Dieu, faites qu’il se taise !

À la réflexion, c’est mieux quand Pierre Frogier ne dit rien parce que lorsqu’il prend la parole, comme ce dimanche au journal télé de son ami Rosada, il fait peur. Non pas tant pour ce qu’il dit (quoique), mais surtout parce qu’il souffre à l’évidence d’un dédoublement de personnalité : il se prend pour Jacques Lafleur. Le Jacques Lafleur des Accords, de la poignée de main, mais aussi à celui de la résistance à l’État mitterrandien favorable à l’indépendance. Je crois même que Frogier en est venu à penser que Vincent Bouvier était son Pisani !

Frogier est donc entré en résistance et son vocabulaire le démontre : j’exige… je m’oppose… Je combats… mais en résistance contre qui et quoi ? L’accord de Nouméa dont il était si fier il y a peu encore, d’avoir été l’un des négociateurs et signataires ? De l’État ? Des indépendantistes ? Des autres ? Des Calédoniens ? Et puis en résistance pour quoi ? Peut-être montre-t-il les dents pour faire oublier que sans relâche depuis sa prise de possession du RPCR, les Calédoniens lui infligent des revers électoraux incontestables qui font que le voilà la tête d’un parti qui ne pèse plus que 9 élus sur 40 à la province Sud.

Frogier fait peur parce que ses erreurs de politique, de jugement et de position l’ont conduit aux confins d’une réflexion étriquée et sans âme, dont les Calédoniens ont appris à se méfier. N’oublions jamais la purge de l’indépendance à laquelle il nous conviait, pour qu’il bifurque en cours de route et voit ensuite en Charly Pidjot, son Jean-Marie Tjibaou à lui. La dernière trouvaille de Frogier est de faire croire aux Calédoniens que le danger les guette, que le péril les menace et que l’avenir est sombre… Mais ne craignez rien, braves gens, Frogier veille !

On serait tenté de se moquer ou de prendre ce qu’il dit pour des broutilles, s’il n’y avait derrière tout cela de vrais dangers. Celui de la radicalisation bien sûr, mais surtout celui qui consiste à refaire de la Nouvelle-Calédonie un enjeu de politique intérieur. À nous faire croire que Sarkozy sauvera le monde et la Calédonie, Frogier prend un risque énorme, celui d’externaliser le dossier calédonien. Or depuis 98, les responsables politiques n’ont eu de cesse de faire que la question calédonienne ne trouve de réponses qu’en Nouvelle-Calédonie et que le choix ne dépende plus que des Calédoniens. Que l’on se souvienne combien les querelles gauche-droite au sujet de la Calédonie nous ont fait tant de mal ! Frogier n’a donc pas de mémoire ou ne choisit-il dans le passé que ce qui l’intéresse ou le sert ? Or, quel que soit le locataire de l’Élysée, c’est nous qui choisiront notre avenir et notre destin.

Frogier joue avec le feu et cache mal son désir destructeur, son orgueil blessé par le rejet massif par les Calédoniens de ce qui était l’œuvre de sa vie, cette deuxième poignée de main comme il le dit lui-même, que constituaient à ses yeux les deux drapeaux. Il faut faire gaffe, Frogier nous en veut de n’avoir pas adhéré dans l’euphorie et l’enthousiasme à son idée géniale, de n’avoir pas compris que lui aussi était un grand homme, de n’avoir pas accepté de le laisser entrer dans l’histoire… Et je crains, maintenant que le Rump s’est rétréci comme peau de chagrin, qu’l nous le fasse payer.

Caton