Cette semaine, le Conseil d’Administration de la CAFAT doit avaliser son fameux Schéma Directeur des Systèmes d’Information. Contrairement à ce qu’a prétendu son Directeur Général, les prestations extérieures seraient déjà estimées à plus de 3 milliards de francs. Un futur clash au CA?

Pour comprendre, lire l’article : CAFAT : le casse du siècle ?

Après que Calédosphère ait révélé une partie du ténébreux dossier de la refonte des services informatiques de la CAFAT, les dirigeants de la caisse locale de protection sociale ont tenté de se justifier en interne. Ainsi, dans une lettre (que nous nous sommes procurés) datée du 28 aout et adressée à ses collaborateurs, Philippe Ouamba, le Directeur Général de la CAFAT précise qu’il était au courant des suspicions de liens étroits existants entre ACADYS, la société d’audit et de conseil de la caisse, et Easy It Project, la société ayant obtenu le marché de plusieurs milliards :

Parmi les candidats [de l’appel d’offre], le bureau du Conseil d’administration a sélectionné deux prestataires locaux dont Easy It Projects (…) J’ai par la suite été informé d’une possibilité de liens entre Easy It Projects et ACADYS, l’un de nos prestataires dans le domaine informatique (Philippe Ouamba)

Pour autant, malgré le fait que le président d’ACADYS ait été impliqué à la fois dans l’audit et l’élaboration du schéma directeur et aussi dans la création de la société-mère du prestataire basée à Dubaï (notamment à travers la création de leur site internet), le Directeur Général de l’organisme a balayé d’un revers de main toute anomalie dans le choix de ce prestataire :

J’ai fait conduire une enquête sur ce point qui a conclu à l’absence d’anomalie susceptible d’entraîner la remise en cause de l’accord-cadre (Philippe Ouamba)

Cependant, selon nos informations, aucun élément de cette « enquête » n’aurait pour l’heure été communiqué aux responsables de la CAFAT, ni même à son Conseil d’Administration. Reste donc aux employés de la caisse et aux Calédoniens à le croire sur parole malgré les preuves avancées par Calédosphère…

Les chiffres avancés par la CAFAT sont erronés

Afin de répondre à la polémique entourant ce dossier, Philippe Ouamba a ensuite taché de minimiser le budget de refonte des systèmes informatiques de la caisse. Dans sa lettre il indique :

Le coût prévisionnel de cette externalisation a été évalué à 175 millions en moyenne par an sur 8 ans, soit une enveloppe globale de 1,4 milliard ; cette estimation intègre également l’acquisition de matériels et logiciels (Philippe Ouamba)

Or, ces chiffres sont tronqués ! Preuve en est un extrait du confidentiel Schéma Directeur des Systèmes d’Information (SDSI) que nous nous sommes finalement procurés. Ainsi, en page 6 du rapport, il est indiqué que, le coût des prestations extérieures représente à lui seul 1,4 milliards de francs mais seulement pour la période 2013-2015 ! Car si ce pharamineux projet s’étale bien sur 8 ans, Philippe Ouamba fait l’impasse sur les budgets allant de 2016 à 2020. De plus, contrairement à ce qu’indique le Directeur Général, cette dépense n’englobe pas les acquisitions de logiciels sur la période (220 millions de francs) et les acquisitions de matériels (130 millions). Enfin, l’estimation globale des coûts sur les deux prochaines années est de l’ordre de 3 milliards 640 millions de francs :

cout

C’est donc deux fois plus que ce que le Directeur Général de la Cafat avait évoqué ! (une information qu’avait également défendu le Chien Bleu dans son numéro de septembre 2014 s’appuyant sur les seules déclarations de Philippe Ouamba…) Mais le budget total pourrait être bien supérieur car le SDSI s’étalonne sur 8 ans, et n’évoquant pas les coûts supportés au-delà de 2015, la refonte des systèmes informatiques de la CAFAT pourrait couter encore plus cher entre 2016 et 2020. Ce fait corrobore les informations que nous avions révélées dans notre précédent article, car selon les sources proches du dossier le budget total prévisionnel de ce marché avait été estimé en 2012 entre 8 et 12 milliards de francs…

