas derrière les murs délabrés du Camp Est.

Sur le Caillou, la culture du clan est très forte, à l’exemple du clan du Mont-Dore. Les groupies de Pierre Frogier issues pour la plupart de la ville du sénateur calédonien, ont pour certains, des postes d’élus ou de collaborateurs alors qu’ils n’ont aucun mérite, aucune expérience et aucune compétence. Ils sont là, car ils disent amen à la parole du chef, un chef qui n’a plus de cap, qui est en perte de vitesse et qui essaie de s’accrocher aux branches. Le RUMP est l’archétype pur et dur de ce système de népotisme avec, à son sommet, Pierre Frogier. Le parti a su tisser sa toile durant toutes ces décennies, pour faire des affaires il fallait être du RUMP, sinon tu ne pouvais réussir, il fallait dire oui être un zombie, un vrai pantin, il fallait venir à tous les congrès du parti.

Si tu n’étais pas présent, le lendemain tu perdais ton poste. Au dernier congrès du RUMP, il y avait certes des adhérents, mais il ne faut pas se leurrer, la plupart était des personnes se devant de faire acte de présence, car le parti les a aidés dans leur vie quotidienne ou a aidé leurs proches d’une manière ou une autre. Comme les papes de la Renaissance, Frogier a placé sa famille et ses proches autour de lui. On ne peut avoir confiance qu’en sa famille. Sa fille, assistante parlementaire le conseille, elle est très utile à son père, elle le protège, elle est multi-fonctions et surtout elle est gracieusement payée. Quand un élu perd un poste lors des élections, le parti va lui trouver un poste de collaborateur, car certaines fonctions électorales ne sont pas assez lucratives, il faut donc lui trouver un revenu complémentaire qui rapporte beaucoup.

Quand on obtient ce type de poste, il ne faut surtout pas critiquer, sinon tu es convoqué et on te jette à la rue: Plus de beau bureau avec une belle vue sur le marché, tu deviens un paria. La réseaucratie calédonienne, c’est formidable pour obtenir quelques avantages ou encore rester le plus longtemps possible à un poste et percevoir tout ce qui va avec la fonction. Pour exemple Pierre Garcia en poste depuis huit ans à la Direction du Travail, qu’il occupe grâce aux soutiens de quelques élus, c’est le principe des vases communicants. Attention, le système de copinage n’est pas l’apanage que des loyalistes, chez les indépendantistes aussi, il existe des réseaux, dans lesquels quelques familles se partagent et se transmettent les pouvoirs.

Quels beaux exemples que sont Pidjot/wamytan. L’ancien député Pidjot a transmis la fibre politique à sa descendance, chez les Tjibaou où le fils de l’ex leader du FLNKS, dirige aujourd’hui le centre cultuel du même nom et où encore sa veuve, qui est membre du Conseil Economique Social et Environnemental depuis quelques années. Des fils de, voire des filles de, essaient de reprendre le flambeau familial telle la famille Lafleur où la politique est une affaire de famille. Henri Lafleur fut sénateur, son fils Jacques député, son neveu Henri 1er adjoint au maire de Nouméa et Isabelle, la fille de Jacques qui essaie tant bien que mal de reprendre le flambeau, mais elle peine à capitaliser des voix, et à être celle qui rassemblera la famille loyaliste.

Pour les élections provinciales de 2014, le RPC n’aura aucun élu sauf à faire liste commune avec un autre parti loyaliste. Mais la politique chez les Lafleur ne fut pas que leur seul domaine, l’activité économique du groupe familial a bien su profiter des années de gestion du vieux Lafleur. La plupart des chefs d’entreprises calédoniens qui sont à la tête des grands groupes calédoniens ne sont que des fils de, ils ont hérité des entreprises familiales, en ont, pour la plupart, dilapidé le potentiel. Ces entreprises sont pour la plupart maintenant entre les mains d’investisseurs étrangers, comme on le dit si bien : la première génération crée l’entreprise, la deuxième la développe et la troisième la détruit.

La plupart des partis calédoniens sont tous entre les mains ou traversés par des fils de, ils peuvent bien avoir le patronyme qui ait changé au cours du temps, mais si on joue au généalogiste, on constate que la plupart de nos élus ont des ancêtres qui étaient des élus tels les Sauvan, les Dalmayrac, les Porcheron pour ne citer qu’eux. Dans tous les partis politiques calédoniens les réseaux sont là, les fils de, attendent leur heure de gloire. C’est un cycle infernal où tous les leviers de la société sont entre leurs mains. Il existe, malgré cela, quelques personnes qui ont réussi, qui sont partis de rien pour bâtir de grands groupes économiques tels Dang ou Leroux ou en politique qui ont dû batailler et se jouer de ces réseaux pour construire une brillante carrière tel l’actuel député de la 2ème circonscription. On nous dit que l’école républicaine offre une chance de s’en sortir oui mais la méritocratie aujourd’hui est chose rare.

On peut se dire pourquoi trimer dur dans les études, si c’est pour voir des fils de ou des proches de certains milieux qui sont favorisés. Des boursiers compétents qui ont le potentiel et qui sont marginalisés, verbe un peu fort peut-être mais quand je vois des fils de et filles de, dont les parents ont les moyens financiers, je me demande où est la justice sociale dans tout cela? Pourquoi favoriser ces enfants de bonne famille qui ont les moyens et qui n’ont pas besoin des aides d’institutions locales pour poursuivre leurs études, d’ailleurs la plupart partent faire des stages d’anglais en Australie ou en Nouvelle-Zélande, des stages qui coûtent bonbon.

Je finirai par une citation en guise de conclusion « l’homme en bon simien, est un animal social, et ce qui prime en lui c’est le copinage, le népotisme, le piston et le commérage comme mesure intrinsèque du comportement éthique ».

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