LE DESTIN COMMUN SE PORTE-T-IL MAL ?

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Après les aventures mouvementées de la place la Moselle, qui ont marqué de manière négative les célébrations du 24 septembre 2012, je me demandais bien ce qu’il en allait être, et me doutais que ce 24 septembre suivant allait être quelque peu raté. Cela s’est confirmé dans les faits; pas de fête qui rassemble en masse à Nouméa une population mélangée qui adhère, une petite fête un peu artificielle délocalisée à Poya, et des fêtes par ci par là, à la Moselle, à Nouville, où la marque “Kanaky” n’a pas eu de succès, ce qui n’est en rien une surprise. La fête est ratée. Point de fête de la citoyenneté digne de ce nom ce 24 septembre 2013, dépolitisée, détendue, où “les citoyens” de ce pays, comprenez les hommes et les femmes de toutes ethnies, de tous horizons veulent se rassembler parce qu’ils se ressemblent : ils se ressemblent dans leur amour pour ce pays, dans leur attachement viscéral à cette terre, dans leur acceptation mutuelle de l’autre, dans une volonté de vivre dans une société multiethnique de paix et d’égalité, de partager signes identitaires et symboles trouvés ensemble. Alors pourquoi et comment ce sentiment d’échec au lendemain du 24 septembre 2013 ?

Je pense déjà que ce ne serait pas trop se tromper de dire que ceux qui ont fait le coup de force des cases l’année dernière (en voulant imposer leur tribu authentique sur du goudron, une tribu “authentique” politisée avec des drapeaux indépendantistes) sont les grands responsables de ce coup de froid que vient de traverser cette fête du 24 septembre, et par là-même l’idée du destin commun que cette date porte désormais en elle. Toujours revendiquer et faire le coup de force pour ceci, toujours squatter pour imposer cela, toujours le kanakisme victimaire, ça lasse, ça envoie des messages négatifs, ça rappelle une mauvaise époque. Ceux qui en 2012 puis en 2013 ont voulu s’accaparer le 24 septembre en déformant son sens pour lui faire subir une transformation “kanakisation” forcée ont cassé l’ambiance; ce jour n’est pas la célébration d’une opinion politique tranchée: le destin commun d’un pays multi-ethnique ne se reconnait pas dans le drapeau indépendantiste bleu-rouge-vert d’une ethnie — fut-ce-t-elle ici avant les autres — drapeau mis d’office partout pour apporter un prévaloir, une caution idéologique à ces manifestations ou agitations prétendument “citoyennes”. Les Calédoniens de ce pays ne peuvent pas se reconnaître dans une “citoyenneté” pré-identifiée, accaparée par le drapeau indépendantiste, au départ drapeau d’un parti. Cette attitude a amené à un blocage, que la désaffection de ce 24 septembre 2013 confirme.

Du destin commun doit naître une identité, une identité calédonienne, plurielle. Pas une identité kanak à la fois hégémonique et repli ethno-politique qui prétend absorber, effacer les autres, une identité fusionnée à un projet idéologique auquel doivent faire allégeance et dans lequel doivent à leur tour fusionner ceux qui — et ils sont nombreux — ne sont pas kanak. Un européen, un tahitien, un indonésien, ne sont pas, ne seront jamais kanak (et ils se doutent bien qu’on le leur rappellera peut-être un jour, si…) . La construction du destin commun n’est pas compatible avec une volonté d’imposer une étiquette ethnique prétendant devenir une citoyenneté puis se faire passer pour une nationalité, car les Calédoniens se doutent bien qu’ils deviendraient des “citoyens kanaks non-kanak”, avec tout ce que cela peut laisser entendre. Ceux qui tirent les choses dans ce sens (en faisant constamment dans la méthode du forcing et du discours victimaire, méthode colorée par les couleurs du drapeau FLNKS indépendantiste) s’y prennent mal et leurs agitations sont contre-productives; pour eux, pour leur “cause”, pour nous tous. Et du coup, en coulisse derrière la façade officielle du joyeux et consensuel “double drapeau”, se profile une guerre inavouée entre ces drapeaux; chacun restant sous le sien le 24 septembre. On peut donc supposer que le double drapeau n’a rien rassemblé, mais qu’au contraire il a redonné vigueur aux cantonnements ethniques et idéologiques qui fragmentent ce pays, ravivé les méfiances devant les méthodes de forcing aux relents idéologiques d’un autre temps, et par là-même a visiblement mis à mal le chantier complexe du destin commun.

