Un visiteur du site a osé poser une question au service météorologique du caillou à propos de la fiabilité de leurs prévisions passées et à venir… la réponse ne s’est pas faite attendre, je vous la retranscris ci-dessous, à vous de me dire si vous les trouvez un poil susceptible ? Moi, personnellement je dis OUI, par contre je les félicite pour la pertinence de leur réponse ma foi très complète….
Au départ, une question: “Bonjour, Pourriez vous indiquer un pourcentage de reussite de vos previsions passees, et un indice de confiance sur les previsions avenir. Cordialement
A l’arrivée, une réponse: Votre réclamation a attiré toute mon attention car vous posez des question (courtes) très pertinentes. Voici une (longue) réponse qui je l’espère éclairera votre lanterne.
La prévision météorologique est le résultat d’un processus complexe qui nous amène à choisir le scénario le plus probable de l’évolution de l’atmosphère et décliner ensuite ce scénario sur divers produits destinés à divers utilisateurs : l’usager du lagon n’a pas le même besoin que le pilote de ligne ou l’exploitant minier et ainsi la perception de la qualité de la prévision n’est pas la même selon l’usage qu’on en fait à un moment donné. La perception du temps sensible (représenté par les petites icônes qu’on trouve sur notre site comme les autres) est différente selon les personnes : d’aucuns vont considérer qu’une petite averse dans la journée (surtout dans un flux d’alizé constant toute la journée) n’est pas un signe de mauvais temps et d’autres oui (parce qu’ils étaient sous l’averse au mauvais moment alors que 1km plus loin on n’a rien vu !). Qui a raison ?
Ainsi, il n’y a pas de “mesure universelle de la réussite” car chaque usager a un champ d’appréciation différent des autres et accepte plus ou moins les marges d’erreur selon ses propres critères – qui sont eux-même variables.
L’erreur est intrinsèquement inévitable car la prévision exacte et parfaite n’existe pas et n’existera jamais : en effet le processus même de fabrication d’une prévision commence par une incertitude – celle qui décrit l’état initial de l’atmosphère à une heure donnée (généralement 0H UTC et 12 H UTC – temps universel qu’on appelait GMT) pour ensuite appliquer les équations physiques et thermodynamiques qu’on implémente dans des modèles numériques qui en fin de compte simulent l’évolution de l’atmosphère – tout cela se projette sur une grille en 3 D du globe (ou d’un domaine plus limité) et tourne sur des supercalculateurs dans certains pays du monde (il y en a un à Météo France Toulouse). Plus la grille est serrée, plus la “résolution” du modèle est précise (comme le nombre de pixels sur une photo) mais plus c’est gourmand en ressources informatiques (et je vous fais grâce des limites de l’art qui font qu’au delà d’une certaine résolution, certaines hypothèses ne sont plus valables).
L’état initial est donc faux puisque nous (le nous veut dire la communauté météorologique mondiale qui partage toutes ses données) ne disposons pas d’une densité de points de mesure suffisante pour pouvoir décrire et repérer tout ce qui se passe au sol comme en altitude à une résolution aussi fine que 1 km par exemple. Les satellites nous fournissent de précieux renseignements qui sont de plus en plus précis mais beaucoup de choses passent au travers des “mailles” de la résolution (la précision spatiale) des radiomètres embarqués à bord. Ensuite la simulation n’est qu’une simulation du comportement d’un ensemble de fluides (atmosphère et océan) qui par nature ont un comportement chaotique.
Bref, une prévision est stricto sensu toujours fausse et le job du prévisionniste est d’apprécier cette erreur, de “corriger le tir” en fonction de la situation comme elle se déroule dans les faits sur sa zone géographique de responsabilité (un phénomène en retard ou en avance ou décalé d’une centaine de km ce qui à l’échelle du globe n’est rien mais à l’échelle de la Calédonie est énorme).
De nombreux sites se contentent d’afficher les données brutes sorties de ces modèles de prévision sans qu’il n’y ait un expertise supplémentaire apportée par un spécialiste. Ils se gardent bien de le dire bien sur…
Ce qui compte en fait est le degré d’acceptation des erreurs par l’usager.
