Lettre ouverte à Gérard Jodar

Combien étaient-ils ce 15 mai à défiler dans les rues ? 10 000 ? 15 000 ? Qu’importe, ils étaient là ! Des squats comme de la brousse, du nord comme des îles, des salariés, des employés, des hommes, des femmes, des Wallisiens, des kanak, des métis, des caldoches, des zoreilles… Ce camaïeu calédonien qui nous tient tant à cœur.

C’était la petite Calédonie qui marchait sous le soleil : celle de ceux que l’on n’écoute pas, que l’on ne voit pas, à qui l’on raconte des sornettes, à qui l’on impose le silence et qui compte pour du beurre. Cette petite Calédonie qui s’inquiète des fins de mois parce que tout devient trop cher, que tout devient problème et angoisse et que rien ne change jamais.

Et vois-tu Gérard, c’est cette petite Calédonie-là, humble et obscur, que l’USTKE a balancée sans vergogne par la fenêtre, appelant ses militants pour de sordides raisons politiciennes, à ne pas manifester ni à s’associer à la grève générale ! Sont-ils donc autant nantis que cela tes anciens coreligionnaires pour qu’ils nous passent nous, les petits et les exploités, par pertes et profits ?

Tes méthodes étaient contestables et tu en as payé le prix, mais tu défendais des convictions qui, si je ne les partageais pas, étaient respectables. Ces convictions t’auraient poussé dans la rue ce 15 mai, je le sais, pour manifester à nos côtés contre cette vie chère dont on crève et qui nous pourrit la vie. Hélas mon pauvre Gérard, l’USTKE comme son bras politique, le Parti Travailliste, semble désormais avoir plus d’accointances avec le RPCR et son bras économique le MEDEF, qu’avec les salariés et les employés à 150 000 balles par mois ! Je ne sais pas ce que les LKU et les Goyetche, retireront de ce reniement… Les 30 deniers promis à Judas, peut-être. Quelle tristesse et quelle désespérance pourrait-on se dire… Quel mépris surtout à notre égard, nous qui ne méritons pas cela.

Voilà sans doute pourquoi, en dépit des fins de mois difficiles, des promesses non tenues du président du gouvernement, des espoirs toujours déçus de voir les richesses être enfin mieux partagées, nous continuons coûte que coûte à croire dans la démocratie. Elle nous offre en effet ce droit à nous exprimer qui nous est cher, et dont nous saurons user avec justesse et résolution, quand sera enfin venu ce beau mois de mai fleurant bon le changement et la fin d’un régime.

Capt’ain Cap

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