Désaffection de la population devant les célébrations, lesdites célébrations devenues partisanes, orientées, éparpillées; ces constats nous incitent fortement à ressentir que l’idée même du destin commun semble donc bien être mal en point aujourd’hui dans la population de ce pays. Ce 24 septembre 2013, c’était le dernier avant l’année 2014, année déjà devenue un symbole dans l’Histoire de ce pays avant même d’avoir vu le jour, en raison de l’enjeu électoral . Alors que, par les festivités de ce jour férié les choses devraient aller dans le sens du consensus et de l’apaisement, d’un sentiment de citoyenneté partagée, de quelque chose en commun qui se construit, il y a au contraire et de toute évidence des replis ça et là et une crispation dans la population calédonienne, crispation qui ne peut qu’être entretenue par l’angoisse de l’avenir symbolisée par l’année 2014 –avec aussi en toile de fond une tension entretenue par de dangereux gueulards démagogiques manipulateurs de foules. Face à cela, le destin commun est un état d’esprit, un idéal, une volonté, on veut y croire et on s’y accroche fortement et depuis longtemps, dans l’intérêt de tous et celui de nos enfants. Mais dans les faits, dans le concret, depuis un an tout cela s’avère être bien fragile car sensible aux agitations politiquement marquées; le bilan de ce 24 septembre 2013 en est une indication claire.

Mister Eric

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georges
     les électeurs ont leurs mots a dire !!!! 10/02/2015 à 13h16 Bien sur que ce n’est pas sérieux, et il est légitime que CE n’accepte pas l’échange ne serait ce par rapport aux électeurs qui leur ont donné leurs voix ; eux ne comprendraient pas un tel échange, le RUMP ayant obtenu 9 sièges aux provinciales en province sud ; ils ne sont certainement pas en droit de réclamer quoi que ce soit dans cette province ; les électeurs ont viré le RUMP et le prendrait comme une trahison, ce n’est pas pour les revoir à ces postes par… Read more »
georges
georges
     domi13 10/02/2015 à 13h16 Bien sur que ce n’est pas sérieux, et il est légitime que CE n’accepte pas l’échange ne serait ce par rapport aux électeurs qui leur ont donné leurs voix ; eux ne comprendraient pas un tel échange, le RUMP ayant obtenu 9 sièges aux provinciales en province sud ; ils ne sont certainement pas en droit de réclamer quoi que ce soit dans cette province ; les électeurs ont viré le RUMP et le prendrait comme une trahison, ce n’est pas pour les revoir à ces postes par un échange !
Paul Ethos

Merci, Lafleur, Frogier, Fifils et les autres…

olivier blanc

” La plus haute forme de politique est l’humanisme, car il œuvre dans l’intérêt de tous et voit en chacun un citoyen du monde. Par ailleurs, il fait de tout individu le centre de ses préoccupations “. (L’idéal éthique des Rose-Croix).

Cacahuete

Bien tourné et absolument vrai !
De plus, l’émission d’hier soir assoit ces dires.
Les commentaires jusqu’au-boutistes et inquiétants de LKU prouvent qu’avec un tel comportement il veut imposer un régime Taliban !
Racisme, intolérance, despotisme, sont les grandes lignes de son programme pour SA Kanaky dont il brigue le fauteuil. Écœurant que les médiats lui donne la parole et lui prêtent du crédit. Incitation à la haine et la violence, il devrait être en tôle.

Mister Eric
En effet, LKU a à deux reprises répondu “on verra après”. Pour les gosses nés ici dont les parents ne sont pas “citoyens” calédoniens, et qui donc n’auront pas le droit de vote dans leur pays de naissance ( si quelqu’un connait une autre démocratie -occidentale- où cela existe, citez-la ) , LKU a répondu “on verra après” sur ce point du cors électoral “glissant”. Et j’ai trouvé que cela était une volonté exclusion qui ne dit pas son nom, volonté non-dissimulée de sa part; ” on verra après” c’est souvent montrer qu’on ne veut pas dire oui. On peut… Read more »
Belle-Isle

La Suisse. Ce n’est pas parce qu’on y est né qu’on en est citoyen. Mais il est évident que cela entraîne des débats tout aussi passionnés et enflammés qu’ici.

requindormeur

vide et creux.

Voila le résultat de la soupe du destin commun et de la citoyenneté.

Devant cet échec de la propagande d’unité dans la diversité, quelle alternative ?

je propose de développer une réflexion sur la catharsis, et les messages qu’il serait judicieux de faire passer , tel les accidents de la route :
le communautarisme pouvant entrainer des excès, la crispation identitaire ,etc. …

http://fr.wikipedia.org/wiki/Catharsis
A moins que la catharsis advienne avec les prochains résultats aux élections futures, et la,…..rien ne va plus les jeux sont fait.

Glop Pas Glop

Complètement d’accord avec vous Mister Éric, sauf pour la photo !! Pas constructif, Pas Glop, Pas Glop !!

Mister Eric

Ce n’est pas moi qui ait choisi la photo… 🙂

C’est l’équipe du site, ou Franck. Je pensais qu’ils auraient choisi la photo des deux drapeaux, proche du titre et proche du problème soulevé. Mais bon, c’est comme ça.

Omega

Complètement en accord avec ce constat d’échec de la fête de la citoyenneté ainsi que ses causes.

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