Lorsque l’intersyndicale obtint la création d’une commission spéciale dédiée à ses œuvres au congrès en septembre 2011, et gagna en plus le droit d’y siéger sans les organisations patronales, elle vit s’ouvrir devant elle un champ immense. Si immense qu’elle accepta de s’amputer d’un membre pour échanger l’absence de manifestation lors de la visite présidentielle contre la mise en place de l’instance tant souhaitée. La CSTNC manifesta donc seule, le lendemain de l’accord du gouvernement sur le sujet.
Cette commission, c’était la garantie d’un accès direct aux élus et au pouvoir législatif de l’institution. Virtuellement la possibilité de décliner tous les grands principes du préambule aux accords économiques et sociaux et de les transformer en réalités tangibles.
Virtuellement seulement, parce que les accords économiques et sociaux signés le 12 juin 2012 comportent finalement près de 70 demandes de mesures. Certaines assez légères à réaliser, comme « Créer un conseil du dialogue et de l’analyse économique », d’autres plus complexes, comme « Rénover le droit des assurances ». Et parmi toutes ces mesures, certaines ne portent pas d’objectif précis que l’on puisse aisément considérer comme atteint (« Etudier le développement de nouvelles branches agroalimentaires et d’énergies renouvelables ») et d’autres sont incompréhensibles pour des non-initiés (« Mettre en œuvre le principe de territorialité de l’impôt »).
Virtuellement aussi parce qu’un accord, ce n’est pas une loi. Qui sait précisément combien de lois du pays, combien de délibérations, combien d’arrêtés sont nécessaires pour traiter tous les points des accords ? Ni les syndicats, ni le gouvernement, ni les membres du Congrès. Et personne ne peut leur en vouloir, le champ est tellement vaste ! Ils couvrent tous les sujets, ces accords : logement, transport, fiscalité, banque, assurance, agriculture, industrie, mine, énergie, emploi, foncier, rééquilibrage, protection sociale… Ils passent des mesures spécifiques aux mesures générales en l’espace d’un saut de ligne, et inventorient au final tout ce qu’il faudrait atteindre pour se donner l’impression que l’on a réglé tout ce qui nous désole, nous insupporte, nous contrarie en Nouvelle Calédonie. Finalement, ils ont le défaut de leur qualité : une ambition et un travail de prospective gigantesques, mais une concrétisation très lourde à gérer même si le climat politique était meilleur.
Et dans la pratique, qu’il s’agisse de la portée inédite de ce document qui couvre toute l’économie calédonienne, de mauvaise volonté des élus comme les syndicats le disent ou, plus vraisemblablement, de climat politique peu propice, peu de demandes ont été traduites en textes et votées. J’en compte rapidement une dizaine. Sauf mauvaise information, si on ajoute celles qui sont activement discutées et travaillées, et qui pourraient être mises en place ‘rapidement’, on devrait pouvoir porter le total à une grosse quinzaine. Donc, en ayant l’arrondi favorable, le taux d’avancement serait de l’ordre de 25%. Si on enlevait les points mineurs comme les demandes « d’études » ou de « bilan », le taux d’avancement passerait par exemple à 30%. Le calcul est grossier puisqu’il ne prend pas en compte l’importance relative des points déjà traités ou non, mais c’est une première approche.
Pour autant, est-ce le vrai sujet de fond de la grève générale lancée par les syndicats ? Depuis des mois, leur discours portait sur les faibles avancées des travaux. Mais depuis peu, leur demande s’est faite plus simple, et revient aux origines de la problématique. En synthétisant, c’est « les prix doivent baisser ».
Revenons alors aux accords. En quoi le fait « d’activer le fonds de garantie des terres coutumières » (point 3.1.4 des accords), va-t-il faire baisser les prix ? Même question pour le fait de « Créer un observatoire du rééquilibrage dans l’emploi » (point 6.1.1). Même question pour beaucoup de mesures en fait, qui portent des idées intéressantes, mais dépassent le cadre d’une stricte baisse des prix. Dès lors, à partir de quel taux d’avancement les syndicats pourraient-ils se déclarer satisfaits ?
Autre point remarquable sur la logique de la baisse des prix : en quoi la « Réforme fiscale », qui, en langage syndical, veut dire « faire payer plus d’impôts aux riches », va-t-elle faire baisser les prix ? Les riches vont payer plus d’impôts, et alors ? Comment cela va-t-il faire baisser le prix du kilo de riz et de la bouteille de soyo ? Exemple typique du syndrome de l’exaspération, qui implique qu’on considère un problème à moitié réglé si on coupe la tête du porteur de la mauvaise nouvelle.
On comprend alors que la complexité des accords, la multiplicité des niveaux d’intervention nécessaires pour traiter les points qui y sont évoqués, et leur champ beaucoup plus large que le strict sujet du niveau des prix portaient en germe à la fois les difficultés de leur mise en place et l’absence de ressenti de leurs effets sur la vie chère. Ajoutez à cela un climat politique dans lequel les majorités nécessaires sont absentes des institutions, et vous obtenez… une grève générale.
Les leaders syndicaux, particulièrement impliqués dans ce débat et dans le travail auquel il donne lieu, ne peuvent ignorer ces constats. Même avec une commission spéciale au Congrès, et même avec un accès très facilité au gouvernement, certaines réalités pèsent de plus en plus sur la logique de leur mouvement. Les adhérents des syndicats et la population au sens large, moins impliqués dans le dialogue avec les institutions, doivent pourtant commencer à se poser aussi des questions : les mesures votées ont-elles un effet sur les prix ? Les mesures encore à voter pourront-elles avoir un effet sur les prix ? Une grève générale, avec tout ce qu’elle comporte de stress, d’embouteillages, de difficultés d’approvisionnement, d’examens annulés, de repas scolaires manquants, d’avions cloués au sol, de fermetures d’usines, est-elle nécessaire ? Quelle baisse des prix peut-elle permettre d’obtenir ?
Finalement, est-il encore temps de demander à réformer toute la Nouvelle Calédonie, ou le temps de s’attaquer directement, de la manière la plus simple et la plus directe possible aux seules mesures à l’effet rapide et tangible est-il venu ?
Première réduction due aux nouveaux accords économiques : 80% de mesures en moins. Les 70 mesures des accords de juin 2012 sont apparemment devenues… 14 mesures, soit une belle réduction effective de 80%. Si c’est pas de la ristourne ça !
En effet, pas une mesure dans ces accords entre syndicats et politiques qui puisse d’un coup de baguette magique le problème des prix…
En même temps la raison est assez simple, c’est que justement c’est pas simple…
Et le pire c’est de faire croire aux gens qu’en réduisant ou même en supprimant ces taxes les prix pourraient baisser ???
Mais on a dû oublier de leur dire que sans taxes le Territoire n’a pas de fric… Et qui dit pas de fric dit pas routes pas d’école, etc…
Si il y a moins de fric qui rentre dans les caisses du territoire, il y a beaucoup d’économies à réaliser avant de sacrifier les routes, les écoles etc…
… bon résumé de l’historique de la situation !
Question : A peine sortis de la colonie, avons-nous, en Calédonie, des gens assez volontaires et suffisamment compétents pour résoudre cette situation ???…
… subsidiaire ; Comment éviter que, dans 10 ans, des multinationales asiatiques ne viennent gérer nos collines, notre pêche hauturière, notre import-export et nos banques ???… (Voir ailleurs ds le Pacifique !)