Marketing politique, lavage de cerveau et concurrence entre les marques de lessive

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Intersindical

Même si ce titre est un peu abscons, il me semble retracer en substance ce qui se déroule depuis quelques semaines en Nouvelle Calédonie au sujet de la concurrence.

L’histoire commence comme ceci : il était une fois une économie qui souffrait du manque de concurrence. Deux groupes politiques déposèrent alors des propositions de textes de loi pour y remédier.

A priori, l’histoire commence assez bien : la représentation politique, ceux et celles à qui la population a remis les clés de sa confiance, propose des lois pour remédier à un problème. Cette force de proposition fait d’ailleurs l’objet d’un des seuls articles de la loi organique qu’un sans-grade moyen comme moi peut comprendre : une seule phrase, limpide, digne du code Napoléon, presque belle (1) : « L’initiative des lois du pays et des délibérations appartient concurremment au gouvernement et aux membres du congrès ».

Dans les Nouvelles du 7 mars dernier, on apprenait pourtant que l’intersyndicale avait déclaré à la sortie du congrès qu’elle ne souhaitait pas distribuer des bons points à un texte sur la concurrence plutôt qu’à un autre et qu’il appartenait au gouvernement d’en faire la synthèse.

Il s’agit donc pour le gouvernement collégial (2) d’œuvrer pour une sorte de destin commun des textes sur la concurrence – toutes proportions gardées –, destin dont ceux qui proposent qu’il soit mis au point par le gouvernement sont les mêmes que ceux qui manifestaient devant ses grilles le 27 novembre 2012. Que c’est beau ce respect pour le gouvernement à qui on pardonne tout, jusqu’à lui offrir une seconde chance ! Mais qu’il est étrange de voir coexister ce besoin de concurrence dans l’économie et ce refus de la concurrence dans la politique !

Cette absence de logique n’est probablement que superficielle, elle doit cacher quelque chose. Pourquoi pas ça : personne n’a vraiment bossé, et les gens l’ont compris.

Pour déposer un texte, le Rassemblement a repris le code de commerce métropolitain, sans doute bien fait sur le sujet mais pas forcément idéal appliqué à la situation de la Nouvelle Calédonie. Calédonie Ensemble a alors demandé à son président du congrès de serrer le frein à main pendant 3 mois, jusqu’à être capable de sortir son propre texte. Facile, quand le camp adverse a dégainé le premier mais qu’on peut tout bloquer le temps de se préparer. Et pourquoi bloquer le processus législatif, si on a déjà travaillé et qu’on a déjà un texte qu’on peut déposer immédiatement ? Pendant ces trois mois de blocage, ils ont fait la même chose : un copier-coller du code de commerce, mais en rajoutant un maximum de dispositions bien vendeuses (3) qui font du texte un « machin » bourré de complexités et de voies de garage permettant au pouvoir politique de reprendre la main quand les monopoles des petits copains sont sur la sellette.

En toute honnêteté, trois mois ce n’est pas beaucoup pour trouver un moyen de laver l’économie plus blanc que blanc sans embêter ses potes tout en ajoutant ce qu’il faut pour pouvoir dire qu’on est les meilleurs. Ça rappelle le sketch de Coluche sur la lessive qui lave tellement plus blanc que blanc qu’elle enlève les taches même quand on fait des nœuds autour : on fait les nœuds le lundi, la lessive le mardi et après on a la semaine pour défaire les nœuds, parce que les nœuds mouillés bonjour !

Si on se réfère aux déclarations des syndicats, et au positionnement du comité économique et social publié dans les Nouvelles du 8 mars dernier, personne n’a envie de défaire les nœuds. Le Rassemblement a vendu du Ariel alors qu’il y-avait du Skip dedans (4), Calédonie Ensemble a fait pareil en versant sur le tout de la lessive politique liquide (5), et le spectacle est tellement pathétique qu’on est obligés de se tourner vers le gouvernement qui, finalement et par contraste, apparaît moins nul qu’avant que les groupes politiques du congrès ne se « saisissent » du problème (6).

