Confrontée au scandale de l’affaire Prony-Pernod, Cynthia Ligeard s’est laissée aller à quelques déclarations publiques qui ne manquent pas d’étonner les experts du dossier et qui jettent le trouble. Enfumage ou incompétence ?

Alors qu’une commission provinciale d’enquête doit être constituée afin d’examiner tous les points les plus obscurs de ce dossier, Cynthia Ligeard, en première ligne sur l’affaire, n’a pas été la dernière à en réclamer la constitution. Cependant, pour l’heure, ses dernières déclarations laissent présager quelques déconvenues quant à sa ligne de défense. Ainsi, concernant les points les plus « irréguliers » du mémorandum of undestanding signé entre Vale-Eramet et l’ancien exécutif de la province Sud, l’actuelle présidente du gouvernement botte en touche de manière assez cavalière. Interrogée la semaine dernière dans les médias sur l’accord occulte passé entre la collectivité et l’industriel (dont l’un de ces points concerne la clause par laquelle l’opérateur minier imposait à la province Sud de renégocier le protocole d’accord général sur Prony-Pernod dans le cas de la création d’une redevance territoriale d’extraction minière) elle a répondu sur Océane FM :

Ça s’inscrit directement dans l’écran de fumée que j’ai dénoncé et qui vise à amuser la galerie pendant qu’on prépare autre chose, sans doute, dans le dos des Calédoniens. (Cynthia Ligeard)

L’élue du R-UMP aurait-elle la mémoire qui flanche ? En effet, l’accord resté occulte durant des mois est particulièrement clair sur ce point :

« Si, durant la période commençant à compter de la date des présentes et s’achevant à l’expiration du régime fiscal de stabilité de Vale Nouvelle-Calédonie (…), une Autorité Gouvernementale adopte une nouvelle loi ou un nouveau règlement, ou modifie une loi ou une réglementation existante relative à la fiscalité, aux obligations fiscales ou aux pratiques minières et que la nouvelle réglementation ou la réglementation telle que modifiée est applicable à Vale Nouvelle-Calédonie et entraîne ou pourrait entrainer (…) une augmentation significative de ses coûts (…), alors les parties se rencontreront et discuteront de bonne foi les termes d’une indemnisation » (lettre d’intention PS-Vale, point 6.3 (a) (i) )

Si le jargon utilisé n’est peut-être pas à la portée d’un élève de CM2, en revanche, un lecteur lambda comprend bien que cette condition obligeait la province Sud à rembourser l’industriel si, un jour, la collectivité avait la mauvaise idée de créer un nouvel impôt qui affecterait Vale-Eramet. Pour les experts du secteur, il est évident que ce point précis a donné lieu à d’âpres négociations que l’industriel a visiblement remportées, au détriment des intérêts de la province. Or, durant sa campagne, Cynthia Ligeard avait promis de « mettre en place un fonds pour les générations futures alimenté par la fiscalité et les dividendes en provenance du nickel » (Cf. page 15 du programme de Cynthia Ligeard). D’aucuns pourraient alors se demander comment promettre aux électeurs des rentrées fiscales supplémentaires issues du nickel et dans le même temps signer secrètement un accord avec les industriels qui empêche toute création de nouvelles taxes.

Un « alignement de mots » tellement difficile à comprendre

De la même manière, et interrogée sur la garantie obtenue par Vale de se voir restituer la majeure partie des sommes perçues par la province Sud, dans le cadre de l’attribution de l’exploitation Prony-Pernod, Cynthia Ligeard répond au journaliste :

Je vous apporterai volontiers des précisions si moi-même je comprenais ce qui est dit à travers cet alignement de mots. (Cynthia Ligeard)

Curieusement, l’ex-présidente de la province Sud choisit d’expliquer qu’elle ne comprend pas de quoi il s’agit. Pourtant, l’accord qu’elle avait choisi de signer le 5 avril est là aussi très clair :

« À titre de contrepartie supplémentaire à la restructuration de l’Endettement de SPMSC (…), SPMSC accepte de payer à Vale le montant total de US$ 75.000.000 (…). Ce montant (…) pourra provenir de tout versement en liquide réalisé par la Société Commune de Prony – Pernod en faveur de la province Sud et/ou ses filiales en contrepartie du transfert à la Société Commune des concessions minières de Prony & Pernod en vertu du PGA (…). Dans le cas où le montant total des paiements en liquide réalisés par la Société Commune en faveur de la province Sud et/ou ses filiales est inférieur au montant dû, Vale et SPMSC se réuniront afin de discuter de bonne foi des conditions du remboursement par SPMSC du manque à gagner de Vale » (lettre d’intention PS-Vale, point 5.1 )

Cet extrait démontre bien que les industriels, « de bonne foi », avaient obtenu le remboursement des « avances » qu’ils auraient effectué auprès de la province Sud via la SPMSC. Comment expliquer alors que Cynthia Ligeard choisisse de déclarer qu’elle « ne comprend pas » de quoi il est question alors qu’elle déclare par ailleurs avoir passé plusieurs mois à négocier cet accord ? Cherche-t-elle à protéger quelqu’un ou bien son propre avenir politique ? Quoiqu’il en soit, bientôt confrontée à un débat public et à une commission d’enquête, Cynthia Ligeard devra certainement réajuster sa stratégie et tacher d’être à la hauteur de ses anciennes fonctions, avec responsabilité, afin de s’expliquer, devant les Calédoniens, sur ces « motifs manifestes d’illégalité ».

PARTAGER
Article précédentLa terre vit à crédit
Article suivantDroit de réponse FCF à « CalédoSphère »
Officiant en free-lance pour plusieurs périodiques et médias calédoniens, cette pigiste professionnelle a rejoint l’équipe des contributeurs de Calédosphère depuis 2013 sous son nom de plume « Rita ». Spécialisée dans l’actualité quotidienne, elle se plait à y dénicher des sujets non-traités par les autres médias et à couvrir les évènements sensibles. Synthétique, réactive et parfois provocatrice elle essaie toujours d’écrire de manière claire, précise mais avant tout vivante. Son crédo : « Si ça pique, c’est un bon sujet »