Un service météo fait donc un compromis entre le cout (forcément élevé puisque c’est l’argent du contribuable) et le bénéfice (en termes de bénéfice sociétal) et il est amené à privilégier certains domaines d’application dont le principal est la prévention des risques (la sécurité des personnes et des biens) Avec qui travaille le Haut Commissaire de Polynésie Française quant il s’agit de passer en alerte rouge cyclonique? Il y a aussi l’aviation civile, le transport en général (et notamment routier en hiver en métropole, pas ici bien sur), l’énergie, l’agriculture et plein d’autres.
Pour revenir à la question de la mesure de la qualité “intrinsèque”, en interne nous disposons d’une batterie d’outils qui comparent ce qui a été prévu par rapport à ce qui a été mesuré (là aussi on peut avoir un débat sur la qualité de la mesure mais je n’ai pas le temps…) et on arrive à des scores, des indicateurs composites, des tableaux de contingence que seuls les spécialistes peuvent utiliser pour justement repérer les points faibles et les opportunités d’amélioration. Exploiter “l’Erreur Quadratique Moyenne de la prévision de géopotentiel à 500hpa” qui est l’indicateur le souvent utilisé pour mesurer la performance des modèles numériques en altitude est un travail de spécialiste.
Concrètement, en Nouvelle Calédonie on travaille plus avec des outils statistiques relativement simples à mettre en oeuvre : le prévisionniste du jour J pondère les paramètres prévus la veille en fonction de leur appartenance à une classe de valeurs plus ou moins éloignée de la mesure réellement effectuée (un peu comme le calcul d’un barycentre en géométrie) et avec l’incertitude de l’appréciation du temps sensible (cf. supra) par rapport à son collègue qui a travaillé la veille. Le temps sensible ne se mesure pas par un appareil mais relève plutôt d’une appréciation d’ensemble faite par une personne …
Les mesures d’amélioration sont de tous ordre : recherche fondamentale, recherche appliquée et développements, augmentation des capacités de traitement de données et de calcul scientifique, amélioration d’outils de production, systèmes d’observation et de mesure, formation professionnelle, etc… elles coûtent cher bien sûr et ne s’implémentent pas uniformément ni à la même vitesse.
Entre des travaux de recherche fondamentale et la mise en opérationnel il peut se passer 10 ans. C’est notamment la durée de gestation du nouveau modèle à maille très fine AROME qui tourne maintenant sur la métropole (sur le supercalculateur de Météo France à Toulouse) et qui a une résolution de 2 km.
L’outre mer ne dispose pas encore de tels outils car évidemment très gourmands en puissance de calcul. On travaille donc sur l’implémentation d’un modèle moins coûteux sur la NC et la Polynésie – la résolution sera de 8km (au lieu de 25 aujourd’hui) et nous espérons que la qualité de la prévision (notamment du vent) sera améliorée sensiblement dès la mi-2011. Tout cela tournera à Toulouse sur le supercalculateur central très sollicité par ailleurs (car il y a aussi tout le travail sur le changement climatique).
De manière générale, on s’efforce de faire des progrès comme cela mais il y a des limites : celles de la science d’abord, celles de la prévisibilité de certains phénomènes à très petite échelle (comme les orages), celles des moyens techniques et humains (la puissance des calculateurs, les satellites, les ingénieurs qui développent tout ça).
Mais nous ne publions pas nos chiffres car il ne correspondent qu’à des exigences internes qui ne sont pas nécessairement celles de certains de nos usagers. Par exemple, ENERCAL a besoin d’une prévision de température maximale pour savoir combien d’énergie va être consommée. Si nous prévoyons 30° et qu’il a fait 31°, le plaisancier en mer sera parfaitement satisfait mais pensez-vous qu’ENERCAL le sera ? Et si nous prévoyons 24° et qu’il fait 26°, nous on considéra en interne que la prévision était de qualité médiocre mais cela n’impactera que très peu ENERCAL qui ne verra pas une différence sensible de la consommation. Par contre nous sommes tous d’accord pour dire qu’une prévision de 30° avec une température mesurée de 24° ou vice versa est un “plantage” – et ça arrive, heureusement de moins en moins souvent.
Pour ce qui est des indices de confiance : cette pratique de publier en métropole l’indice de confiance pour les prévisions au-delà de J+3 n’est pas encore entrée dans nos moeurs en Calédonie et en outre mer.
