Sur un terrain de football, l’arbitre ne joue pas le match, il arbitre. Selon les supporters, chez qui la mauvaise foi semble parfois rendre le jeu plus intéressant, il ne voit pas clair, n’entend rien, choisit de comprendre que les ‘lignes appartiennent aux surfaces qu’elles délimitent’ seulement quand ça l’arrange, croit qu’un joueur se laisse tomber lorsqu’il est taclé et qu’il est taclé lorsqu’il se laisse tomber, bref il a souvent tout faux. Pourtant aucun supporter ne semble songer à s’en passer ?
Pendant la grève générale, nous avons tous eu en tête le paradoxe de voir l’Etat prendre la main devant les institutions de l’Accord de Nouméa pour organiser les négociations de sortie de crise, alors que l’Accord de Nouméa a justement été fabriqué pour éloigner l’Etat. Pour certains, c’est un signe que l’Etat est encore trop présent, pour d’autres que la Nouvelle Calédonie n’est pas prête à s’en passer. Au fond ça pourrait n’être ni l’un ni l’autre, et son intervention semble même pouvoir être une chance. L’Etat joue un peu le même rôle qu’un arbitre sur un terrain de football, et il est appelé à cela pour des raisons similaires.
D’abord l’Etat n’a pas le pouvoir de changer nos règles institutionnelles puisque c’est un accord de pays, adopté par référendum, qui les a fondées. Il est donc lui aussi « en-dessous » des règles en vigueur. Ensuite, ici comme ailleurs, tout le monde veut jouer sur le terrain politique. Arbitre c’est pire que gardien de but : chiant et pas très prestigieux. Or quand on joue dans une équipe, on ne peut pas arbitrer car cela ôte toute légitimité pour le faire.
Et puis tout le monde, quel que soit l’équipe politique, est bien conscient que c’est terriblement pratique d’avoir sous la main une autorité de dernier recours que l’on peut invoquer à chaque fois que l’on est sûr d’avoir raison. L’Etat, sans beaucoup de pouvoir dans la pratique, n’a la plupart du temps aucune possibilité d’intervenir dans le jeu sans être appelé à cela, comme l’a fait le gouvernement pendant la grève générale, ce qui en fait un arbitre légitime. D’autant plus influent dans son action locale que le Haut-Commissaire sait sauvegarder sa neutralité et son autorité, gages ensemble de légitimité.
Au-delà de l’action du Haut-Commissariat, lorsqu’on obtient une décision favorable du Conseil d’Etat ou du Conseil Constitutionnel et qu’en conséquence plus personne n’a rien à dire, quel bonheur! Un véritable outil politique, d’ailleurs intelligemment placé dans notre processus législatif puisque toute loi du pays doit faire l’objet d’un avis du Conseil d’Etat avant son vote au Congrès.
Ce rôle de l’Etat, en retrait mais bien présent lorsqu’il est appelé, basant son action sur des règles partagées, capable de la plus grande technicité mais sans jamais avoir la capacité de décider à notre place, va finalement très bien à tout le monde, et ce pour de vraies raisons de fond. La loi organique, qui impose le consensus dans un pays où il n’y-en a pas souvent, trouve ainsi grâce à cet Etat, acteur de dernier ressort mais pas souverain, un meilleur équilibre.
A méditer pour notre avenir politique.
Dans cette affaire, le Haussaire aura juste fait la démonstration que les partis politiques loyaliste au pouvoir, du Rump à Calédonie Ensemble en passant par l’Avenir Ensemble, tous autant qu’ils sont, auront été “nullissimes”, incapables de se placer au-dessus de leurs ridicules querelles d’égo pour sortir le pays d’une crise grave. Ils ont laissé J.J. Brot tenir la barre. Eux étaient dans la cale et se tenaient par les couilles…
“nullissimes”, surtout celle qui passait son temps à jouer aux Soduku lors des négociations.