Cher Simon Loueckhote

Cher Simon Loueckhote,

L’élection à la présidence des institutions, dans notre pays, c’est un peu comme les grandes marées. Une fois la période arrivée, les vieux experts de la mer arpentent le littoral en attendant le moment propice pour effectuer leur pêche miraculeuse. Vous êtes dans le domaine politique, Monsieur le sénateur honoraire, le meilleur de ces arpenteurs. Car le mandat de Gérard Poadja touche à sa fin. Le congrès va élire son président dans quelques jours, le temps de la récolte est donc venu. Et puisqu’elle est à prendre, vous êtes candidat à cette présidence.

J’ai entendu votre intervention sur RRB et vos échanges énamourés avec sa rédactrice en chef. Je vous ai vu également aux côtés de Pierre Frogier lors de votre conférence de presse. Vous nous disiez plusieurs choses. Premièrement que vous ne vouliez pas d’un président indépendantiste à la tête du Boulevard Vauban. Ça tombe bien puisque, normalement, votre électorat et la majorité des Calédoniens sont d’accord sur ce point. Ensuite, vous nous disiez qu’il fallait que les mouvements non-indépendantistes se réunissent pour éviter une double candidature – qui serait suicidaire. Comme auparavant vous nous disiez que vous étiez candidat et qu’on sait depuis deux semaines que Gérard Poadja l’est lui aussi, par une extraordinaire capacité de déduction les Calédoniens en ont déduit que vous vouliez qu’il se retire à votre profit. Mais ils n’ont en revanche pas trop saisi la raison.

Vos arguments sont en effet ou étranges ou grotesques. Au choix. Vous nous dites par exemple avoir 2 élus sur 54. Ce qui n’est pas rien. Ça fait 1+1. Ce qui est quelque chose. Le président du gouvernement aussi a deux élus au congrès, comme quoi ça mène à tout d’avoir deux élus. Mais à regarder comme ça, Gérard Poadja, lui, en a six fois plus que vous. Est-ce pour autant suffisant ? Non. Vous voyez bien que l’argument comptable ne tient pas vraiment.

Pour le reste vous donnez l’impression de gesticuler. On aurait même tendance à dire « pigner ». Vous accusez Calédonie Ensemble de « jusqu’au boutisme » en reprenant à votre compte cette méthode. Vous dites que Poadja présente un mauvais bilan (sans jamais nous dire en quoi il est mauvais). Vous nous dites regretter de ne pas avoir été élu à la tête d’une commission il y a quelques semaines (faut pas faire de chagrin Monsieur Loueckhote, ce sont des choses qui arrivent) Vous nous dites aussi que votre candidature est là pour concrétiser la démarche de la plate-forme bidon voulue par Pierre Frogier. Etc…

Allons Monsieur Loueckhote. Tout ça n’est pas très sérieux. Vous êtes candidat et, par conséquent, Roch Wamytan est déjà élu. C’est fait. Ça a déjà été décidé et par d’autres que vous. Car le RUMP ne votera jamais pour le candidat de Calédonie Ensemble. Ils n’en veulent plus. Ils veulent le dégager. Ce sera donc Wamytan puisque Poadja gêne. Vous êtes l’instrument de Frogier, de Ligeard et de Martin. Ce n’est pas très glorieux et vous le savez parfaitement, comme vos récentes colères sur les réseaux sociaux le démontrent.

Ce qui me fait m’interroger, en fait, c’est votre avenir. Mais qu’allez-vous bien pouvoir devenir Monsieur Loueckhote ? Vous n’aviez qu’un seul et unique mérite, que l’on respecte à sa juste valeur, c’est d’avoir toujours lutté pour une Calédonie Française. Malgré vos pérégrinations bigarrées et les retournements stratégico-electoraux de ces 20 dernières années, c’était là votre colonne vertébrale. La seule du reste : “pas de cadeau aux indépendantistes”. Vous aviez même réussi, aidé par le sort, à ne pas prendre parti lors du vote du congrès sur la levée du drapeau du FLNKS car vous siégiez à l’époque au gouvernement.

Et patatras. Vous voilà aujourd’hui, vingt ans plus tard, à servir la soupe au FLNKS en permettant à l’admirateur en chef de Bainimarama de réoccuper le siège de président de la première institution du pays.

Mais avez-vous comme moi pris la température de l’opinion ? Un homme politique avec votre expérience a forcément senti ce qu’il en était. Vous avez lu les réactions sur Internet. Vous avez du sentir les regards se poser sur vous. Vous savez qu’à part vos amis proches ou vos affidés, aucun calédonien ne soutient votre candidature de division. Pour la première fois Monsieur Loueckhote, je crois que vous faites dans votre camp l’unanimité contre vous, vous qui aviez toujours réussi à ne jamais cliver et à toujours passer entre les gouttes.

Alors, et l’avenir ? Que ferez-vous le 9 aout, le jour d’après ? Avec cette image écornée de membre de la coalition RUMP-UC-AE-PT ? Qui pourra bien encore voter pour vous Monsieur Loueckhote ?

Parce que c’est là la seule question qui vaille. En 2014, les manipulations, les compromis et les petits arrangements ne vous sauveront pas. Ce sera au peuple de décider. Et j’ai bien peur qu’il vous en veuille, justement, le peuple.

Qu’allez-vous donc devenir Monsieur Loueckhote ?

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