Dans le grand débat autour des causes de la vie chère et des solutions pour mettre fin à ce problème, on reparle de l’indexation, et de la désindexation.
L’indexation est souvent accusée d’être la cause originelle du problème; ce serait donc là qu’il faudrait taper, et on pose avec précipitation une logique implacable: puisque c’est l’indexation qui a fait monter les prix au niveau qu’ils ont atteint aujourd’hui, la désindexation ne peut que faire baisser ces prix et mettre fin au problème. Mais est-ce vrai ? Parce que: est-ce si simple ? L’indexation –privilège accordée aux fonctionnaires d’Etat, dont les salaires confortables feraient pâlir les salariés du privé– aurait amené la vie chère; c’est sans doute en partie vrai: si les prix sont si élevés en rayon, c’est parce que les grossistes, importateurs, et tenants locaux de la grande distribution ont flairé le pognon à se faire et ont décidé de se gaver sans modération ( D’ailleurs, toutes les enseignes métropolitaines veulent s’installer en Nouvelle-Calédonie pour profiter de la poule aux oeufs d’or made in France ). Il y aurait donc quelque chose qui s’apparente à un rapport économique mécanique entre indexation et vie chère. Ce qui laisserait à juste titre penser que la désindexation serait la solution facile, efficace et juste (socialement) pour automatiquement faire baisser les prix et faire disparaitre comme par magie le problème de la vie chère, …très chère.
Si on s’en tient strictement à la théorie économique, ce doit être vrai; la baisse de la masse monétaire engendrée par la désindexation ne peut que faire baisser la consommation, et devant cette perte de pouvoir d’achat les prix ne pourront que être baissés afin de vendre, d’écouler les biens importés. Un ajustement automatique pour offrir des prix abordables aux consommateurs, une stratégie d’adaptation forcée de la grande distribution. C’est le point de vue que j’ai défendu dans le passé. Mais aujourd’hui je doute: est-ce vrai ? Comment peut-on en être toujours sûr si on inclus dans l’équation quelques facteurs spécifiques au pays ? La logique de la désindexation qui ferait forcément baisser les prix est-elle imparable ? Probablement non. Pourquoi ? D’abord parce que la question de fond sous-jacente à la problématique est: les consommateurs au salaire indexé sont-ils les seuls gens de ce pays à arpenter les rayons de Carrefour, Casino et Cie pour y dépenser leur salaire ? Et bien sûr, la réponse est : NON ! Première faille dans la logique : les consommateurs non-indexés de notre classe très moyenne consomment aussi. Et démographiquement parlant, ces consommateurs sont sans doute plus nombreux que les 3000 ou 4000 indexés; quand vous parcourez les rayons de Carrefour, ce sont les gens du pays, d’origine sociale modeste, d’origines ethniques variées que vous voyez en plus grand nombre, pas des paquets de métro-fonctionnaires indexés par centaines.
Le constat est là; les salaires plus modestes de ces nombreux Calédoniens de toutes ethnies ne les empêchent pas d’être eux aussi de joyeux consommateurs qui dépensent, enrichissent la boîte et le business (et d’ailleurs, j’en prendrais pour preuve que la forte consommation d’alcool, triste réalité, confirme cette thèse). Le consommateur calédonien désindexé consomme autant et aussi joyeusement que les autres. Alors si cette catégorie de consommateurs nombreux fait partie du circuit et le fait fonctionner, il n’y pas a de raisons pour que les désindexés “ne tiennent pas” au choc, cessent de consommer et dérèglent la machine en leur faveur quand ils sont sans doute déjà moins nombreux. Ainsi, croire que nos importateurs grossistes et grandes surfaces auront la philanthropie de baisser leurs prix pour quelques 3000 fonctionnaires désindexés et “nouveaux pauvres” parmi plusieurs dizaines de milliers de salariés jamais indexés qui ont toujours acheté chez eux, n’est pas une thèse solidement fondée.
Je doute d’une baisse mécanique et forcée des prix pour une deuxième raison. Pourquoi ? Parce que ces importateurs, distributeurs, grandes familles locales qui tiennent les affaires aiment trop le fric et n’en auront jamais assez. Mais cette réponse teintée d’inimitié est trop simple et ne suffit pas. Croire que désindexer ferait de facto disparaître la vie chère, c’est ne pas tout voir dans l’équation, c’est passer à côté d’une partie du problème: en effet, puisque la consommation des nouveaux désindexés ne devrait pas beaucoup varier, cela ne les empêchera pas de continuer leurs pratiques mafieuses des marges faites à l’extérieur par exemple, pratique qui n’a jamais empêché les ménages calédoniens non-indexés de venir faire leurs achats. La désindexation ne fera pas donc disparaitre ce facteur précis –et d’autres comme les taxations douanières, etc– car, du fait de la consommation des ménages aux salaires non indexés, on peut déduire qu’elle n’en est liée par aucun rapport direct de cause à effet mécanique.
