LA COUR DE RÉCRÉ (épisode 8) : LE QUESTIONNAIRE À PIERRE

La dernière fois, je vous ai parlé de la télé qu’Elisabeth veut faire avec Pierre et Loulou. Et bien, il s’est passé un drôle de truc. Pendant la récré, il y a quelques jours, à des copines, Cynthia elle a dit comme ça que les sous de la collecte de la fête de l’école, elle se débrouillerait pour les donner à Elisabeth pour la télé de Pierre. Le problème c’est que Cynthia, elle a été enregistrée par une fille d’une autre classe qui nous a fait entendre tout ce qu’elle avait dit. Anne, elle s’appelle la fille. Anne Honnimousse.
Elisabeth, ça l’a énervée très fort cette histoire d’enregistrement qui va peut être l’empêcher de faire sa télé. Du coup, avec sa grosse voix qui fait peur, elle s’en est prise à tout le monde, même à moi, Calédo. Elle a dit comme ça qu’on était des « petits » et des « sans grade ». Comme quoi, en dehors de « mensonges » et « dénigrements », Elisabeth, elle est capable d’apprendre des mots nouveaux.
Après, il y a eu la remise des bulletins de notes. Un qui a fait une drôle de tête, c’est Harold, vu qu’il est dernier de la classe. Nous, ça nous a tous bien fait rigoler, parce qu’Harold il arrête pas de dire que dans la classe il y en a plein qui travaillent pas. En plus, ça lui apprendra à faire le malin avec le Smartphone 3G que lui a offert son copain qui a le même nom qu’un vieux chanteur.
Gilbert, ce matin il est arrivé à l’école avec un vélo tout neuf. Il est peint avec plein de couleurs, son vélo : il y a du vert, du rouge, du bleu et même du jaune. Quand on l’a vu Gilbert tout fier avec son vélo bariolé, là aussi on a tous bien rigolé. Il s’est vexé très fort Gilbert. Il a dit comme ça que rira bien qui rira le dernier parce que déjà tous les vélos de son quartier ils étaient peints comme ça et que bientôt tous les vélos du monde entier ils seraient pareils. On s’est regardé en pensant la même chose. On sait tous que son quartier à Gilbert, il est pas terrible et que quand il y a un vélo volé devant l’école c’est justement dans le quartier de Gilbert qu’on le retrouve, tout brûlé.
À la fin de la journée, Pierre a remis un questionnaire à toute la classe. Maître François, il l’a regardé faire, d’abord l’air étonné, puis il a haussé les épaules en disant que c’était « normal ». Ce mot-là, « normal », il l’utilise tout le temps maître François, comme si ça le rassurait. Pierre nous a expliqué que son questionnaire, c’était pour l’élection de chef de classe du mois d’avril, que nos réponses lui seraient utiles pour savoir ce qu’on voulait exactement. Il a dit aussi que c’était très important de tout bien remplir les cases et qu’il ne fallait surtout pas oublier de mettre notre nom en bas, pour qu’il sache bien qui a dit quoi sur lui.
Moi, je l’ai regardé le questionnaire de Pierre et je n’y répondrai pas. Il est fin long. 22 questions en tout. En plus, il en manque une de question, la plus importante : « Est-ce que vous voulez que moi, Pierre, je change d’école ? ». De toute façon, je sais bien que questionnaire ou pas, Pierre il continuera tout pareil, à faire la gueule dans son pardessus trop grand pour lui…