Un Président du Conseil d’Administration sur la défensive

Dans une lettre interne, Eric Durand, nouveau président du CA de la caisse, s’en était lui pris violemment à la CGPME qui avait – après la diffusion de notre article – réclamé des explications quant au dispositif choisi et validé par la CAFAT. Le 9 septembre, il déclarait ainsi :

La CAFAT a récemment fait l’objet d’une attaque diffamatoire sur un blog local à propos de l’externalisation de certains de ses travaux de développement informatiques (…) Cet épisode malencontreux a aussitôt été exploité par la Présidente de la CGPME avec des accusations graves et lourdes (…) personne au sein du Conseil n’a contesté le bien fondé des axes du schéma directeur des systèmes d’information de la CAFAT et, en particulier, des programmes de refonte du SI Recouvrement et du SI Santé (Eric Durand, MEDEF)

Façon pour le représentant du MEDEF de rappeler qu’en avalisant le SDSI en 2012 tous les membres du conseil d’administration étaient dorénavant dans le même bateau ? Pour autant, tout laisse à penser que peu d’administrateurs et de responsables de la caisse étaient au courant des dessous de ce dossier. Qui connaissait parmi eux l’existence de la société ACADYS, de la sulfureuse S.A.S basée à Dubai et les liens qui les unissaient ? La responsabilité des membres du conseil d’administration n’est-elle pas de chercher à en savoir plus ? D’autant plus que la CAFAT fait face à de sérieuses difficultés financières et que le RUAMM accuse un déficit de plus de 6 milliards de francs… Visiblement opposé à toute remise en cause de ce vaste chantier, le président du CA a sèchement prévenu ces collègues :

Le SDSI adopté à l’unanimité en octobre 2012 (…) Faut-il le rappeler, les budgets 2013 et 2014 de la CAFAT ont été votés à l’unanimité. C’est donc une attitude irresponsable et peu crédible que de renier son vote un à deux ans plus tard (Eric Durand)

Certains jugeraient que la véritable attitude « irresponsable et peu crédible » serait plutôt de faire l’impasse sur un dossier dont les tenants et les aboutissants demeurent si opaques alors même que les Calédoniens comptent sur la CAFAT pour prendre en charges leurs prestations sociales. Deux questions restent ainsi en suspens : pourquoi Eric Durand tient-il tellement à ce projet ? Philippe Ouamba a-t-il ouvertement travesti les chiffres de son financement ? Des interrogations qui pourraient ce jeudi, créer le débat durant le conseil d’administration de la CAFAT.

Nota Bene :

Si l’un des administrateurs de la CAFAT était actionnaire d’une société, spécialisée dans la gestion des produits d’investissements, le conseil en stratégie patrimoniale et dans la gestion de trésorerie stable pour les institutionnels en Nouvelle-Calédonie (sic), il ne peut être qu’encourager – si par exemple sa société avait comme partenaires les banques Rothschild, UBS ou encore J.P Morgan – à ne pas entreprendre de partenariat commercial avec l’organisme CAFAT en gérant directement des fonds qu’elle détient.

En effet, dans le cas où sa société serait liée dans la gestion de certains fonds de la CAFAT utilisés – par exemple – pour le paiement de prestations extérieures, étant par ailleurs membre du conseil d’administration de l’organisme sus-cité, des suspicions de conflits d’intérêt pourraient malheureusement être émises à son endroit.

De plus, dans le cas où les preuves de telles allégations seraient malencontreusement communiquées à un blog ou tout autre média présent sur internet, celui-ci pourrait alors les diffuser. Naturellement, il ne s’agit là que de pures hypothèses. A suivre…?