Ce problème des pratiques de marges abusives ( et extérieures) a sa solution ailleurs, au niveau du politique, ou plutôt de la volonté politique. De ce fait, vouloir la désindexation sous prétexte que ce sera faire disparaître la “vraie” cause de la vie chère expliquée ci-dessus, c’est un peu vite vanter la solution simple, facile sans apporter de démonstration de la preuve de son efficacité à venir. C’est faire passer au second plan –peut-être pour masquer habilement son absence de volonté, de sincérité — la nécessité de prendre les vraies mesures courageuses pour lutter contre ces pratiques qui sont propres aux affaires, et ainsi assainir l’économie de ce pays . Et au final, c’est faire des indexés des boucs-émissaires aux yeux du reste de la population et détourner le regard des vrais coupables d’aujourd’hui. Sans oublier que la désindexation n’est pas une décision du ressort local. Par contre, les autres décisions à prendre, oui. . Et on les attend…
Je ne suis pas contre le principe de la désindexation, car elle va dans le sens d’une certaine justesse sociale ( et non pas “justice sociale”, terme que je n’aime pas, et les indexés ne sont pas des “coupables”) et justesse économique, mais celle-ci nous amènera forcément vers un abaissement du niveau de vie, qui, si il aura des côtés désagréables pour les enfants gâtés que nous sommes, aura aussi à terme ses apports positifs — plus nombreux et plus bénéfiques– pour l’économie du pays, dont les habitants retrouveront le sens des réalités. D’ailleurs, le gouvernement français qui semble ne pas s’intéresser à cette faire et laisse les Calédoniens se débrouiller entre eux fait à mon avis une grosse erreur de calcul: il aurait tout intérêt d’agir de manière forte pour mettre fin aux pratiques qui sont la cause directe la vie chère afin par la suite de pouvoir faire passer plus facilement la désindexation et ainsi amortir le choc social qui s’en suivra forcément. Car quelque soit l’avenir politique de la Nouvelle-Calédonie, et vu la situation financière de la France, l’un ou l’autre –ou les deux– fera que la désindexation arrivera forcément… tôt ou tard.
Si la désindexation arrive un jour alors que les autres facteurs économiques entretenant la vie chère aujourd’hui restent en place, et ne sont pas combattus ardemment et éliminés par nos politiques, alors rien n’aura changé, le problème restera entier. Ne donnons donc pas d’office au remède tant préconisé les vertus curatives qu’il n’a sans doute pas; la désindexation n’est pas une fin en soi.
Et puis marre aussi de l’égoïsme du type : “oui, mais moi, mon salaire passerait de 400 000 à 300 000. oulala !”
Et l’intérêt général, alors !?
Bien sur, une éventuelle réduction de l’indexation n’est pas une suppression, et doit être graduelle ET ACCOMPAGNEE D’UNE REFORME GLOBALE DE L’ECONOMIE ET LA FISCALITE.
Bravo à Mister Eric pour la popularité de cet article. Comme quoi quand on est un tantinet pertinent, ca devient très vite intéressant…
Tu oublies les chères bouteilles d’alcool, les sodas.
complément de réflexion : demandes-toi si ceux qui passent leur fric à tuner leur voiture sont des fonctionnaires indexés.
Hem, tu n’as pas répondu à ma question.
Combien tu touches actuellement.
Disons 200000, demain on te dit on baisse ton salaire a 150000.
Tu serais d’accord ?
J’ajouterais que les fonctionnaires d’Etat, rémunérés donc par le contribuable métro et pas calédonien, payent leurs impôts (et ils en payent, eux) à la Nouvelle-Calédonie…Tout bénéf! A méditer…
Et ils utilisent le fruit de leurs impôts non ? Leurs quartiers ont même les routes en meilleur état … Rien d’anormal ici.
exactement ! d’où le mythe de la Calédonie “pays riche”
Salaires versés par la France, qui n’en a plus les moyens, car ces salaires sont versés à crédit suite à des prêts qui lui sont accordés tous les mois venant des pays du Golfe ou du Sud Est asiatique.
Il y a des intervenants trop fiers d’eux qui ne comprennent pas grand-chose dans ce débat ( et en plus ils pensent que les autres sont des crétins, c’est burlesque)
Pas tout à fait…
Une grande partie des fonctionnaires territoriaux sont payés par l’Etat. En effet, au moins les enseignants (pour les autres je ne sais pas) sont payés par la Frônce ainsi que les enseignants du privé qui ne sont pas fonctionnaires. Les transferts de compétence ont garanti cela tant que la Nouvelle-Calédonie ne demande pas aute chose. ça fait un sacré bien au budget Calédonien qui en effet aurait du mal à supporter une telle charge seul.
Hem,
Pas tout a fait, si on parle des profs du public, ce sont bien des fonctionnaires d’état mis a disposition gratuitement a la NC
Bien vu pour les “fonctionnaires incompétents qui font eu aussi de la politique pour garder sa place, plaire pour grimper”.