Les inquiétantes déclarations de l’UC lui ouvrent les portes de l’Élysée

“Assassinats”, “pillage”, “manipulations”, “boycott”… Pour critiquer la France devant l’assemblée générale des Nations-Unies, l’UC a choisi son vocabulaire. Des attaques qui n’ont pas empêché François Hollande de recevoir le mouvement indépendantiste. Inquiétudes.

Prononcés la semaine dernière à New-York, les discours de Daniel Goa et de Roch Wamytan valident la théorie selon laquelle l’Union Calédonienne se radicalise à l’approche de la sortie de l’Accord de Nouméa. Alors que peu de Calédoniens ont pris connaissance du discours du président de l’UC, on retiendra de celui-ci une conception particulière de la loi organique et de la démocratie. Ainsi, selon Daniel Goa :

Des dispositions fondamentales de l’Accord de Nouméa ne sont pas respectées dues en partie à la politique de la puissance de tutelle relayée localement par les non-indépendantistes sous couvert de la démocratie et du droit (Daniel Goa)

Si l’élu de la province Nord ne rentre pas dans les détails, force est de constater qu’il semble nier la légitimité des scrutins provinciaux et les derniers résultats électoraux. Quant à l’épineux problème de la stratégie minière, alors que l’UC soutient sans faille le projet de MKM d’exporter du minerai de nickel vers le Vanuatu en y associant une firme chinoise, Daniel Goa a déclaré sur le sujet devant l’ONU :

Le pillage des ressources naturelles se poursuit au nom des intérêts de la France (Daniel Goa)

Une annonce pleine de paradoxe alors que, la semaine dernière, l’expert du secteur Didier Julienne s’interrogeait sur « les conséquences géopolitiques d’une emprise chinoise » sur le nickel calédonien et que, dans le même temps, l’Etat est incapable de présenter une « doctrine nickel » pour la Nouvelle-Calédonie.

L’Union Calédonienne en phase de régression temporelle ?

Comme à l’accoutumée, la charge la plus lourde est venue de Roch Wamytan. Dans une intervention de moins de 4 minutes, durant laquelle il a rappelé ce qu’il considérait comme les faits les plus marquants des années 80, le Grand Chef de Saint-Louis a réussi à prononcer trois fois le mot « assassinat », deux fois le terme « boycott » et une fois l’expression « manipulation politique » en pointant à chaque fois du doigt « la puissance de tutelle », les « forces de l’ordre françaises », le « Gouvernement français » ou « l’État français ». Une dialectique habituellement utilisée par le Parti Travailliste de Louis Kotra Uregei mais que l’Union Calédonienne reprend désormais à son compte.

A Nouméa, on explique cette attitude par la volonté de l’UC de peser à nouveau sur le cours des choses, malgré une perte de leadership au sein du monde indépendantiste ; son adversaire, l’UNI-Palika de Paul Néaoutyine, étant sortie renforcée des dernières élections. Et si une époque semble occuper l’esprit de Roch Wamytan, c’est bien les années 80. A cinq reprises devant la quatrième Commission de l’Assemblée Générale des Nations Unies, l’élu de l’UC a évoqué « 1984 ». Façon pour Roch Wamytan de faire l’impasse sur les trente dernières années et les accords de Matignon et de Nouméa qui ont été signés depuis ? Voire. En tous les cas, du côté des partenaires de l’Accord de Nouméa peu goutent à cette tendance à la « régression temporelle »

Hollande reçoit l’UC à « huis-clos »

Ses attaques n’ont semble-t-il pas offusqué le Gouvernement et encore moins François Hollande. Ainsi, Nouvelle-Calédonie 1ère expliquait samedi soir que, revenue de New-York, la délégation de l’Union Calédonienne avait été – comme prévu – reçue à déjeuner à l’Elysée où le conseiller Outre-mer du président et le secrétaire général-adjoint les attendaient. Alors qu’il ne s’était pas rendu au comité des signataires pour y rencontrer les délégations calédoniennes, François Hollande aurait reçu à « huis-clos » les leaders de l’UC pour un entretien dont rien n’a filtré. Philippe Blaise, élu à la province Sud et au congrès, s’en est ému ce week-end sur les réseaux sociaux :

Le Président de la République François Hollande reçoit en grande pompe l’UC alors même qu’elle boycotte le comité des signataires et va cracher sur la France à l’ONU. Finalement comme depuis toujours avec le pouvoir socialiste il ne sert à rien d’être poli. Ils ne respectent au fond que ceux qui trichent et mentent, et qui monnayent leur capacité de nuisance, plutôt que ceux qui essaient de jouer le jeu des institutions républicaines (Philippe Blaise)