Harold Martin a trébuché et si j’osai, je trouverai quelque chose de christique dans ce premier faux pas, comme la première des trois chutes sur le Chemin de croix. Plus sûrement il est annonciateur de la fin d’une époque : celle de cette antédiluvienne classe politique qui a régi la Calédonie depuis le statut Lemoine. Le 18 novembre prochain, cela fera trente ans qu’Harold est élu, une longévité laroquienne pour un descendant de Paddon, l’illustration parfaite du poids qu’ont pesé les vieilles familles calédoniennes sur la vie politique du pays. Pourtant, cet oligarque, président de région, du congrès, du gouvernement, signataire des accords, maire de Païta, n’a pas transcendé l’histoire du pays, sa contribution à l’œuvre calédonienne restera des plus limitées, mais pour autant était-ce vraiment cela qu’Harold était venu chercher dans la carrière ?

C’est cet aspect des choses qui fait que ses pairs, impressionnés sans doute par sa réputation non feinte d’ordonnateur des coups politiques et divers de Lafleur, l’ont tenu à bout de gaffe, comme si l’homme, en dépit de son parcours, n’était pas fréquentable. La marche en avant d’Harold a laissé derrière elle un sillage sulfureux, au sens luciférien du terme, qui ne s’est pas refermé sur la poupe. L’insularité ultramarine génère en politique de ces phénomènes dont on ne comprend ni comment ni pour quoi ils durent et se maintiennent. Harold est de ceux-là : dans le paysage, incrusté, habituel. Jusqu’au jour où…

En trente ans, Harold a imposé son style fait de coups de gueule, d’épaule et de gouaille et il a tenu toutc e temps au fil des courants, des majorités et des coalitions, en dépit d’une image peu ragoutante dans l’opinion publique, intriguée que les urnes ne lui soient pas plus contraires. Mais tout semble indiquer que les conditions ne soient plus aujourd’hui réunies pour que le parcours puisse encore se poursuivre très longtemps. La justice rode en effet et ses cercles réguliers et concentriques se resserrent au-dessus de la tête d’Harold. Auditions, mises en examen, procès à venir, enquête préliminaire, jusqu’au fléau de la justice administrative qui s’abat à la surprise générale de l’opinion et celle particulière d’un Harold désarçonné.

Si dans l’arène politique il n’est pas conseillé de vider les étriers, face à la société que défendent les juges, c’est encore plus redoutable or, l’invalidation des élections de Païta a fait sauter un verrou, un domino a été renversé et cela crée une situation nouvelle. Que va-t-il se passer désormais ? Bien sûr les appels, les délais, le Conseil d’État, mais ce domino tombé ne risque-t-il pas d’emporter toute la pile ? Trébucher n’est pas chuter, néanmoins l’équilibre est rompu et le retrouver demande parfois des talents d’équilibriste, du moins une vraie agilité. Harold en a-t-il encore la capacité ou la possibilité ?

La question reste en suspens même si des éléments de réponse sont apportés par les rumeurs du prétoire qui bruissent en tout genre et prétendent à de nouvelles levées de voile qui pourraient surprendre.

Caton

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Observateur attentif de la société, Caton n'est dans ses analyses ni obtus ni extrémiste. Appartenant à une génération calédonienne qui en a vu d'autres, féru d'histoire, ce contributeur tranche au scalpel d'une plume acerbe et aiguisée nos idées reçues sur la vie politique locale. Adepte du Old School, Caton transmet au blog, depuis la fin de l'année 2012, par courrier postal une contribution portant sur un thème d'actualité qui est mise en ligne chaque semaine. Cité par Elisabeth Nouar, dans une de ses chroniques, Caton est l'un des "Sept salopards du net"