La TGA : une fausse bonne idée

Le Conseil d’État examine en ce moment un projet de loi du pays qui doit corriger tout ce qui n’allait pas dans la version de la TGA votée il y a deux ans, avant sa mise en sommeil. Ces corrections concernent les produits de première nécessité, les carburants, le gaz, le transport, les prestations de santé, les garderies d’enfants, etc. Bref, tout ce qui n’est soumis aujourd’hui à aucune des taxes que la TGA doit remplacer (TSS et taxes d’importation sauf TGI).

Ces exonérations vont limiter la casse concernant le prix de ces produits et services reconnus comme indispensables. Mais il y a un retour de bâton : il y aura alors moins de recettes dans les caisses du gouvernement. Et comme le gouvernement a des besoins importants (même si en fait il gaspille à tout va), il va prévoir un taux de TGA plus élevé : annoncée initialement à 6%, celle-ci devrait commencer à au moins 7%… Voire plus, puisqu’il y a un très gros problème sur la 1ère année, du fait que le passage des anciennes taxes à la TGA va produire un trou de 2 milliards dans les recettes.

Personnellement, je n’ai jamais compris pourquoi l’intersyndicale trouvait la TGA intéressante. J’ai bien entendu le gouvernement rabâcher que cette taxe apporterait de la « transparence », mais c’est du vent : on ne comprendra pas plus demain, avec la TGA, pourquoi un kg de bananes produit à Ouegoa et vendu à Nouméa coûte 4 fois le prix d’un kg de bananes produit en Martinique et vendu à Paris… On ne saura même pas la quantité de taxes pesant sur un produit donné, puisque seront maintenues plusieurs grosses taxes d’importation : TGI, TSPA, TCPPL, TAP, TAPP, etc.

On critique d’ailleurs le système actuel parce que les taxes d’importation sont trop élevées. Mais ça va empirer puisque des taxes qui totalisent 6% de la seule valeur d’importation (c’est-à-dire une fraction seulement du prix final) seront remplacées par une TGA de 7% portant sur la totalité de ce prix final !

Les avantages d’un passage à la TVA (c’est le nom usuel de cette taxe appelée ici TGA), je les cherche toujours… Mais les inconvénients, eux, se voient comme le nez au milieu de la figure :

D’abord c’est une taxe complexe. Tous ceux qui ont vécu ça ailleurs, en Europe ou en Australie, le savent bien : la TVA, c’est une prise de tête permanente à tous les étages de l’entreprise. Et du même coup, c’est une taxe coûteuse : il faut beaucoup plus de personnes pour tenir la comptabilité et éditer proprement devis et factures. Ce surcoût pèsera fatalement sur les prix.

Ensuite, c’est une taxe facile à frauder. Je vous en dis pas plus : vous seriez effrayés en lisant les infos que vous sort Google en tapant : « fraude à la TVA ». Les taxes d’importation remplacées étant, elles, quasi-infraudable, on se dit que la réforme va rapporter moins que prévu, et que le gouvernement risque fort d’augmenter encore le taux… C’est exactement ce qui est arrivé en Polynésie, dans les deux ans qui ont suivi la mise en place de la TVA, ainsi qu’en Nouvelle-Zélande (10% à sa création en 1986 passés à 12,5% seulement 2 ans plus tard).

A ce sujet, d’ailleurs, savez-vous pourquoi, aux USA (1ère économie mondiale !), il n’y a pas de TVA ? Eh bien c’est parce que ce pays se méfie énormément de cette taxe si facile à augmenter, car un petit changement de taux génère de grosses recettes sans occasionner de forte opposition. C’est comme çà, petit à petit, que la TVA norvégienne atteint aujourd’hui le taux record de 25 % !

Ensuite, la TVA est très loin d’être un impôt juste, parce qu’il ponctionne une part du revenu plus importante chez les pauvres que chez les riches (l’épargne que peuvent se permettre ces derniers n’étant, par définition, pas consommée, donc pas taxée). De façon générale, si l’on veut un impôt à assiette très large, il est socialement plus équitable de mettre en place un impôt sur toutes formes de revenus, de type CSG, surtout si celui-ci est progressif.

C’est d’ailleurs pour cela que politiques et syndicats ne conçoivent la TGA que comme l’un des volets d’une réforme globale de la fiscalité, nécessaire pour rééquilibrer notre système fiscal plutôt que de faire « banco » sur une taxe à la consommation. Il y a tant à faire, d’abord, sur la suppression des niches fiscales obsolètes, sur la fiscalité des activités minières, sur la taxation du capital et du patrimoine, etc.

Faire plus équitable n’est d’ailleurs pas le seul but poursuivi : il faut aussi favoriser l’économie. Or sur ce plan, la TVA a tout faux puisque, comme toute taxe sur la consommation, elle pèse sur la demande macro-économique et contribuera à créer ou prolonger une période de récession économique. Dans l’état actuel de notre économie, mieux vaut éviter…

Je garde le meilleur pour la fin : le dérapage des prix lors du passage à la TVA. Sur ce sujet, on a entendu de magnifiques discours de la part du gouvernement, selon qui les entreprises accepteront de faire des marges TTC plus faibles, car elles déduisent la TVA qu’elles ont payée à leurs fournisseurs de la TVA qu’elles reçoivent de leurs clients et doivent restituer au fisc. Une idée théorique, parfaitement contredite en pratique par l’expérience de tous les pays qui l’ont vécu !

Alors, si l’on ne créée pas la TVA, que faut-il faire à la place ? Pour moi, il faut certes conserver le principe des taxes à l’importation, parce que c’est un système qui est peu coûteux et quasi-infraudable, mais il faut le réformer en profondeur de sorte qu’il soit plus lisible et plus juste. Il faut aussi baisser les taxes d’importation dans tous les secteurs où la concurrence est vive, de sorte que l’on soit sûr de retrouver cette baisse dans le prix final. Et il faut enfin mettre la pression sur les acteurs économiques, en facilitant l’importation directe, notamment par livraison de colis via l’OPT… Mais ce n’est, comme toujours, que mon avis.

TEMPUS