PARTAGER
Article précédentHendo : l’Hoverboard présent sur Kickstarter !
Article suivantLe conseiller d’Hollande en Calédonie
Officiant en free-lance pour plusieurs périodiques et médias calédoniens, cette pigiste professionnelle a rejoint l’équipe des contributeurs de Calédosphère depuis 2013 sous son nom de plume « Rita ». Spécialisée dans l’actualité quotidienne, elle se plait à y dénicher des sujets non-traités par les autres médias et à couvrir les évènements sensibles. Synthétique, réactive et parfois provocatrice elle essaie toujours d’écrire de manière claire, précise mais avant tout vivante. Son crédo : « Si ça pique, c’est un bon sujet »
Trier par:   plus récents | plus anciens | plus de votes
abdul

Comment des gens peuvent ils depenser sans compter de l’argent qui ne leur appartient pas ?……1 milliard, c’est 1000 millions, soit environ  2,7 millions/jour sur 10 ans…..qu’est qui justifier une telle depense tous les jours, et PENDANT 10 ANS ????? va en falloir des cotisations …..et personne ne dit rien….

KAOS

Comme si nos entreprises locales ne pouvaient pas répondre à ce marché! ! Qui va nous faire croire ces conneries. Quitte à magouiller autant le faire avec des entreprises qui paient l’impôt sur les sociétés en Calédonie. De plus il me semble que de par son statut la CAFAT n’est pas soumise  à la réglementation des marchés publics. Notamment en termes d’appel d’offres .

Lulu

Et l’article 27 n’est pas encore transféré, ça donne une petite idée aux calédoniens de la gestion des deniers publics par ces gens sans scrupules, quand les mêmes vont mettre la main sur les fonds de pension on aura plus que le bagayou!

Inforétif

Sans parler du transfert de la communication audio-visuelle prévu
également par cet article 27 :  RFO (qui déjà cultive intensément les
marronniers pour   aborder le moins possible les sujets qui fâchent) à la botte de ces gens-là, c’est le jackpot pour les trafics en tous genres en misouk, comme on dit à la Réunion.

Alan Peter
Après les projets avortés d’investissements immobiliers hasardeux en centre ville, voici le projet informatique démesuré, au regard de son coût du moins…Il faut savoir que dans ce monde d’expert et de consultants, il y a toujours des commissions : la société qui remporte le marché sous-traite le pilotage et la réalisation des projets à des experts qui eux n’ont pas le temps de chercher des marchés, absorbés qu’ils sont par leurs missions opérationnelles. Parfois, les commissions pour ces sociétés entremetteuses sont incroyablement élevées, d’autant plus quand le pays passe pour prospère et que ses décideurs se laissent berner (alors quand… Read more »
Inforétif

On ne peut mieux dire.

LISEK

C’est juste la plus grosse magouille de l’année ! ( enfin de celles qui sortent au grand jour ) un marché de près de 10 milliards sur 10 ans qui échappe aux prestataires locaux, au profit d’une boite créé spécialement pour ce marché… boite donc les actionnaires se cachent derrière une holding à Dubai…. ( y a qui dans les actionnaires de la holding ?)

abdul

Vu la somme de la prestation, il y a forcement eu appel d’offre avec plusieurs devis , et que normalement c’est le moins disant qui a remporté le marché……normalement

Tema

Pas forcément, plus de 20 MF c’est marché de gré à gré. La seule obligation c’est d’avoir au moins plusieurs devis.

Antipodeanman2207S
” La responsabilité des membres du conseil d’administration n’est-elle pas de chercher à en savoir plus ? “.En effet, “s’être fait berner par excès de confiance”, ou n’avoir pas eu connaissance de tous les éléments, ou encore s’être trompé n’est pas honteux, mais impose à tout chef d’entreprise (et les membres dirigeants du Medef sont tous à priori de schefs d’entreprises)  de prendre en conséquence les décisions qui s’imposent, à savoir procéder à un examen minutieux et approfondi des éléments du dossier, avant de statuer. La direction du Medef (à la majorité) serait bien avisé (sa crédibilité en dépend) d’exiger de ses représentants au C.A de… Read more »
Tema

On parle de qui dans le nota bene ?

abdul

Ca fait un peu cher pour de l’informatique qui sera obsolete au bout de 5 ans….,

Mouton Noir

Ce n’est pas le matériel qui est cher, c’est la prestation pour la conception, déploiement de la solution. C’est cher, mais on ne peut pas résonner en valeur absolue. Il faut résonner en ROI. Malgré tout c’est assez louche tout ça…

Floyd

Un administrateur de la CAFAT demandant des explications au sujet de la SDSI.* (cliquez sur l’image)

wpDiscuz