Les calédoniens semblent donc avoir compris sur ce sujet ce que les consommateurs savent depuis longtemps : derrière toutes les marques de lessive en rayon, il y-a plus ou moins les mêmes producteurs, qui passent plus de temps à inventer des publicités débiles qu’à améliorer leurs produits (7).

Cela traduit un message : les calédoniens sont moins bêtes que les formations politiques ne le pensent. Le Rassemblement est mort en portant un message que son électorat refuse. Calédonie Ensemble se fait du mal en jouant les lessiviers avec les calédoniens. Si les élections de 2014 sont déjà perdues pour le premier, elles ne sont gagnées pour l’autre qu’en l’absence d’alternative politique.

Voyons ce que la concurrence nous réserve sur ce dernier point.

  1. Mémo pour moi-même : acheter des antidépresseurs. Ou alors mettre un autocollant « I love loi organique » à l’arrière de ma voiture.
  2. Mémo pour moi-même : vérifier si l’âge normal d’entrée au collège est bien de 11 ans. Ça pourrait expliquer beaucoup de choses.
  3. Les publicistes appellent ça des « avantages client ».
  4. Bouh. Pas bien.
  5. La meilleure, celle qui dissout la saleté dans l’eau du bain sans jeter le bébé.
  6. Sera-ce suffisant pour sortir le ministre de l’économie de sa torpeur ? Mystère.
  7. Le summum de la puissance du marketing apparaît d’ailleurs dans celle où un singe a mieux compris que tout le monde quelle marque de lessive il faut acheter.

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Magellan est un navigateur. Soucieux de regarder loin à l’horizon pour savoir dans quelle direction aller autant qu’à la verticale de la coque pour éviter les récifs, il observe avec curiosité. Eveillé récemment à la politique par plusieurs tempêtes, il s’interroge sur l’état du navire et sur la meilleure route à prendre. Ouvert à toutes les idées, pragmatique, avec une sensibilité particulière sur les sujets économiques, confiant dans l’équipage mais un peu moins dans la liste des capitaines possibles, il a pris le parti de se donner les moyens d’avoir ses propres opinions… et de les soumettre à la lecture des visiteurs de Calédosphère.
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Diogene
On est quand même régulièrement dans une situation ubuesque ici! Faudra-t-il vraiment qu’on soit tous emmerdés par une grève générale pour que ça bouge? Pourquoi on ne fait pas revenir deux ou trois missionnaires de l’Autorité juste pour mettre ces textes en bon ordre de marche et les soumettre au vote du Congrès? Est-ce que ça serait pas, comme l’affirme Magellan, parce que les mesures à adopter sont moins importantes que les arrière-pensées électoralistes et les dérogations possibles? A chaque fois que des lois sont nécessaires pour améliorer un peu la vie du citoyen, on en arrive à cette situation… Read more »
Josy

Il apparaît de plus en plus clairement que le thème principal de CE pour les provinciales sera “la vie chère” et que d’ici là, il convient de tout faire pour ralentir des mesures qui iraient dans le sens de la lutte contre ce problème.

Fredy GOSSE

parce que CE travaille au gouvernement?
question secondaire pourquoi ne pas appliquer le recommandations du dernier rapport de 2012 ? il doit être trés bon alors…

Josy

C’est pour ne pas être associé à son bilan que CE ne “participe” pas au travail gouvernemental.

Fredy GOSSE

et ils donnent aux bonnes oeuvres leurs grasses rémunérations?

Josy

Les rémunérations ne sont pas des subventions.

Fredy GOSSE

?????????????????????????????????

josy

Je veux dire que, même si les rémunérations de nos élus et les subventions qu’ils accordent proviennent d’une même caisse, leurs usages sont bien distincts et nos représentants ne mélangent pas les torchons avec les serviettes.

Fredy GOSSE

hum . ça va plaire aux électeurs… moi je me lève à 5 h du mat , nouméa s’éveille et j’ai encore sommeil…
tout ça pour palper le 1/3 ou le1/4 des élus CE payés à rien branler
Hum ,moi j’ai la moutarde qui monte au nez

JIBENE

Problème : Face à ces deux formations politiques, qu’y a t-il ? Des aveugles qui ne peuvent prétendre être une alternance crédible à des borgnes…

Nathalie Fabienne Vaills

Un très bon commentaire, j’aime.

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