Gouvernement: pourquoi le RUMP lâche Ligeard

Opposé à la mise en place de réformes fiscales taxant les entreprises, Pierre Frogier aurait décidé de ne pas les faire voter par les élus RUMP du congrès. Le CGS est menacé et Cynthia Ligeard voit sa position à la tête du gouvernement fragilisée. Game Over ?

A l’origine, le Contrat de Gouvernance Solidaire avait été mis en place entre les trois formations non-indépendantistes afin de stabiliser les institutions, préparer la sortie de l’accord de Nouméa mais aussi pour réformer la Nouvelle-Calédonie. Financièrement en grandes difficultés, les caisses du territoire ont aujourd’hui besoin de nouvelles ressources et les contribuables et les entreprises ont donc été appelés à la rescousse pour, nous dit-on, « sauver les régimes sociaux » car dix milliards manquent à l’appel. Si la création de la Contribution Calédonienne de Solidarité touchant tous les salariés a bien été validée par Calédonie ensemble, l’Union pour une Calédonie dans la France et le Rassemblement-UMP, ce dernier se refuserait maintenant à voter en l’état l’augmentation de l’IRVM. Selon le RUMP, il ne faudrait pas toucher à cet impôt taxant les dividendes des entreprises car cela « aggraverait dangereusement la situation économique de la Calédonie ».

Calédonie ensemble et l’UCF vent debout

C’est ainsi que mardi dernier, lors de la traditionnelle réunion du CGS, Didier Leroux s’est invité pour, au nom du FPU-RUMP, plaidé sa cause (et celle de ses nombreuses sociétés) arguant qu’il était « irresponsable » de taxer les dividendes des entreprises et surtout de taxer davantage les transferts de capitaux des sociétés basées à l’étranger (Didier Leroux en aurait quelques unes au Vanuatu…). Grégoire Bernut aurait donc annoncé que le RUMP ne voterait pas les textes en l’état. Du côté des deux autres partenaires du CSG, ce positionnement a été ressenti comme une preuve d’irresponsabilité et surtout comme une remise en cause totale du contrat signé il y a à peine six mois par le mouvement de Pierre Frogier. Dans une conférence de presse, Calédonie ensemble a, ce matin, mis en garde les élus du RUMP et déclaré que s’ils ne votaient pas les réformes validées lors de la conférence économique et sociale « Calédonie Ensemble en tirera les conséquences ». Façon de dire que le mouvement de Philippe Gomes était prêt à faire tomber le gouvernement. C’est ainsi qu’en off, l’un des proches du parti expliquait ce matin:

L’objectif du CGS c’était pas de partager des postes et de se la couler douce (…) Non seulement la coalition RUMP-UC a laissé le pays en situation de cessation de paiement mais en plus elle refuse maintenant de nettoyer sa propre m*****

Les textes étant étudiés lundi prochain par le congrès, le RUMP a jusque là pour faire connaitre sa position. D’ores et déjà, et même si le CGS est menacé et avec lui la position de Cynthia Ligeard à la tête du gouvernement, l’un de ses élus a déclaré ce matin « (Sur l’IRVM) On est en plein débat (…) les équilibres qui avaient été trouvés, ils ne sont plus respectés à l’heure qu’il est (Grégoire Bernut) ». Pas vraiment de quoi rassurer l’UCF et Calédonie ensemble.

Le gouvernement de Ligeard sur la sellette

Avec seulement 8 élus sur 54 au congrès, le Rassemblement-UMP n’a plus aujourd’hui l’assise et les moyens politiques pour affronter ses « partenaires » non-indépendantistes qui ont – à eux deux – trois fois plus d’élus que lui. D’autant plus que le gouvernement, seule institution d’importance encore aux mains du RUMP, peut facilement tomber sachant qu’il suffit que tous les ministres issus d’une même liste démissionnent pour qu’ait lieu une nouvelle élection. Une réalité que Cynthia Ligeard connait parfaitement. Raison pour laquelle l’actuelle présidente du gouvernement chercherait par tous les moyens à convaincre Pierre Frogier de bien faire voter les textes validés en aout par le CGS. Son poste et sa présidence étant en jeu.

Cependant, du côté des proches du sénateur, un responsable avouerait ne pas vouloir « jouer le jeu de Gomes » arguant que le CGS ne mène à rien et que le RUMP aurait plus à gagner en s’opposant à la politique mise en oeuvre en attendant 2017 et le retour hypothétique de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Sans oublier que de nombreux chefs de grandes entreprises réputés proches du RUMP moulinent depuis plusieurs semaines pour empêcher l’augmentation de la taxation des dividendes. Autant dire que par rapport à de tels lobbys, celui de Cynthia Ligeard et de son équipe fait pâle figure. Entourée dans son cabinet par une cohorte de proches qui n’ont jamais caché leur distance vis-à-vis de Pierre Frogier, le clan du Mont-Dore verrait selon certains d’un bon oeil le départ du gouvernement de ceux qu’ils surnomment parfois « les parvenus de la politique ». Et puis, comme le pronostiquait déjà une fine observatrice de la vie politique locale il y a quelques semaines:

Qui va se battre pour sauver le gouvernement de Ligeard, de Lecren et de Tyuienon?