Cet indice est le fruit d’une démarche appelée “prévision d’ensemble” dont vous pouvez obtenir les détails sur les FAQ de nos sites (www.meteo.nc ou www.meteo.fr) ou éventuellement du Centre Européen de Prévisions à moyenne échéance (www.ecmwf.int en anglais) ou de l’organisation météorologique mondiale (www.wmo.int). La prévision d’ensemble sous nos latitudes n’est exploitée que depuis peu (3 ou 4 ans) et non seulement sa qualité globale (selon nos critères propres) est moindre que dans les zones tempérées mais en plus nous (en Calédonie) n’avons pas assez de recul pour publier ce type d’indice. Ca viendra certainement un jour.
En attendant on publie quand même des prévision dites “à 7 jours”. Vous remarquerez que la précision géographique est très inférieure (sur la NC on ne fait pas de différence et sur la France on se contente de mettre une frontière entre le nord de la Loire et le Sud ce qui n’avance pas l’habitant de Tours).
Malgré les progrès, on apprécie à ces échéances (au-delà de 4 jours) les limites de l’art et on préfère ne pas parler de prévisions – au sens déterministe du terme – mais plutôt de tendances (d’ailleurs c’est le mot qu’on emploie dans nos bulletins). On repousse les limites un petit peu sans cesse mais ce n’est pas toujours satisfaisant en partie parce qu’on s’y habitue et que notre (et votre) niveau d’exigence augmente en même temps.. bref nous avons encore de l’avenir dans ce métier.
Bien cordialement
Moi j’aime bien Yowindow http://yowindow.com/ c’est joli et pas trop faut.
Weather forecast is provided by one of the following organizations, depending on selected location and program settings.
– yr.no, the forecast is delivered by the Norwegian Meteorological Institute and the NRK.
– NWS – National Weather Service.
Étrange des Norvégiens ou des Ricains peuvent donner des prévisions météo pas plus fausses que des locaux…
Made in Russia with Love.
Je pense effectivement qu’il est indispensable de faire de longues études pour dire de grosses conneries…
La campagne présidentielle en témoigne tous les jours!
Putain ! t’as du faire de sacrés études!
Quand on veut savoir le temps qu’il va faire, on peut aussi regarder par la fenêtre.
Le fonds du ciel est le suivant: la clientèle gueule, non pas parce que les prévisions sont mauvaises mais parce que les mecs chargés de les faire sont payés pour certains, fort chers pour se tromper.
légèrement susceptible effectivement 🙂
– Si les prévisions météo étaient aussi précises que la réponse de ce monsieur ce serai fantastique !!
– Le temps que ce monsieur a pris pour rédiger sa réponse aurai certainement put être mieux utilisé en affinant ses prévisions !!
– juste pour mémoire, rappelons a ce monsieur ce qui s’est passé au moment du cyclone Erika !!
bon weekend
ps : ils ont prevu quoi la météo ? ;-)))))))
Il faut croire que la réponse n’a pas été encore assez précise, Tyty. Ce que tu écris là démontre que tu n’as rien compris.
Il s’est passé quoi au moment du cyclone Erika ?
tyty, ce monsieur prend le temps d’expliquer, comment pouvez-vous critiquer une telle démarche ?
Sinon vous avez aussi la grenouille, l’échelle et le bocal, si vous préférez, personnellement je suis bien content de pouvoir à peu prés me fier à :
http://www.meteo.nc/
chaque fois que je dois aller trainer mes voiles 1, 2 ou 3 jours sur le lagon plutôt qu’au très aléatoire :
http://www.windguru.cz/fr/index.php?sc=207051
Pour vérifier de combien de nœuds de vent meteo.nc s’est trompée :
http://www.meteo.nc/observations/dernieres-24h
Je trouve que Windguru est souvent dans l’erreur (en plus du ridicule de prétendre prévoir la vitesse du vent quasiment heure par heure et jusqu’à une semaine à l’avance !), sans doute faute de pondération humaine des données informatiques brutes.
Inforétif: c’est exactement ce que j’appelle “croiser les données”… WindGuru se trompe autant que meteo.nc, mais si on utilise les deux, plus nos observations personnelles (plus les analyses des météorologues des aéroports), on affine la précision.
Je trouve que les prévisions météo ont fait de gros progrès.
Ma foi, une fort belle réponse, pédagogique, localisée et instructive.
Merci au “M. Météo” qui a pris le temps de la rédiger. 🙂